Encore au tout début de sa carrière, l’artiste lausannois Basile Brun se plaît à explorer diverses formes d’arts. Arts visuels, art contemporain, musique, jeux vidéo : les idées ne manquent pas à l’étudiant de la HEAD. EPIC l’a rencontré entre deux semestres d’étude afin de discuter de ses multiples projets.
En regardant ton portfolio, on constate que tu explores de nombreuses disciplines artistiques (installations, musique, illustration, jeux vidéo). Peux-tu nous en dire plus ?
Actuellement, je suis étudiant de Master à la HEAD en Media design. C’est un Master sur l’innovation technologique qui propose de nombreux débouchés : design de produits technologique, design électronique, réalité virtuelle ou encore domaine du jeu vidéo. Pour ce dernier domaine, on a monté avec trois amis (Dan, Alex, Gigo) le « Blue Ash studio » afin de développer un jeu vidéo d’horreur. Dans le cadre de ce projet, je me charge du développement artistique et de la création du scénario.
Sinon, lors de mon temps libre, je fais de la musique et du dessin. Mon nom d’illustrateur est Chap0ng et celui pour la musique est Oh Deer.
Comment trouves-tu le temps d’aller dans autant de directions à la fois ?
Disons que j’ai plusieurs passions ! Je fais simplement sur le moment ce que je ressens avoir besoin de faire. Cela dépend selon la journée et l’humeur, mais aussi des commandes de dessins que je dois réaliser ou des lives que je dois préparer. Au fond, je crois que j’ai besoin de ce switch pour ne pas m’ennuyer créativement.
Avant d’entreprendre ce Master en Media Design, quelle a été ta formation de base ?
J’ai suivi un parcours en architecture pendant quatre ans, entre l’EPFL et l’Université de Fribourg. C’était intéressant mais je me suis rendu compte que je n’étais simplement pas fait pour ça. J’ai tenté le concours pour rentrer en Media design à l’ECAL, mais je n’ai pas été pris. J’ai donc postulé au Bachelor en Arts visuels de la HEAD, que j’ai débuté en plein Covid, c’était en septembre 2020. Ce Bachelor était très enrichissant, j’ai pu développer mes pratiques à la fois en animation et en création sonore.
Tu as récemment remporté un appel à projets « Futur of drawing », lancé par Caran D’Ache, peux-tu nous en parler un peu plus ?
C’est un projet en collaboration avec le Master en Media Design de la HEAD, qui vise à imaginer comment, avec les outils techniques actuels, le dessin va évoluer dans le futur. Pour mon projet, j’ai proposé le développement d’un robot qui travaille avec de l’IA pour reconnaître les couleurs et créer une partition sonore générative en même temps. Concrètement, je travaille avec plusieurs cubes en bois percés dans lesquels des stylos sont insérés et dont un plus grand contient une caméra qui détecte les couleurs. Le plus grand cube en bois vient se poser sur les lignes de crayons et dont l’IA va retranscrire les couleurs en sons. Le vernissage de l’exposition est prévu en mai à la boutique de Caran d’Ache, dans le quartier Plateforme 10 à Lausanne.
Quel est ton rapport à l’IA en tant qu’artiste ?
C’est véritablement cette année que je découvre l’IA. C’est un domaine qui m’intéresse, car il faudra apprendre à vivre avec ce nouvel outil, mais qui ne m’emballe pas forcément. Moi j’aime les IA moches, celles qui produisent des choses étranges. Pour moi ce sont ces créations qui ont un potentiel artistique important. Dans le dessin, cela permet de générer des textures digitales originale qu’on peut ensuite retravailler avec Photoshop par ex. Pour la musique, l’IA créée des samples bizarres qu’on peut ensuite rajouter dans nos compositions.
Pour ce qui est de l’illustration, tes dessins sont plutôt lugubres et mystérieux. Qu’est ce qui te plaît dans ce genre d’univers ?
Depuis tout petit j’avais un attrait pour les créatures que je voyais dans les jeux vidéo de Nintendo (Pokémon, Kirby, Warioland) ou les animés, j’avais par exemple dessiné un Pokédex avec des monstres imaginaires. Puis je suis passé aux mangas, qui ont grandement influencé mes dessins. J’ai commencé par les classiques de mon époque – One Piece, Bleach, Naruto – puis ai découvert d’autres séries plus ou moins de niche comme Bonne nuit Punpun (Inio Asano), Amer Béton (Taiyō Matsumoto), Dorohedoro (Q Hayashida) ou encore Blame (Tsutomu Nihei), PTSD Radio (Masaaki Nakayama), Soil (Atsushi Kaneko) pour le côté horrifique.
J’ai une fascination pour l’étrange, qui est arrivée par le manga mais aussi par les films d’horreur (Projet Blairwitch, The Thing, Hérédité). Avec mes dessins, je ne cherche pas forcément le glauque, mais plutôt le côté mystérieux pour donner des histoires à mes personnages.
En termes de musique justement, comment en es-tu venu à te lancer là-dedans ?
Petit, j’ai fait de la flûte à bec, mais c’était plus pour faire plaisir à ma mère. Après j’ai vraiment tout arrêté pour me lancer dans le dessin. Je suis revenu à la musique il y a huit ans environ, car je voulais dessiner une BD avec une bande-son, histoire d’avoir un univers particulier autour de celle-ci. Ce que j’aime aussi avec la musique, c’est son aspect collaboratif, l’échange qu’elle permet entre artistes. Je travaille notamment sur différents projets avec mon ami d’enfance Lowis (Distorted Orchestra) nommé Høoh, avec Rick (R237) et Dan (Nylo 432Hz). J’aime explorer les différents styles musicaux sans me mettre de limites et partager avec notre label BRRR et mon entourage nos différentes références musicales.
De quoi t’inspires-tu pour composer cette musique ambient plutôt expérimentale ?
J’ai grandi en écoutant La Planète Bleue sur Couleur3, qui a été une grande source d’inspiration pour moi. J’aime beaucoup cette musique ambient très lente mais je me tourne aussi vers des genres comme la dreampunk, la techno et différents styles électro. Comme autres influences je citerai Trentmøller, 2814, Sigur Rós ou encore Iglooghost. Après de manière générale, je suis super curieux dans tous les styles de musique, cela me permet d’avoir des références variées pour créer.
Le vernissage de l’exposition « Futur of drawing » aura lieu le 14 mai à 18h à Lausanne à la boutique Caran D’Ache, à Plateforme 10. Basile sera également en concert à l’Usine Kugler le 25 mai avec son projet « Oh Deer ».
