AJAR PRÉSENTE MUESLI EXQUIS

AJAR. Cet acronyme vous dit peut-être quelque chose. Présente lors de la prochaine édition du Salon du livre et de la presse de Genève sur la Scène du Cercle, l’Association des jeunes auteur-e-s romandes et romands gagne en notoriété. Créée en janvier 2012 sur l’impulsion de treize passionnés de littérature, elle se caractérise par un éclectisme subtilement mis en valeur à travers la performance littéraire, mais pas que. Rencontre avec deux des fondateurs : Julie Guinand et Guy Chevalley.

Après des études de Lettres à l’Université de Neuchâtel, une résidence à Paris, de janvier à juillet 2014, permet alors à Julie de se consacrer pleinement à l’écriture. Dérives asiatiques, son premier recueil de nouvelles est paru en février dernier aux éditions d’autre part. C’est à l’occasion du concours Pija (Prix Interrégional Jeunes Auteurs) qu’elle fait la connaissance de plusieurs membres actuels de l’AJAR. Quant à Guy, son parcours universitaire en Faculté des Lettres l’a conduit à travailler dans divers domaines. Leur point commun ? Ils s’articulent tous autour du texte. Sa participation au PJE (Prix du Jeune Écrivain de langue Française) lui offre l’opportunité de partager son médium de prédilection avec des auteurs de tous horizons. Son premier roman Cellulose, paru en 2015 aux éditions Morattel, confirme une envie de s’adonner à des projets littéraires personnels et d’évoluer presque exclusivement en tant que rédacteur indépendant. Presque, puisqu’il dirige en parallèle Paulette, une maison d’édition qui connaît actuellement ses premières publications.

Si Julie et Guy partagent leur amour pour l’écriture, un goût mutuel pour les arts a sans doute participé au désir de lier mots, visuel et mouvement. L’AJAR revendique ainsi une pluridisciplinarité qui, par le biais de dialogues audacieux et continus avec d’autres formes de création, mène à la réinvention permanente de son rapport à l’écriture. Initialement, le collectif avait pour but de promouvoir l’activité littéraire d’auteurs non publiés ; si le mot d’ordre reste, le temps, lui, s’écoule, et la plupart des membres connaît aujourd’hui une mise en lumière de son travail. Malgré cela, l’accent est mis sur le texte : ni autopromotion, ni valorisation d’un membre en particulier, mais une participation à l’élaboration des textes plurielle qui favorise une production littéraire décomplexée, départie de tout égo mal placé. Et cela fonctionne plutôt bien.

En quatre années d’existence, les activités de l’association, nombreuses et inspirantes, témoignent d’un parcours remarquable. C’est outre-Atlantique que l’AJAR, représentée par quelques-uns de ses membres, s’est rendue pour participer à la cinquième édition du Festival littéraire Québec en toutes lettres, festival pour lequel ils ont présenté un canular. En effet, une exposition rétrospective de la vie d’Esther Montandon, auteure suisse plus vraie que littérature, présentait des morceaux choisis – dont un faux inédit posthume – et objets d’une existence délirante. Si la réalisation peut a priori sembler aisée, elle nécessite pourtant une fine considération de la notion d’élément biographique. Une fois le festival terminé, Esther, éparpillée dans les valises et les esprits des dix membres de l’AJAR , retrouve une paisibilité helvète toute relative, puisqu’elle est mise en scène à Lausanne, puis Morges. Par ailleurs, l’organisation d’une balade cyclo-littéraire en septembre 2015 invitait à revenir sur les traces d’Esther à la Chaux-de-Fonds, sa ville d’origine. L’AJAR réfléchit à des projets ponctuels autour de cette figure, quintessence de la littérature romande du XXème siècle. Malgré des subventions qui assurent une flexibilité pour certains projets, les défis logistiques et budgétaires demeurent conséquents : le bénévolat accompagné d’un défraiement minimal permet toutefois au collectif de perpétuer ses activités. Parallèlement, l’AJAR affectionne les lectures publiques locales, lectures auxquelles elle participe lors du Samedi des bibliothèques vaudoises notamment. Marraine de la SLFF (Semaine de la langue française et de la francophonie) en mars dernier, l’AJAR a développé des ateliers d’écriture collective pour des classes du primaire et secondaire. L’enjeu était celui d’intéresser les élèves à l’écriture par la déconstruction du mythe de l’écrivain solitaire : oui, l’écriture à plusieurs sait être amusante et enrichissante ! Lors de la soirée de clôture, une performance a été proposée à partir de quatre textes. Au fait, une performance littéraire, ça ressemble à quoi ? S’il est périlleux d’en circonscrire l’acception, les formes qu’elle peut revêtir sont multiples. La base de la performance repose alors sur plusieurs textes, dont la lecture est mise en scène : la présence théâtrale, de même que les voix sont travaillées lors d’ateliers, afin de livrer des interprétations inédites ; d’ailleurs, certains des membres du collectif, musiciens et comédiens, contribuent à la richesse des propositions. En clair, la performance littéraire se veut avant tout accessible et distrayante.

