Jonathan Leu : la programmation pour créer des ponts

© pixofnathan pour Le Bleu Lézard

Pour bien commencer 2023, EPIC débute avec le premier portrait d’une série qui vise à présenter des acteur·rice·x·s clé·e·x·s du monde culturel alternatif romand. Qu’iels soient dans la musique, le théâtre, les arts visuels… iels ont tousxtes en commun d’œuvrer à plusieurs niveaux, et de soutenir la création locale en permettant la mise en lumière d’autres artistes. Pour lancer la série, présentation de Jonathan Leu aka Jo Dalati, ou Princesse Daniel, pour celleux qui ont suivi ses aventures sur la scène rap. Autant d’alias que de rôles investis dans le milieu musical lausannois, pour ce programmateur qui vit et respire culture.

Jonathan, on l’a rencontré une première fois à l’occasion de la conférence de presse du festival Label Suisse. Pas étonnant puisque le rendez-vous était donné dans la cave du Bleu Lézard, son fief puisqu’il y est programmateur depuis août 2021. On a très vite parlé musique, surtout du talent des artistes suisses. Deux semaines après, c’est sur la scène des Docks qu’on le retrouvait, accompagnant Psycho Weazel pour l’incroyable Laisse-moi t’oublier. Pour un dernier live, puisque Princesse Daniel avait annoncé quelques temps auparavant la fin de son projet musical. Il faut dire que Jonathan a d’autres ambitions, pour lui, mais surtout pour la scène suisse. Retour sur la terrasse du Bleu Lézard pour en savoir plus sur son parcours et sur ce qui l’anime, quelques heures avant le début des events qu’il a programmés pour le soir-même.  

Parcours

Ce que l’on comprend tout de suite, c’est que Jonathan s’est retrouvé dans le monde musical par passion, passion qui ne l’a jamais quitté. Pourtant, son parcours de base en sciences politiques à l’université ne le destinait pas particulièrement à se retrouver à gérer les programmations de la Cave du Bleu Lézard ou du Jaja Club. C’est en cofondant Nébuleuse qu’il a fait ses armes. Pendant plus de six ans, son rôle au sein de ce collectif artistique et musical dédié au rap lui a permis de s’essayer à toutes les facettes de l’industrie de la musique : « Avec Nébuleuse, je n’ai pas eu d’autre choix que d’apprendre sur le tas : gestion de projet, booking, organisation d’évènements… Ça m’a aussi permis de me faire pas mal de contacts et de comprendre l’importance du réseau dans ce milieu ». Et de réaliser que c’était ce qu’il voulait faire au niveau professionnel. Volonté concrétisée pendant le COVID, puisqu’il profitera de cette période morte pour la culture pour passer un CAS en gestion de projet culturel qui lui ouvrira les portes du Bleu Lézard, pour lequel il officiait déjà en tant que bénévole, mais aussi des autres établissements du groupe Littlebigfood : le Jaja Club, Sardine et Etoile Blanche. 

©pixofnathan pour Le Bleu Lézard

Jonathan Leu – programmateur

Quatre salles donc, qui peuvent faire monter au nombre de seize les évènements organisés par Jonathan en une semaine. Programmation, communication, coordination, graphisme et direction artistique, c’est une démarche globale qu’il adopte en essayant de concilier attentes du public, satisfaction des salles et envies personnelles : « Personnellement, je vois plus mon rôle de programmateur comme un moyen de créer des ponts entre l’identité d’une salle, les artistes et le public. Ce qui implique de penser des programmations cohérentes qui permettent de créer du lien entre les artistes mais aussi à la possibilité de proposer une rémunération décente tout en satisfaisant les personnes pour qui je travaille. Avec comme objectif premier de répondre aux attentes du public qui se déplace pour les évènements. C’est vraiment une question d’équilibre entre besoins et envies, une approche globale. Dans mon cas j’ai la chance de travailler pour des endroits ayant des identités propres et attirant différents milieux, ce qui me permet de proposer des affiches vraiment variées. »

Jo Dalati – manager

Quatre scènes à gérer cinq soirs par semaine donc. Cela ne suffit apparemment pas à Jonathan puisque à côté il a lancé Dalati, un projet sous forme d’entreprise indépendante qui permet de faire l’interface entre des artistes et des personnes qui rechercheraient des prestations culturelles, des partenaires ou des services de programmation pour des évènements. Une façon d’exploiter les compétences développées au cours de son parcours, avec pour ligne directrice de ne travailler qu’avec des artistes ou des partenaires en lesquels il croit. Une manière également d’envisager son activité principale, la programmation, par un autre prisme, en favorisant la mise en relation et la valorisation d’artistes. Parmi les artistes encadrés par Jonathan, on retrouve Yakary et Beka, du collectif 247, avec qui il avait d’abord collaborés en tant qu’artiste.

Jonathan Leu et Yakary © pixofnathan pour Le Bleu Lézard

Scène suisse import-export

Jonathan a donc envie de valoriser la scène locale, que ce soit à travers les programmations qu’il propose ou les artistes qu’il manage. Avec une volonté de sortir de Lausanne, de créer des liens entre les pôles de la scène suisse que sont Lausanne, Genève, Neuchâtel ou Fribourg, voire avec la scène internationale. « Mon but c’est qu’on puisse exporter cette scène suisse, qui est très dense. Ici on est vite saturé, c’est dommage de ne tourner que dans sa ville. Je pense que les artistes suisses ont des choses à apporter à la scène internationale, de la même manière que des artistes étrangers ont à gagner à venir se produire ici, notamment pour l’ambiance et la qualité du public local, qui connaît très bien la musique. Pour le rap, qui est le style que je connais le mieux, je pense que la scène suisse est pas mal sous-estimée, et je crois qu’il y a un travail intéressant à faire pour mettre en place des structures permettant d’amener cette scène à se révéler. »

Jonathan – public

On n’aurait pas cru qu’il lui restait du temps, mais lorsque l’on demande à Jonathan s’il assiste à des évènements en tant que public, on se retrouve face à un véritable agenda culturel, comme un rappel de la richesse de la vie nocturne romande. « Contrairement à ce qu’il se dit parfois, la scène lausannoise est tout sauf morte. C’est une scène très éclatée, où tu peux faire plusieurs évènements par soir. Le plus difficile en fait, c’est de choisir. Personnellement je sors partout, j’aime autant la scène alternative que des soirées catégorisées plus commerciales, et j’essaie aussi de participer à un maximum d’évènements hors de Lausanne. » Comme dans le travail, son approche de sa vie culturelle est globale : « En fait, mon travail et mes loisirs sont très liés, puisque tout ce que je fais est lié à la culture au sens large : concerts, théâtre, défilés, expos photos, vernissages, tatouages… Je crois que c’est vraiment la créativité qui m’intéresse, et notamment la créativité de celles et ceux qui sont proches de moi, que ce soit au sens géographique du terme ou au sens des passions et des valeurs. »

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