Cosmic Shuffling débarque en Magic Rocket Ship

Cosmic Shuffling: Primo Viviani, Anthony Dietrich Buclin, Leo Mohr, Loïc Moret, Mathias Liengme et Basile Rickli © Samantha Kiss

Deux ans après son EP, Cosmic Shuffling sort un premier album : Magic Rocket Ship. Le sextet genevois continue à retravailler le son jamaïcain des 60’s à la sauce contemporaine et propose neuf titres dansants et de qualité.

Initialement créé pour reprendre les classiques (et moins classiques) de ska et de rock steady jamaïcains des années soixante, Cosmic Shuffling développe son esthétique depuis maintenant cinq ans. On y trouve Leo Mohr au chant, Loïc Moret à la batterie et aux percussions, Primo Viviani à la basse, Mathias Liengme aux claviers, Basile Rickli au saxophone alto et Anthony Dietrich Buclin au trombone. Sur ce premier album, la section cuivre a même été élargie, notamment sur les morceaux ska, sans compter les guitaristes invités. Pour mieux comprendre Magic Rocket Ship et s’offrir en passant un cours de musicologie, EPIC a rencontré trois des membres du plus jamaïcain des groupes genevois : Basile, Leo et Mathias.

Vous avez sorti Cosmic Goes Wild en 2017 puis deux singles cette année. Qu’est-ce que vous vouliez explorer avec cet album ?

Leo : On voulait sortir quelque chose d’un peu plus long, d’un peu plus consistant.

Mathias : Le premier, comme c’était un maxi 45 tours, il avait la gueule d’un LP, mais il durait 15 minutes. Il y a des gens qui ont été un peu déçus et qui n’ont pas compris pourquoi ça sonnait bizarre quand le disque tournait en 33 tours (rires).

Basile : C’était aussi l’envie d’écrire nos morceaux, d’écrire notre musique ! Continuer le trajet qui a été commencé.

Comment est-ce que vous composez ?

Basile : C’est assez coopératif. Souvent, quelqu’un vient avec une idée – un thème, une grille d’accords, un texte. Ensuite, on bosse ensemble en répète, on cherche. Souvent, on nous demande à nous, les cuivres, d’écrire un petit thème. Chacun est assez indépendant dans ce travail d’équipe.

Mathias : Basile a composé plusieurs thèmes importants des morceaux instrumentaux – Eastern Ska, Night in Palermo, le thème de Short Break. Et Leo écrit toutes les paroles.

Leo : Anthony a aussi beaucoup amené de mélodies ! Moi, j’arrive généralement avec un premier couplet et j’écris les suivants par rapport à ce qui est proposé par les musiciens.

L’album s’ouvre avec le morceau Magic Rocket Ship. Pourquoi l’avoir élu comme morceau éponyme ?

Leo : J’ai écrit les paroles pour expliquer le nom du groupe.

Mathias : Lui donner un sens !

Leo : En anglais, c’est une faute de dire cosmic shuffling. Ça ne veut rien dire. Donc on s’est demandé comment on allait le tourner pour que ce ne soit plus le cas ! Je crois que ça a marché.

Mathias : Comme c’est notre premier album, ça s’explique aussi parce que le morceau raconte notre rencontre, comment l’histoire a commencé. Et en plus ça sonne bien. On a toujours été dans l’univers de la fusée, donc on continue en fusée !

Ce nom, d’ailleurs, Cosmic Shuffling, comment est-ce que vous l’aviez trouvé ?

Mathias : On cherchait quelque chose qui sonnait bien, un peu drôle. Le shuffle, c’est à la fois le ternaire musical, une façon de jouer, et une danse, notamment liée au ska. Cosmic, c’est un clin d’œil aux Skatalites, qui eux ont fait un jeu de mot avec satellites. Finalement, ça sonne assez bien.

Magic Rocket Ship, le premier album de Cosmic Shuffling, est sorti le 17 novembre 2020.

Loin de l’espace et de sa conquête, vous rendez hommage à Anne Bonny, l’une des rares femmes pirates a avoir été retenues par l’histoire. Pourquoi ?

Leo : Il y a beaucoup de reprises qu’on fait qui, politiquement, ont assez mal vieilli. Particulièrement dans la manière de représenter les rapports entre hommes et femmes, ou juste de représenter les femmes, ce n’est plus actuel. Même sur le premier EP, j’avais écrit des morceaux que je trouve un peu mezzo, en les réécoutant. J’en suis fier musicalement, mais les paroles ne sont pas forcément ce que j’écrirais maintenant. On s’est donc dit qu’on allait faire un morceau avec un personnage principal féminin, et pirate. Et un morceau sur lequel au lieu de dire « Ah tu m’as brisé le cœur, c’est fini entre nous ! », dire « C’est OK de se séparer » – ça c’est Life Goes On.

Quelles sont vos influences ?

Mathias : De manière générale, ce sont les musiciens de studio jamaïcains des années 60. Il y a énormément de chanteurs – qui parfois ont un ou deux morceaux, parfois de grosses carrières – mais ce sont toujours les mêmes musiciens qui jouent derrière. C’est donc les studio bands de l’époque : Skatallites pour le ska du début des 60’s, ensuite Jackie Mittoo and the Soul Vendors, Tommy McCook and the Supersonics,…

Basile : Karl Bryan !

