Jim Harrison au Théâtre de la Parfumerie

(© Audrey Croisier)

Du 9 au 28 mai, la nouvelle création de Michel Faure, Big Jim ou la vie selon Jim Harrison, sera présentée au Théâtre de la Parfumerie. Le scénographe et éclairagiste enfile son costume de metteur en scène pour nous parler de son auteur fétiche incarné par le comédien Matthieu Delmonté.

Salut Michel ! Tu fais partie de l’équipe qui gère le Théâtre de la Parfumerie. Peux-tu nous parler de ton parcours dans le domaine du théâtre ?

Mon père était comédien, j’ai grandi dans le monde du théâtre. Arrivé à un certain âge, j’ai voulu me « révolter » et j’ai basculé du côté de la lumière et de la scénographie. Comme il n’existait pas une telle formation à Genève, je me suis formé sur le tas. J’ai construit des décors pour d’autres personnes, j’ai travaillé avec des éclairagistes dans différents théâtres, etc. J’ai vécu de grandes aventures théâtrales, le plus souvent avec des troupes indépendantes, comme la création du Grütli et celle de la Parfumerie.

Le travail de metteur en scène, je l’ai relativement peu exercé, ou du moins très peu à Genève, j’ai réalisé une dizaine de mises en scène sur les presque trois cents créations auxquelles j’ai participé. Je l’ai surtout pratiqué à Kinshasa, car je participe à la gestion d’un théâtre sur place avec l’équipe du Théâtre des intrigants.

Comment es-tu venu à travailler au Congo avec cette troupe ?

Tout a commencé en 1990 : j’ai été invité à un festival de théâtre pour enfants qui avait lieu à Kinshasa pour participer au spectacle Attention, chute de clowns ! Sur place, j’ai rencontré l’équipe du Théâtre des intrigants et on a eu un véritable coup de foudre, on a tout de suite voulu travailler ensemble. On a alors établi une espèce de cahier des charges pour monter des auteur·rice·s africain·e·s populaires. Un des spectacles sur lesquels nous avons travaillé fut Misère de Landu Mayamba Mbuya. Ce spectacle, encore joué aujourd’hui – on doit en être à la huit-centième représentation – les a propulsés : on s’est rendu à Avignon, en Belgique ou encore en Suisse. Ce succès a dépassé toutes nos attentes.

Depuis, j’y suis retourné des dizaines de fois. Avec le soutien de la Fédération genevoise de coopération, on travaille dans une trentaine d’écoles de Kinshasa pour initier les enfants au théâtre. Le fruit de notre travail est présenté dans le cadre du festival des Journées congolaise de théâtre pour et par la jeunesse.

Venons-en au sujet de ton prochain spectacle, à savoir Jim Harrison. Quel est ton premier souvenir en lien avec lui, et d’où te vient ta passion pour cet auteur ?

Quelqu’un m’a offert Dalva, je suis entré dans ce livre et je n’en suis plus sorti. Je n’ai eu qu’une seule envie, lire tout le reste de sa bibliographie. Pour moi qui ai grandi à la campagne, je me suis vraiment retrouvé dans ce qu’il racontait, mais surtout dans son rapport à la nature et dans sa critique du monde politique. Cet auteur m’a touché droit au cœur, il a une façon extraordinaire d’écrire, de mélanger le presque insignifiant avec des images d’une force poétique incroyable.

Tu dis avoir puisé dans plusieurs de ses textes : En marge, Entre chien et loup, Aventures d’un gourmand vagabond, Un sacré gueuleton et Le vieux saltimbanque. Mais comment as-tu choisi les extraits pour créer ta pièce ?

Durant la période Covid, j’ai relu toute l’œuvre de Harrison, le livre que son traducteur a rédigé sur lui, j’ai regardé plusieurs interviews ainsi que le portrait filmé qu’a réalisé François Busnel. Tout cela m’a permis de me préparer pour le montage. Je ne souhaitais pas m’attaquer à ses romans et à ses poésies. Je voulais partir de ses écrits théoriques et autobiographiques.

J’ai travaillé de façon systématique, avec des couleurs selon les thèmes abordés dans ses ouvrages. J’ai fait des regroupements selon des thèmes qui lui étaient chers : la nourriture, l’écriture, l’alcool ou encore les autochtones américains. Au fur et à mesure que je relisais les ouvrages, je mettais des fiches aux endroits qui correspondaient à ces thématiques. J’ai ensuite mis les passages dans un ordre qui me convenait en vue d’une pièce de théâtre, sans pour autant changer un seul mot de ses textes, ni même une seule virgule, par respect de l’auteur.

(© Audrey Croisier)

Quelles facettes de la vie de Jim Harrison as-tu souhaité montrer au public à l’aide de ta mise en scène ?

Plusieurs… Tout d’abord : le personnage dans son ensemble. Un homme entier, gargantuesque et glouton, que cela soit de nourriture ou de la vie en général.

Ensuite, j’ai souhaité mettre en avant la façon qu’il avait d’envisager la nature, qui est un élément central dans son œuvre.

Enfin, j’ai cherché à montrer le rapport entre Big Jim et l’alcool. Lui, il savait très bien qu’il était alcoolique et il a régulièrement cherché à s’en sortir. Son regard sur la question est très pertinent et reste valable encore aujourd’hui. Il explique comment trop boire nous pourrit l’âme et celle de celles et ceux qui nous entourent.

Comment en être venu à travailler avec Mathieu Delmonté pour incarner Jim Harrison ?

J’ai procédé avec un casting ciblé : j’ai rencontré plusieurs comédiens à qui j’avais envoyé des extraits de textes et leur ai simplement demandé de lire ces extraits. Dès que Mathieu a commencé à lire, je me suis dit qu’il était fait pour le rôle. De son côté, les extraits lui ont parlé et il a tout de suite adhéré au projet. J’ai une totale confiance en lui, dès qu’on s’est mis au travail cela a bien fonctionné.

Il faut savoir que le texte représente un énorme morceau pour un seul-en-scène. Le personnage nous invite chez lui et nous raconte simplement son histoire, ses passions. Cela représente un peu plus d’une heure de jeu. Quand il y a plusieurs comédien·ne·s, ils et elles peuvent s’entraider, se donner la réplique, mais pour cette pièce, Mathieu est tout seul.

Les traducteur·rice·s de Jim Harrison ont régulièrement changé pour ses premiers ouvrages traduits en français. Pour toi qui as relu toute son œuvre récemment, observes-tu une différence entre les versions françaises ?

Totalement, cela est frappant. Les premières traductions sont plus rigides, plus sages, tandis que pour les suivantes, le côté « voyou » de Jim Harrison ressort beaucoup plus. Les traductions de Brice Matthieussent sont considérées comme les meilleures, à tel point qu’il s’est affairé à retraduire certains des premiers ouvrages d’Harrison qui avaient déjà été traduits.

Jim Harrison en était bien conscient, il n’hésitait pas à affirmer que son succès dans le monde francophone était dû à Brice Matthieussent. Il existe ici une véritable connivence entre l’auteur et le traducteur.

Toutes les informations pratiques autour de la pièce Big Jim ou la vie selon Jim Harrison sont à retrouver sur le site du Théâtre de la Parfumerie.

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