C’est dans cet esprit que s’inscrit Muesli exquis, le prochain événement de l’AJAR, né d’une collaboration avec Alexandre Metzener. Muesli exquis, c’est un triptyque “image|texte|image” qui représente un travail de quatre mois. La première partie demandait à l’AJAR d’écrire sur les photographies d’œuvres présentes en ligne sur le site de la galerie swissachtung.ch : la consigne étant celle de donner la parole à des éléments de l’œuvre choisie. La seconde partie envisageait quant à elle, la création de nouvelles pièces à partir des textes rédigés. L’accrochage lui-même suscitera un intérêt certain, puisque dialogueront dans un même espace des médiums divergents : de la photographie à la peinture, en passant par la sculpture. Muesli exquis, que l’on  nous promet riche en lactose, est à découvrir dès le 13 avril dès 18 h 00 au LAC (Local d’Art Contemporain) de Vevey, espace  géré par Alexandre Metzener. Si toutefois il vous est impossible de vous y rendre, pas de panique. Vous aurez la possibilité de rencontrer l’AJAR au Salon du livre et de la presse de Genève, à la fin du mois. Sinon, ils seront du côté de Venise en automne prochain, à l’occasion de la biennale d’architecture.

L’événement rassemblera vingt oeuvres graphiques de :

Thomas Brasey // Kevin Crelerot // Nicole Hametner // Philippe Fragnière // Hugo Bonamin // Anne-Sophie Aeby // Andrea Barciela // Aladin Borioli // Dario Benigno // Rachele Monti // Fabrice Joly // Brian Walker // Jacques Viredaz // Guy Lee Guily // Josianne Minage // Madeleine Jaccard // Marie Acker.

ainsi que dix textes de :

Guy Chevalley // Matthieu Ruf // // Nicolas Lambert // Anne-Sophie Subilia // Daniel Vuataz // Vincent Yersin // Bruno Pellegrino // Elodie Glerum // Clémentine Glerum // Julie Guinand.

En voici un joli aperçu avec le texte de Nicolas Lambert : Les aspirations du pain d’épice.

Tu es mon double, mon moule. La coquille où comme un crustacé je me love. Je me fonds en toi, nos corps s’ajustent parfaitement. Alors seulement je me sens en sécurité, hors de portée. Cette expression, ça me fait toujours penser à la musique. « Hors de portée », comme une note qui se baladerait loin de la clé de sol, de fa ou d’ut, sans ces petits traits mesquins pour lui dire tu es un « do », tu es un « mi ». Une note que les mains tordues des pianistes ne peuvent pas jouer : hors de portée.

On dit « il a de belles mains de pianiste » mais c’est faux. Toutes les mains de musiciens sont monstrueuses, toutes les mains d’artistes d’ailleurs : doigts carapacés, phalanges fuselées comme des mollets de danseur acrobatique, ongles manucurés plantés sur ces bouts de chair bodybuildés, creusés par les baguettes, les pistons, les crayons à mine grasse.

Les pieds des pianistes sont tout aussi ravagés. Ce qu’ils nomment pédale de résonance, sourdine, ce sont en fait des canines et des incisives. Ils ne le voient pas, mais leurs longs pieds plats filent droit vers ce broyeur, qui va les bouffer, leurs pieds, à force de résonner et de sourdiner.

Toi et moi, on n’a pas de pieds, pas de mains, c’est beaucoup mieux. On est comme les bonshommes de pain d’épice, mignons, tout lisses. Pas de visage, pas de nombril, pas de raie du cul, pas de soucis. Je me demande juste pourquoi tu t’habilles comme ça, tout bigarré. Ça fait mal aux yeux, comme une marinière, ou un de ces tableaux qu’il faut regarder longtemps en louchant avant de voir un loup en trois dimensions hurler à la lune.

Les gens naissent à des lieues de la mer et ils portent des marinières, pour faire artiste, pour se sentir l’âme d’un conquistador. Les plus fêlés brandissent un bouquin et secouent des bras de prophète. Les autres agitent des drapeaux aux motifs absurdes, qu’on ne trouve même pas dans le Larousse. Dis, pourquoi tu t’habilles comme ça, tout bigarré ?

Infos pratiques :

  • Vernissage : Mercredi 13.04 dès 18:00, avec une lecture, mise en espace, par l’AJAR. 
  • Adresse: LAC (Local d’art contemporain), Anciens-Fossés 8, 1800 Vevey. www.lacvevey.ch
  • Horaires : Mercredi au vendredi de 14h à 19h, Samedi de 10h à 17h, Dimanche de 14h à 17h.
  • Contact et rendez-vous: Alexandre Metzener / +41 78 831 42 48 / alexandre.metzener@swissachtung.ch

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