Paul Nord, la fonte des cœurs

© Sanjay Rai

Quel est le lien entre le Titanic, le réchauffement de la planète et les balles de ping pong ? Ils ont tous un rôle dans Paul Nord : le nouveau spectacle de Nathaly Leduc, joué jusqu’au 16 juin à Floky La Loutre. En se servant des codes du clown et de l’improvisation, Nathaly Leduc alerte son public sur l’urgence climatique. Décryptage et retours sur la première.

Paul Nord, intentions

Pour Paul Nord, tout a commencé un 14 avril, le jour où tout s’est arrêté pour le Titanic. 100 ans d’écart entre ces deux faits, mais c’est en cherchant un sujet pour un sketch au Cabaret des Amis Savoureux, qui se déroulait un 14 avril, que le personnage de Paul Nord, l’iceberg qui a coulé le Titanic a pris vie dans l’esprit de Nathaly Leduc : « C’est un iceberg sur la fin de son séjour en Suisse il est là pour faire un atelier de sensibilisation pour l’Initiative des glaciers mais il n’est pas vraiment dedans, déjà parce qu’il souffre du réchauffement climatique, il est extrêmement fatigué et aussi parce qu’il a très envie de voir du monde, il aime beaucoup les gens, il veut faire la fête, il veut draguer, il doit s’occuper de ses bébés… L’atelier est un prétexte qui lui permet de faire autre chose ».

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Une pièce très ancrée dans l’actualité, puisque Nathaly Leduc, après quelques essais du personnage en cabaret a très vite compris qu’elle pouvait en faire un outil de vulgarisation et de sensibilisation au réchauffement climatique : « J’ai voulu me rapprocher du sujet pour être plus précise, j’ai contacté Damian Veiga pour qu’il me conseille au niveau scientifique, je me suis immergée dans le thème, j’ai lu, je suis allée à des conférences. J’ai fait des premiers essais de personnage avec une approche très factuel mais ca ne marchait pas. […] Au final je suis revenue à ce que j’adore faire, un travail surtout axé sur la création de personnages humoristiques, qui me permet d’avoir une liberté sur scène, que je n’ai pas forcément dans la vie, et une liberté de jouer avec les extrêmes ». Un spectacle qui s’ancre dans le contexte politique suisse, puisque que pour Paul Nord, Nathaly Leduc s’est associée à l’Initiative pour les glaciers, en votation dans le cadre de la Loi climat le 18 juin, avec des représentations publiques et des ateliers utilisés comme outil de vulgarisation.

Entre improvisation et écriture

En mélangeant les codes de l’improvisation et du clown, Nathaly Leduc ne s’est pas rendue la tâche facile : « C’était un spectacle galère à répéter, parce que c’est vraiment le public qui fait le spectacle avec moi. Répéter ce type de spectacle toute seule c’est dur, et là je suis encore en train de trouver des choses qui peuvent faire partie du jeu ». Mais si elle est seule en scène, Paul Nord bénéficie de plusieurs regards sur la mise en scène, grâce au soutien de Paca Gautier, Camille Tavelli et Thaïs Venetz. « C’est aussi un spectacle qui évolue, parce que s’il y a beaucoup d’écrit il y a aussi une grosse part d’improvisation. Je sais toujours où je veux emmener les gens mais comment je vais les y emmener je ne peux jamais être sûre ». Pour Nathaly Leduc, le public comme acteur clé de Paul Nord, ce n’est pas seulement une manière de jouer mais aussi un moyen de renforcer le message de sensibilisation : « Ce dont je suis très contente dans la première, c’est qu’il y a eu un truc très fort, le public sentait qu’à la fin tout le monde se connaissait un petit peu et ça c’est un chose que je voulais faire étant donné que je me demandais aussi quelle était ma place pour parler de la crise climatique vu que je ne suis pas une experte et que c’est un sujet assez intense. Je me dis en fait moi, en tant qu’artiste, ce que je peux faire c’est créer un sens de communauté parce qu’on va traverser ces choses ensemble, il faut qu’on ait l’empathie, la solidarité, beaucoup d’amour pour traverser ces moments. »

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Nathaly Leduc est une comédienne et metteuse en scène brésilienne, arrivée à Genève il y a sept ans. Co-fondatrice du Cabaret des Amis Savoureux et formée à l’art du clown, elle est très inspirée par le character comedy britannique. Les spectacles à message fort ne sont pas nouveau dans son répertoire, puisqu’au Brésil elle était impliquée dans des troupes d’inspiration théâtre de l’opprimé et que par la suite elle a développé des pièces, en parallèle avec l’association Civitas Maxima, autour des thématiques des victimes de guerre en Afrique de l’Est.

L’avis d’Epic

Si la digression était personnifiée, elle prendrait probablement la forme de Nathaly Leduc, déguisée en Paul Nord, serviette sur la tête, crocs aux pieds. La force du spectacle est que tout est prétexte : prétexte à rire, prétexte à réfléchir mais surtout prétexte à ressentir.  Paul Nord joue avec la catharsis et les sentiments profonds, en nous faisant rire, franchement, mais aussi en jouant avec la gamme des sentiments humains puisque Nathaly Leduc n’hésite pas non plus à pousser son public sur le sujet de la mort ou du deuil. Tout est drôle, tout le temps, mais toujours à dessein. Impossible de décrocher une seule seconde, Paul Nord embarque son public dans une heure d’intensité. Entre aparté intime avec le premier rang et danse exutoire, Nathaly Leduc occupe l’espace dans un spectacle où le jeu physique compte autant que le texte. Un sans faute pour qui a envie de s’embarquer corps et âme dans un spectacle aussi hilarant qu’intelligent.

Paul Nord, de Nathaly Leduc, est à voir à Floky La Loutre les jeudis et vendredi 8, 9, 15 et 16 juin. Informations et réservations ici.

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