Loris Vettese, un programmateur passeur d’émotions

En novembre dernier, la Case à Chocs choisissait Loris Vettese pour occuper la fonction de programmateur. Le Jurassien se voyait remis la lourde tâche de reprendre un flambeau tenu durant quinze belles années par sa prédécesseuse, Xavière Sennac. Entretien avec un programmateur avide d’expérimentations et fervent promoteur de la scène locale et régionale.

Depuis quelques mois, tu es programmateur à « la Case », mais peux-tu nous parler de ton parcours dans le domaine de la musique ?

Je m’appelle Loris Vettese, je suis Jurassien d’origine et je vis à La Chaux-de-Fonds. Jusqu’à l’année dernière, je travaillais dans le design industriel, donc assez loin du domaine musical. Je suis arrivé dans la musique par simple passion. J’ai toujours aimé aller assister à des concerts, parfois jusqu’à quatre fois par semaine : j’ai ce besoin inhérent en moi !

En 2017, j’ai co-fondé le Festival Tartare de Miettes, qui a lieu en été au Cerneux-Godat, dans les Franches-Montagnes. Entre 2020 et 2022, j’ai travaillé à temps partiel en tant que programmateur pour le Bikini Test, la salle de concert à La Chaux-de-Fonds. Et là, depuis novembre 2022, j’ai pris les rênes de la programmation à la Case à Chocs, à Neuchâtel.

En dehors de mon activité pour la Case à Chocs, je remplis aussi quelques mandats externes en réalisant la programmation d’événements à Lausanne et en Tunisie. Je suis également manager et booker de la rappeuse Baby Volcano.

Pour les gens qui ne connaissent pas la « Case », qu’est-ce qu’on peut y voir comme musique ou comme autres disciplines artistiques ?  

La Case, c’est tout d’abord un lieu avec trois principaux espaces : une grande salle avec 750 places, le Queen Kong Club qui comporte 100 places et un bar, l’Interlope. Le bâtiment quant à lui comporte aussi une salle de conférence, un cinéma et une scène pour le théâtre. Le tout ressemble un peu à un petit labyrinthe.

L’intérieur de la Case (© Artaban)

Niveau programmation musicale, le lieu se veut éclectique. On a historiquement beaucoup de musique électronique et de hip-hop, mais on propose également du rock, de l’indé ou encore du jazz. Au total, on présente en moyenne trois événements par semaine.

Enfin, à la Case, on ne fait pas que des concerts. On organise aussi des activités de médiation culturelle, comme des cours pour aider les artistes à démarrer et gérer leur carrière, des masterclass, mais aussi des résidences pour les musicien·ne·s.

Parlons programmation : comment cela se passe concrètement pour toi ? Comment faites-vous des choix ?

C’est un mélange de plusieurs choses, entre mes envies et celles de l’équipe, les demandes qu’on reçoit, les programmations des autres salles dans la région et les missions qu’on doit remplir, notamment dans le soutien à la culture locale. Je me base d’une part sur toutes les découvertes que je fais, j’aime beaucoup voir en live les artistes que je programme. Et les claques que je prends en live, et bien j’ai envie d’en faire profiter le public. 

En outre, on construit la programmation en fonction du public qu’on souhaite toucher. On souhaite contenter la tranche des 18-25 ans, mais aussi les plus âgé·e·s, donc on aura à la fois de la pop, des musiques urbaines et de la chanson française. Enfin, on fait aussi en fonction de la programmation des autres salles de concert de la région. Ce qui est drôle, c’est que les autres programmateur·rice·s sont à la fois des ami·e·s, des collègues et des concurrent·e·s. Mais bon, nous n’avons pas les mêmes lignes de programmation ni les mêmes salles ou les mêmes publics, donc personnellement, je les considère comme des ami·e·s. On échange énormément sur beaucoup de sujets, notamment afin d’éviter d’avoir à deux mois d’écart un·e même artiste dans deux salles éloignées de vingt kilomètres.

Le groupe Berceuses en concert en décembre 2022 à la Case (© Julien Medina)

Est-ce que cela représente un grand chamboulement par rapport au travail de programmation que réalisait ta prédécesseuse, Xavière Sennac ? À quelles nouveautés a-t-on droit ?

Disons que notre ligne de programmation est assez proche. J’essaie d’amener peut-être un côté plus underground à ce qui était proposé auparavant. Et j’aimerais également présenter des set up inédits un peu plus exceptionnels, qui allient par exemple de la musique et d’autres formes d’art. On aimerait aussi développer les co-productions ou la location de l’espace avec des collectifs ou labels de la région. Cela permet d’amener de nouvelles personnes à la Case tout en valorisant le travail de ces collectifs, qui, de manière générale, est très peu considéré. 

Comme nouveautés, je peux citer ici les soirées « SubLiminal », gratuites, qui se déroulent les vendredis de minuit à 5h et qui concentrent sur les musiques électroniques émergentes. Dans un autre registre, on accueillera la rappeuse espagnole Santa Salut, dans le cadre d’une soirée queer et féministe de musique urbaines nommée « Arrabiata ».  

Vous programmez différents styles musicaux et cherchez à contenter des publics variés. N’y a-t-il pas un risque de se perdre à force de vouloir satisfaire tout le monde ?

Non je ne le pense pas, car ce mélange et cet esprit de découverte font véritablement partie de notre vision. La Case, c’est justement ça, un lieu de fête et d’expérimentation qui propose de la variété et qui accueille tous les publics ! On y fait à la fois des soirées de niche tout en présentant des artistes internationaux.

À propos de la fonction de programmateur, c’est au Bikini Test que tu es passé de spectateur assidu à programmateur. Ça fait quoi de se retrouver désormais de l’autre côté ?

C’est clair que le Bikini Test, j’ai grandi là-bas, j’y ai vu énormément de choses et cela restera un de mes clubs de cœur. Cela a toujours été un rêve de pouvoir vivre autour de la musique. Je trouvais incroyable de pouvoir faire vibrer les gens grâce à des concerts, mais je n’y croyais pas trop. L’expérience au Bikini Test a été géniale, j’y ai appris beaucoup de choses sur le game de la programmation.

Et maintenant, est-ce que tu vis de la culture ?

Oui, j’ai lâché mon emploi précédent et je bosse officiellement à 85% comme programmateur. Auparavant, j’avais des horaires de bureau et j’allais aux concerts le soir. Aujourd’hui, c’est différent car les concerts, c’est mon boulot. Ma passion est devenue mon métier principal ! Et si je fais ce métier, c’est parce que je veux donner des émotions aux gens et soutenir les artistes.

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