Rap genevois : rencontre avec Monkey Dola et Yansk

Tournage du clip FREESTYLING (Crédits : Lutzilutz - Drykats Pictures)

Après sa participation au concours open mic « À fleur de plume », le rappeur genevois « Monkey Dola » projette déjà la sortie de son sixième projet. Pour l’aider dans sa tâche, il peut compter sur le réalisateur Yansk, son ami de longue date et membre du collectif de réalisation « Dry Kats ». EPIC a pu discuter de leurs collaborations et de leur quête vers la professionnalisation de leur pratique artistique.

Monkey Dola et Yansk sont vos noms d’artistes, mais pouvez-vous nous dire qui se cachent derrière ?

Y : Je m’appelle Yann, je fais de la vidéo depuis environ 15 ans en compagnie de mon frère, Karel, ainsi que d’un ami à nous, Lutz. Ensemble, nous avons monté collectif Dry Kats Pictures avec lequel nous produisons des vidéos et notamment des clips. Nous avons également des mandats pour de la captation lors d’événements et menons actuellement un projet de websérie.

N : Moi c’est Nishan, j’ai étudié la biologie à Genève, puis les sciences cognitives à Neuchâtel, ville dans laquelle je vis depuis cinq ans. Je suis connu sous le nom de Monkey Dola depuis quelques années maintenant.

Nishan, tu viens de passer le concours open mic « À fleur de plume » qui s’est déroulé au Chat Noir le 16 mai, raconte-nous comment cela s’est passé pour toi.

Je dirai que ce n’était pas vraiment ma soirée, j’étais trop stressé, probablement car j’ai trop travaillé et n’y suis pas allé en mode détendu. Il y avait quasiment une centaine de personnes au Chat Noir, c’était impressionnant. Le gagnant, Nirmou a bien mérité sa victoire.

Le concours s’est déroulé en cinq manches : old school, new school, improvisation (avec des mots imposés par le public), a capella et une composition de son choix. J’étais satisfait de ma prestation en impro, car ce n’est pas mon domaine. J’ai été original dans la partie a capella, mais comme c’était la première fois, j’ignorais l’importance du côté théâtral de cette manche. En plus, je n’étais pas au courant de tous les critères d’évaluation, donc je me suis bridé sur ma présence sur scène, car je pensais que ce serait perçu comme de la triche d’en jouer lors d’un concours axé sur l’écriture, alors que la présence sur scène faisait bien partie des critères d’évaluation. Mais dans l’ensemble, je suis content de mes performances, et le fait de ne pas avoir été sur le podium me motive d’autant plus à prouver mon talent.   

Concert au NED en avril 2024 (Crédits : Drilux)

Depuis quand es-tu passionné par le rap ?

N : Les percussions et le rythme du hip hop m’ont porté depuis tout petit. Je me souviens qu’un des premiers albums que j’ai écouté était « Get Rich or Dye Tryin » de 50 Cent. Quand j’étais jeune, on écrivait des trucs entre potes, on faisait un peu d’impro, mais c’était juste pour rire. Au fil des années, je me suis rendu compte que ce que j’appréciais dans le rap, c’était avant tout l’écriture, ce qu’elle permettait d’exprimer et la manière dont elle pouvait m’aider à grandir. Vers mes 23 ans, j’ai décidé de me lancer plus sérieusement et quelques temps après, j’ai lancé mon premier projet sous le blaze Monkey D.ola.

Comment en es-tu venu à choisir ce nom ?

Je n’avais pas de blaze au départ. Pour moi qui suis un grand fan du manga One Piece, je voulais un blaze avec le D du héros qui se prénomme Monkey D. Luffy. Avec mon meilleur pote, on a pensé à reprendre Monkey D. et voulait ajouter la « Ola » qui reprend le terme de la mer avec la vague présente dans One Piece. En plus ça sonne comme « Monkey Dollar », et ça reflète la condition humaine à notre époque : le singe courant après l’argent. C’est comme ça qu’on est arrivé sur Monkey Dola.

Pour revenir à la vidéo et à toi Yann, comment en êtes-vous venus à travailler ensemble avec Nishan ?