Leo : En tant que parolier, il y a beaucoup de Keith & Tex, de Ken Boothe… Et puis il y a un morceau – The Cat in the Hat – qui sort complètement de cette esthétique et qui est un petit clin d’œil à tout le ska anglais des années 80 – The Specials et Madness en particulier.

Mathias : C’est vrai. Clin d’œil à la vague Two Tone. On a sauté la troisième vague du ska, le ska punk des années 80. Nous, on s’inscrit dans la quatrième vague, qui est plus un retour aux fondations.

Justement, vous sonnez contemporains et on reconnaît le son Fruits Records.

Mathias : En ce qui concerne la production, il y a deux influences principales. L’une, c’est Roberto Sánchez. Il a mixé le disque, il joue aussi dessus. On travaille ensemble depuis 2014, avec le label. L’autre, c’est un Américain : Victor Axelrod, plus connu sous le nom de Ticklah. Il fait toutes les productions reggae/rocksteady de Daptone, un label new-yorkais, notamment le disque des Frightnrs. C’est le sommet de ce qui se fait actuellement, en terme de production.

Qu’est-ce que vous voudriez que les gens ressentent en écoutant l’album ?

Basile : Qu’ils bougent.

Leo : Oui, qu’ils bougent, qu’ils tombent amoureux.

Leo : Il y a vraiment un truc, pour moi et le reste du groupe, dans cette musique. Sur certains morceau, il y a quelque chose de tellement beau que ça te fait pleurer. Ça te prend physiquement. Je sais pas si on est arrivé à ça, mais c’est ça qu’on cherche. Moi en tout cas j’essaie de trouver de belles mélodies simples dans ce que j’écris – Basile et Anthony aussi – et des rythmes qui te font sentir que « Wow ! Il y a quelque chose qui se passe ! » Et le corps suit.

Comment est-ce qu’on fait ça, musicalement parlant ?

Mathias : C’est une musique qui est, par essence, relativement simple dans sa composition, dans ses harmonies. C’est avant tout une musique de danse. Nous, comme on s’inscrit dans cette tradition, on n’essaie pas à tout prix de créer quelque chose d’original comme ça se fait beaucoup dans le ska jazz par exemple. On fait un truc comme les Jamaïcains le faisaient à l’époque : harmoniquement, c’est simple. Rythmiquement, c’est fidèle à ce qui se faisait. C’est là le plus dur : réussir à avoir le drive, l’énergie qui est propre à cette musique et qui donne envie de danser. Le travail est dans l’esthétique sonore.

Basile : Je pense que c’est vraiment important, ce que dit Mathias, sur cette volonté de ne pas faire un truc à notre sauce et d’être fidèles à cette musique. On n’essaie pas du tout d’innover. On a écrit nos morceaux parce que ça nous plaît de jouer aussi notre musique, mais toujours en essayant d’être au plus proche de ce qui se faisait à l’époque.

Leo : Pour rendre hommage à ces backing bands qui étaient le fondement du ska et du rocksteady en Jamaïque, on veut montrer que les morceaux sonnent tout aussi bien, voire mieux, sans voix. Que c’est un savant mélange.

Cette envie de continuer à faire vivre ce répertoire jamaïcain, de le faire découvrir, elle est présente dans votre son, mais aussi dans vos lives. Cosmic Shuffling est à la base un groupe de reprises !

Basile : Je viens du jazz et ça se fait beaucoup de jouer des standards. Là, c’est un peu la même chose, avec la musique jamaïcaine. C’est clair que faire partager cette musique, c’est un de nos buts.

Mathias : A la fois ça fait découvrir le répertoire aux gens qui ne le connaissent pas, et pour les gens qui le connaissent, ça leur fait très plaisir de l’entendre joué en live. C’est un répertoire qu’on n’entend jamais ! Rares sont les artistes encore vivants de cette époque-là. Quand ils tournent, ils ont des catalogues tellement énormes que c’est rare qu’ils jouent leurs morceaux un peu obscurs et c’est vrai que nous, on aime bien ne pas jouer uniquement les plus grands classiques.

Leo : Bon, on les a joués aussi !

Mathias : Oui, mais on essaie de proposer des trucs un petit peu moins connus, un peu moins facilement accessibles.

Basile : Quand on choisit les morceaux, on écoute pas mal de choses. Ce sont des moments où on découvre. En général, ce sont pas mal des propositions de Mathias, mais pas que.

Vous passez combien de temps sur les reprises et combien de temps sur les compos ?

Basile : Pour cet album, on s’était donné des objectifs et on travaillé pendant un mois. L’essentiel du travail a vraiment été d’apprendre à jouer ensemble, en amont.

Leo : Ça, c’est le plus grand bénéfice d’avoir commencé avec des reprises. On a vraiment pu juste travailler le son, puisque les morceaux existaient déjà, au lieu de direct devoir se dire ce qu’on voulait faire et comment on voulait sonner. On avait un répertoire en tête, le son de l’époque en vue, et on a construit un son solide. A partir de là, on s’éclate !

Et ça s’entend ! Alors en attendant de retrouver les salles de concerts et autres scènes de festivals, on peut se procurer Magic Rocket Ship de Cosmic Shuffling sur Bandcamp, mais aussi sur toutes les plateformes de streaming habituelles. C’est un disque tout indiqué pour lutter contre la morosité hivernale.

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