Claudia Souto Cuello : du Jura aux champs littéraires, une poésie du maraîchage

Crédits : Du goudron et des plumes, 2023

Au Jura, c’est aux éditions Du goudron et des plumes que Claudia Souto Cuello redéfinit les frontières de la poésie entre maraîchage et littérature. Son premier recueil “Marina” explore la poésie intrinsèque des métiers de la terre.

« Ce projet est né car je découvrais le monde du maraîchage. N’étant pas mon monde originel, j’ai été poussée à le voir avec un regard neuf et littéraire », raconte Claudia à propos de son recueil “Marina”, un carnet de bord où la terre et les mots tissent un dialogue étonnamment sensoriel.

« J’ai eu l’impression que, découvrant ce monde, je pouvais le transcrire au plus près de l’expérience corporelle », partage-t-elle. Claudia aspire à ce que ses poèmes invoquent une expérience sensorielle plutôt qu’une réaction purement émotionnelle.

Claudia Souto Cuello préparant un monotype de végétaux. Crédits: Du Goudron et des Plumes. 2023.
Claudia Souto Cuello préparant un monotype de végétaux. Crédits : Du Goudron et des Plumes, 2023.

Une écriture des champs

« L’époque où j’ai écrit “Marina”, j’étais en apprentissage de maraîchère ; j’avais alors un peu de temps à mes pauses pour noter les phrases qui me venaient », décrit l’autrice. Son quotidien mélange alors répétition physique et méditation active, ce qui a permis à sa pensée de s’organiser en poésie : « le cerveau part dans une espèce de rythme et c’est très agréable pour faire sortir ou germer des idées. C’est un travail qui permet d’avoir l’esprit qui tourne comme une trame de fond ».

Les contraintes de temps ainsi que son engagement à envoyer des poèmes à son éditrice chaque mardi ont également permis de créer une routine productive pour Claudia : « avoir des échéances fixes pour envoyer des poèmes a structuré mon écriture. Les blocages étaient rares car le temps limité forçait une productivité efficace ».

La conception de “Marina” : entre textes et images

La lecture de “Marina” se ponctue d’images « (…) choisies et placées par Patricia Crelier, l’éditrice, et par Maud Riat, la graphiste, pour dialoguer avec les poèmes, pas vraiment pour illustrer mais plutôt pour compléter les mots », explique Claudia.

“Marina” structure aussi son récit autour des saisons, utilisant des éléments visuels pour marquer le temps. « Le solstice d’été est marqué par deux pages blanches au milieu du livre, et d’avoir les dates et de suivre les poèmes à travers ces dates, ces entrées de journal, donne un rythme très saisonnier à la lecture », précise l’autrice.

Crédits : Du goudron et des plumes, 2023

Nos deux vers coups de cœur :

Une nature si calme que je me sens offensée, (…)

Claudia utilise ce vers pour illustrer la tension entre la tranquillité persistante de la nature et l’impatience humaine. Une frustration qui naît de l’incompatibilité entre les rythmes naturels, qui « prennent leur temps », et l’urgence humaine.

Sa perspective offre une réflexion sur la force immuable de la nature, en hiver notamment, où « il y a tellement rien qui bouge ». Ce contraste avec le besoin humain de progrès rapide, se manifeste intensément sur plusieurs saisons de maraîchage : « Le début du printemps est très intense en maraîchage… et tu as quand même l’impression que rien ne bouge encore ».

Je ne laisse pas de trace… je suis un endroit, (…)

Claudia nous livre que de passer « autant de temps à un endroit » lui a permis non seulement de s’immerger dans cet espace mais aussi de le transformer et d’être transformée par lui : « j’ai l’impression d’avoir participé à une petite parcelle de nature et d’avoir vraiment mis toute mon énergie et tout ce que j’avais dans un tout petit carré rectangle de terre ». Son immersion dans le maraîchage a apporté un sens de la permanence qui contraste avec la fulgurance du besoin d’écrire. Claudia suggère que sans le maraîchage, elle n’aurait peut-être pas retrouvé le chemin vers l’écriture.

L’espace physique, lorsqu’il est profondément vécu et intégré dans la pratique créative, peut devenir un puissant catalyseur pour la littérature. Claudia Souto Cuello, en devenant « un endroit », montre comment la profonde connexion avec un lieu spécifique peut enrichir la création artistique, rendant l’acte d’écrire non seulement une réflexion sur l’expérience personnelle mais aussi une extension de l’espace lui-même.

Retrouvez “Marina” , un recueil de poésie maraîchère dans la collection « Les Petits Carrés » des éditions Du goudron et des plumes.

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