Y : On s’est tout d’abord connu au collège à Claparède, mais on s’est éloigné pendant un petit moment après l’obtention de la maturité. Le moment où Nishan a commencé à se mettre sérieusement au rap a coïncidé avec le moment où Lutz, mon frère et moi lancions notre projet Dry Kats Pictures. Nishan a sorti un premier EP et nous nous voulions faire un clip : l’occasion était parfaite, même si Nishan était plutôt frileux au départ.

N : En effet, mon objectif initial était simplement de publier ma musique. Je n’avais pas encore de vision plus globale de faire des covers ou des clips. Mais après avoir sorti quelques sons, des amis sont venus me voir pour me proposer ces services et j’ai vite été motivé.

Enregistrement du projet SQUR (Crédits : Adrian Herrera)

Y : Pour nous, ce premier clip était l’opportunité de tester des techniques et de faire preuve d’inventivité, on a par exemple construit notre premier rail de traveling pour cette occasion ! Avec Nishan, on a voulu partir d’une base de rap old school, du genre A Tribe Called Quest. On a repris des éléments du gangsta rap des années ’90 et ’00 pour les importer dans un environnement très urbain et y ajouter un peu de magie. Cela donne un style qu’on a appelé « street surréaliste ». Depuis, on a collaboré pour quatre autres clips dont le dernier cette année « Young D ».

Quels sont vos rôles au sein de votre collectif ?

Y : Mon frère et moi nous occupons principalement de la réalisation et l’écriture du clip. Mon frère, qui est comédien, se charge également de la direction des acteur·trice·s. Lutz, c’est le magicien de la technique et il s’occupe du montage avec les effets visuels VFX. Quand on n’arrive pas à réaliser un plan spécifique, Lutz va toujours trouver une solution.

Est-ce que vous essayez de vivre de vos pratiques artistiques ?

Y : Avec Dry Kats Pictures, nous avons déjà participé à un concours de la RTS pour faire financer une websérie, mais cela n’a pas abouti. De manière générale, nous aimons être subversifs dans nos créations, mais dès que tu amènes des sujets un peu sensibles, c’est difficile de trouver du financement. Personnellement, je travaille tous les jours au contact de la précarité en tant que travailleur social, et je ne me vois pas faire un art consensuel. Sur cette base, il est difficile de trouver le financement nécessaire à la concrétisation de nos idées.

Dans tous tes projets, le principal c’est d’avoir du plaisir. De mon côté, j’ai la chance d’avoir un boulot en parallèle qui me permet d’être libre du revenu que mon activité artistique génère ou pas. Mon objectif à terme est de trouver des moyens de productions pour concrétiser mes idées.

N : Pour moi, l’objectif est de pouvoir faire de la scène c’est certain. Si je regarde en arrière le chemin parcouru depuis deux ans, je vois une réelle progression. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre, notamment sur tout ce qui tourne autour de la musique : la communication, le booking ou la réalisation de clip. En 2023, j’ai fondé Monkey Business, pour déclarer mes dépenses dans la musique et pouvoir réinvestir ce que j’en retire. C’est en quelque sorte mon label. Pour l’instant, il rassemble un manager, un scénographe et un DJ avec lesquels je me déplace lors des concerts. Je suis persuadé qu’on gagnera en visibilité prochainement. Je me réjouis de la suite !

Tournage de HEAL (Crédits – Lutzilutz)

Pour terminer, avez-vous une recommandation de morceaux ou films récemment vus ?

N : Je dirai « Stickz N Stonez » de J. Cole, c’est un morceau tiré de son dernier album que j’ai beaucoup écouté. Et pour le film, « Dolemite Is My Name » avec Eddie Murphy. Le film retrace la vie d’un artiste américain que je ne connaissais pas, Rudy Ray Moore, et plus particulièrement de son personnage « Dolemite ».

Y: Pour ma part, j’écoute en boucle « Thrill Is Gone » de BB King ces temps. Et visuellement parlant, je recommande le film français « Je verrai toujours vos visage » qui parle de justice et que j’ai trouvé vraiment bien fait.

Lien vers les pages Insta de Monkey Dola et le site du collectif Dry Kats Pictures.

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