[EPIC OPUS N°39] DISTORTED ORCHESTRA

Aux commandes de ce 39e OPUS, Distorted Orchestra, DJ et producteur lausannois qui s’est récemment illustré par la sortie de son premier EP My Precious Demon. Ses influences, puisées dans le milieu punk underground lausannois dans lequel il a grandi, rendent sa techno aussi inclassable que percutante. Présentation de Lowis et de son mix pour EPIC, entre kicks puissants et dissonances.  

Hello, merci pour cet OPUS ! Avant tout, peux-tu nous en dire plus sur l’endroit où l’on se trouve, qui en dit long sur ton background il me semble ?

On est dans mon studio, que je partage avec mon père, qui a un groupe punk / rock / métal. C’est comme ça que je suis arrivé dans la musique en fait, j’ai vraiment baigné dans ce milieu depuis tout petit. Mon père a toujours été dans la culture punk, il a été programmateur de la Dolce Vita ; il m’a beaucoup parlé de cette période, de la culture alternative lausannoise de l’époque, qui était bien plus développée que maintenant. Et j’ai commencé la musique par-là, en faisant de la batterie, de la guitare. Mais c’est quand je suis entré dans le studio de musique de mon parrain, qui lui fait de l’électro, et que j’ai vu des boutons partout, des câbles dans tous les sens, que je me suis dit : c’est ça que je veux faire. 

À ce moment tu étais très jeune. Comment en es-tu arrivé au mix et à la production plus tard ?

Pendant mes études de graphiste, à l’Eracom, j’ai commencé à pas mal sortir, j’allais beaucoup au Romandie. Et j’ai tellement aimé cet endroit, qui avait aussi un lien avec mon père qui avait fait partie de la première structure, que j’ai eu envie de prendre part à ce milieu-là. J’ai commencé par les lights, puis j’ai fait un peu de bar, de l’entrée et j’ai fini par rentrer au comité. Toujours en faisant de la musique à côté et c’est en fréquentant les artistes, en voyant des concerts que j’ai eu envie d’être aussi acteur de cette scène. J’ai lancé mon premier projet de musique et en même temps avec des potes on a commencé à organiser des raves avec notre collectif BRRR qui est devenu maintenant un label. On a fait une première soirée au Romandie et à partir de là on a commencé à lancer d’autres projets.

Et qu’est-ce qui t’a motivé à t’investir dans tes projets persos ?

Quand j’ai commencé avec BRRR, je n’avais aucune connaissance quant à savoir comment me professionnaliser dans le milieu. Et puis c’était compliqué avec la fin de mes études : j’ai eu tendance à laisser mes projets musicaux de côté. Mais ensuite il y a eu des rencontres qui ont été très importantes, dont Anthony (POSIIR), qui est mon coloc et mon meilleur ami, qui faisait à ce moment-là partie de la team Manareïm. Mathieu Benjamin aussi, qui m’avait contacté pour faire du graphisme avec lui pour les débuts de Temporal Variation et ensuite Loris, Atonal, avec qui j’ai commencé à faire des projets. Donc petit à petit il y a eu une team externe à mon groupe de base. Je les suivais à des DJ sets, et ça m’a donné envie de faire la même chose. Par la suite ça a été pareil avec ma copine Giorgia (Gioski) ; pouvoir partager ça avec elle, être avec quelqu’un qui comprend ce que je fais et en parler, c’est vraiment inspirant. Et quand le COVID est arrivé, comme on ne pouvait plus sortir, j’ai eu vraiment envie de recréer un projet, en repartant de zéro, d’utiliser les nouvelles connaissances que j’avais apprises à force de rencontrer des gens et c’est de là qu’est né le projet Distorted Orchestra. J’ai pu faire une première rave sous ce nom à une soirée de Deb McCormick. Puis petit à petit il y a eu pas mal de dates qui se sont enchaînées, de plus en plus grosses, comme Le P’tit du Gros dans le Jura, le Zoo à Genève ou encore à Bulle.

Je trouve incroyable de me dire qu’il y a une telle sphère de personnes talentueux∙se∙x∙s autour de moi. Pour moi c’est une réelle source d’inspiration.

Et la production est aussi arrivée avec le projet Distorted Orchestra ?

Oui, au même moment. J’ai décidé de vraiment prendre du temps pour pouvoir produire. J’aime beaucoup mixer devant des gens mais le fait de pouvoir se retrouver seul avec soi-même et la musique, j’adore. Et durant ces deux premières années du projet Distorted Orchestra, il y a eu aussi pas mal de releases importantes pour moi. Le problème quand tu travailles tout le temps tout seul c’est que tu as toujours la tête dedans et ton entourage ne peut pas être 100% objectif. Là il y a eu un de mes sons qui a eu une release par DERESTRICT, qui est une team que j’aime énormément, ça valide le travail. Et récemment mon EP, My Precious Demon, qui est sorti sous le label Exitus Record, un label de Madrid. C’est cool parce que ça rend les choses concrètes, ce n’est plus juste faire de la musique tout seul dans son studio.

