Angélique Spiliopoulos, Antony Razafijaonimanana et Hugo Follet forment ensemble le collectif Brouillon. Au sein de celui-ci, les trois jeunes artistes s’amusent avec les codes et font de tout acte créatif un jeu. Nous les avons rencontrés pour qu’iels nous racontent le parcours qui les a mené·e·s à ce style de performance atypique.
Quand nous arrivons chez les trois membres du collectif Brouillon, Angélique Spiliopoulos, Antony Razafijaonimanana et Hugo Follet, nous sommes immédiatement plongés dans leur univers. Stockés le long du mur en pierre, à l’extérieur, toute une quantité d’objets trouvés, récupérés ou échangés. « On récupère tout, sans savoir pour quel projet, mais sûres que ça servira un jour » raconte Hugo. La porte passée, c’est leur salon qui nous frappe. À la place des traditionnels fauteuils et canapés, un studio fait maison, installé dans un effort commun. « On voulait en faire un espace modulable pour répondre à tous nos besoins en fonction de nos projets. » En somme, l’atmosphère du lieu est à l’image de l’art du collectif et les éléments physiques, les sons, leurs présences, tout communique pour devenir un terrain propice à la création.
Hugo et Antony se sont rencontrés en formation à l’Ensaama, école d’arts appliqués à Paris où ils ont étudié le design d’objets. Tous deux sont insatisfaits par le caractère presque industriel de cette formation où la proximité avec la matière s’oriente davantage vers une production proche de l’industrie. Leurs liens se créent autour de la musique et de la volonté de partager leurs inspirations plus créatives. Depuis, ils ont intégré la haute école d’art et de design de Genève (HEAD) où ils trouvent la liberté d’explorer leur art performatif tout en se sentant guidés par des regards critiques. Angélique, quant à elle, s’est formée dans l’univers très stricte de la danse classique. Elle fait un premier pas de côté en entamant sa formation au Ballet Junior de Genève où elle ne se sent plus considérée comme une simple élève mais goûte au monde professionnel. Elle vit aujourd’hui de la danse « c’est ce qui me drive dans la vie, mais j’ai vraiment ce besoin de faire d’autres choses, hors de ce qui m’a été assigné par ma formation », nous dit-elle.
Un assemblage de compétences
Suite à leur rencontre, la collaboration s’initie assez naturellement. « J’ai découvert l’idée de collectif par le militantisme », raconte Hugo, « j’y ai vu la force et l’effervescence que le groupe peut créer ». À trois, iels décident d’emménager dans cette colloque hors du commun, en pleine nature. Commence alors l’aventure : les pratiques se mélangent et se complètent. Iels se lancent dans la création de Maintenance. Dans cette première version donnée à Bongo Joe en mars dernier, le collectif commençait par jouer avec l’espace. Les compétences manuelles étaient les premières à transparaître avec la construction en direct d’une structure en bois, clous et visseuses en action sous les yeux du public. Naissaient alors trois plateformes à différentes hauteurs et une fois l’espace transformé, on découvrait que la structure était aussi instrument. Des micros nichés et des boîtes à effets permettaient de créer du son, tandis que les corps entraient en mouvement d’une plateforme à l’autre, d’un instrument improvisé à l’autre. En vingt-cinq minutes, iels parvenaient à questionner les codes en mélangeant les genres artistiques et en créant de nouveaux imaginaires.
La débrouille au service de l’art
La pluridisciplinarité de Maintenance trouve sa légitimité dans le cumul des pratiques de chacun·e. Espace, son et mouvement, iels se transmettent les un·e·s les autres leur expertise. Mais, quand on les voit performer, les frontières s’effacent et tou·te·s sont sur un pied d’égalité. S’iels ont choisi de s’appeler Brouillon, ce n’est pas pour rien. Il y a la volonté de brouiller les pistes avec ces échanges mutuels de compétences et il y a la débrouille, la capacité qu’iels ont trouvé de faire avec, de trouver les solutions en se lançant simplement dans les projets sans trop réfléchir. À ce sujet, Angélique ajoute : « pour faire un brouillon, il n’y a pas de méthode. C’est ce premier jet que tu lances sur le papier quand toutes tes idées ne sont même pas encore claires dans ta tête. J’ai eu du mal à sortir de ce besoin de tout bien faire, mais une fois que j’ai osé, que j’ai accepté que ça puisse être le foutoir, ça a été hyper libérateur ! ». Et c’est en se lançant parfois tête baissée que le collectif parvient à trouver des solutions à tout, par des chemins peu conventionnels.
Aujourd’hui, le collectif travaille sur une version plus longue de Maintenance qu’iels souhaiteraient présenter dès la saison prochaine. Ce processus leur permet d’y ajouter plus d’oralité et de prêter encore plus d’attention aux mouvements inévitables du corps sur cette structure qu’iels montent et démontent. Iels sont sans cesse dans le questionnement pour faire avancer le projet mais il y a une chose qui ne bouge pas : « Tout est prétexte à jeu. C’est l’émerveillement qui nous guide, l’émerveillement associé à l’enfance. C’est tellement facile de le perdre, de perdre cette partie instinctive, on lutte pour la garder et on s’assure de s’amuser dans tout ce qu’on fait ! ». Iels s’accordent aussi pour dire que la force du travail à trois c’est un relai d’énergies positives et créatives sans cesse renouvelé !
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