Et tu comptes continuer à mixer en parallèle de la production ?

Oui, pour moi c’est super important de garder les deux. Et maintenant je travaille dans le social, ce qui peut être très lourd psychologiquement, en plus du milieu de la teuf où tu ne dors pas beaucoup ; je peux très vite me mettre une balle dans le pied. La prod ça me permet de lâcher prise, d’être dans mon petit monde. Et en fait ce qui est important pour moi ce serait de pouvoir développer un live justement, donc en public, et en incorporant des visuels. Un peu tout ce que je fais, mais sans le côté techno club, quelque chose de plus expérimental. L’idée aussi ce serait de faire venir mon père, qui viendrait jouer de la vraie batterie dessus.

Est-ce que le style que tu mixes est le même que ce que tu produis ?

Ce que je mixe, c’est très difficile de pouvoir mettre un nom dessus. Surtout qu’avec le projet Distorted Orchestra j’ai fait beaucoup de closings, donc le but c’était de mettre le truc le plus énervé possible : ça doit taper, ce sont des sonorités ultra noise, sans mélodie. Ça, c’est quelque chose qu’on retrouve dans mes prods comme dans mes DJ sets, le côté noise et très peu de mélodies. Là, dans ce que je produis, je suis en train d’aller vers quelque chose plus cinematic sound design, assez puissant, mais moins intense, avec des BPM moins élevés que ce qu’on peut retrouver dans mes sets où je passe beaucoup d’artistes ultra intenses comme Swarm Intelligence ou ZNZL. Mais je suis bloqué dans rien, j’ai aussi envie de pouvoir me dire qu’on pourrait m’inviter pour être un peu plus expérimental. Et dans la prod, j’aimerais pouvoir me dire que je peux sortir un album 100% ambient ou un truc beaucoup plus breaké ou du drone métal. Avoir un peu cette créativité et cette liberté dans la production pour moi c’est hyper important.

Tu peux nous en dire plus sur le podcast que tu as fait pour EPIC ?

Pour moi c’est toujours un peu difficile de faire des podcasts, d’enregistrer quelque chose et de le réécouter derrière. C’est à chaque fois une souffrance parce que je vois tout le temps des mini décalages, et je remets en question toute la tracklist ! Pour ce podcast-là, j’ai voulu prendre une tangente différente, c’est un BPM moins rapide que ce que j’ai fait ces derniers temps et c’est la première fois que je fais un podcast en trois decks, donc en mixant vraiment trois sons en même temps. Ce n’est pas tout le long comme ça, mais il y a vraiment des passages où je voulais mettre de la densité avec beaucoup de percussions et là je trouve ça assez intéressant de pouvoir rajouter une troisième platine dessus. J’ai vraiment essayé de trouver des sonorités, de pouvoir faire voyager, ce n’est pas un style vraiment très défini. Il y a autant de l’hypnotique, du breaké, de la grosse indus. J’ai vraiment voulu installer une ambiance qui revient à cette idée d’univers cinématographique vers lequel j’ai de plus en plus envie d’aller. Pour moi dans ce podcast, l’objectif c’était de créer de la techno avec plusieurs étapes, avec de la variation. Ça reste toujours ma patte qui est assez punk et assez énervée mais sous une autre forme, un peu plus polie, un peu plus réfléchie. J’ai mis pas mal de temps à trouver une tracklist cohérente. On retrouve des artistes que j’aime énormément comme ZNZL, Ospiel, NN, et il y aussi des artistes plus dirty, plus noise.

Et au niveau des références justement, y a-t-il d’autres groupes ou artistes qui t’inspirent ?

Au niveau des références musicales, je citerais par exemple du métal électro comme Petbrick, qui est un groupe que j’adore et qui est d’ailleurs dans le podcast. Je suis aussi très inspiré par des artistes comme Autechre, pour moi c’est juste du génie complet. Dans les artistes plus anciens je dirais LFO, un peu plus IDM mais que j’aime beaucoup et il y a les Swans, dans le rock punk alternatif, qui est un groupe assez impressionnant dans la démarche et la recherche musicale. Dans d’autre styles il y a par exemple Laibach, plus orienté électro métal que je trouve incroyable, ça m’avait rendu fou petit quand je les avais découvert. Sun O))) aussi, drone métal bien intense. Enfin, pour moi, écouter tous ces artistes a créé une sorte de gros panel de créativité. Parce que personnellement je trouve ça dommage de se restreindre à un seul style.

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