Parfoisjemennuie, je colle donc je suis

crédits photo: Dorentina Emini

Les neurosciences nous enseignent que l’art stimule des émotions intimes et profondes mais aussi que leur pratique développe les capacités cérébrales. Parfoisjemennuie incarne cette conception d’un art thérapeutique, teinté de pop culture japonaise, les ciseaux à la main. Rencontre.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Valeria Frigeri, 25 ans, d’origine italienne. Actuellement, je suis en fin de bachelor à l’Université de Lausanne en histoire de l’art et en histoire et esthétique du cinéma. À côté de ça, je travaille comme agent d’accueil au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. En parallèle, j’ai commencé à réaliser des collages sans pour autant avoir de « parcours scolaire artistique pratique », disons. Je n’ai jamais fait d’école d’art.

Comment as-tu commencé tes collages ?

En fait, j’ai commencé mes collages quand j’étais au gymnase, en voie artistique. Je prenais des cours d’art dans un atelier et souvent quand je finissais mes travaux avant la deadline, je m’ennuyais un peu. Pour m’occuper, j’aimais bien feuilleter les magazines d’art qui trainaient dans l’atelier et très vite j’ai commencé un peu à découper dedans, à assembler des trucs et à en faire des collages (rires). Et voilà, c’est un peu parti comme ça du coup, par ennui, si j’ose dire… d’où le nom parfoisjemennuie. Mais très vite, j’ai commencé à le faire en dehors des cours, à la maison. C’est vite devenu une activité presque thérapeutique, en fait. Ça me permettait un peu d’être dans ma bulle, de ne penser à rien d’autre.

Un thé, de la musique, des ciseaux, tout ce qu’il faut pour s’évader.

Depuis c’est quelque chose qui est resté en moi. Quand je fais mes collages, c’est vraiment un moment que je prends pour moi, où la création est primordiale. C’est ce qui permet de m’évader du quotidien. Des années plus tard, suite aux conseils d’ami·e·s qui venaient à la maison et qui voyaient mes collages, j’ai pris la décision de lancer un compte Instagram en me disant : « Pourquoi ne pas partager ça ? Et tant mieux si ça plait à deux, trois personnes. Ça serait chouette. »

Quelles sont tes sources d’inspiration principales ?

Disons que j’ai énormément de sources d’inspirations diverses, que ce soit à travers l’art visuel, la photographie, le cinéma ou encore la musique. Je me nourris de toutes ces choses-là. Ce qui ressort peut-être le plus de mes collages, c’est tout cet intérêt pour l’art pictural du 20e et 21e siècle, donc plutôt contemporain.

Et puis forcément, il y a aussi tout ce qui tourne autour de la culture japonaise avec l’esthétique manga, anime qui est une inspiration venue tout droit de mon enfance. J’ai toujours eu une fascination pour cette esthétique. Ce type de dessin me touchait à l’époque et me semblait complètement différent de ce qu’on avait l’habitude de voir. C’est un kiff qui a grandi à travers les années et que je garde encore aujourd’hui de manière un peu différente puisque mon intérêt s’est élargi à l’art japonais de manière générale. Mais j’aurai toujours cette part de nostalgie liée à l’enfance quand je fais mes collages.

As-tu des artistes qui t’inspirent ?

C’est dur de citer des artistes qui m’inspirent là, comme ça, à première vue. S’il y a vraiment une figure que je peux faire ressortir c’est Tadanori Yokoo. C’est un plasticien japonais qui m’a énormément inspirée autant par ce côté très graphique « à la japonaise » mais aussi par ce contraste et son côté « art européen ». Il emploie des couleurs très fortes et il y a vraiment un truc très contrastant dans son travail qui me plait énormément. Je pense que c’est sincèrement l’artiste qui a dû le plus m’inspirer par rapport à ce que je fais.

Tadanori Yokoo
TITRE: KITAHARA COLLECTION / YOKOHAMA CHARACTER MUSEUM
 2000

Raconte-nous comment se passe le processus de création.

D’abord, il y a toute la recherche que je fais dans les magazines et les livres. Il faut savoir que tout ce que j’utilise pour mes collages provient de la presse papier ou de vieux livres que j’ai. Je passe du temps à feuilleter car il faut vraiment que j’aie une combinaison de différents éléments qui me plaise. Puis, je les découpe aux ciseaux ou au cuter, pour les détails. Je fais des tests, j’assemble, je tente des choses et si la combinaison me plait, je colle. J’essaie vraiment de faire des combinaisons de couleurs mais aussi de jouer sur les contrastes. Mon idée, notamment, c’est d’utiliser des personnages de manga et de les assembler avec des éléments issus de l’art, qui, a priori, n’iraient pas ensemble. En fin de compte, on peut toujours trouver des concordances.

Comptes- tu t’investir à fond dedans ?

Là actuellement, non, je ne compte pas m’investir à fond là-dedans, tout simplement pour des questions de temps. Entre mon travail, mes études, j’ai déjà très peu de temps pour moi, alors encore moins pour créer des collages… Donc de là à m’investir à 100% ça me paraît très compliqué. Après, on verra bien de quoi est fait l’avenir. Ne jamais dire jamais (rires).

S’investir à 100%, ça veut dire qu’il faut des financements, ça implique beaucoup de choses et c’est vrai que le collage c’est quelque chose que je fais pour moi, pour mon bien-être. Je n’ai pas forcément envie de forcer le processus. Après tout, je fais du collage quand j’en ai le temps et l’envie. J’ai peur de perdre un peu ce moment spécial et cette bulle que je me suis créés, donc dans l’immédiat ce n’est pas dans mes projets de m’investir à 100%.

À long terme, au-delà d’Instagram, que comptes-tu faire avec tes créations ?

Déjà grâce à la plateforme Instagram, je peux aller plus loin et réaliser des projets de ce type là (ndlr : mode, habits, sacs, etc). Par exemple, j’avais fait une collection de tote bags qui avait très bien marché et d’ailleurs j’en fais toujours sur commande, si jamais (rires). Récemment, j’ai aussi fait des fanzines qui sont partis très vite. On m’avait repérée via les réseaux sociaux pour monter une expo avec d’autres artistes de Lausanne. J’ai aussi fait une collaboration avec le magasin Memories Store, spécialisé dans la personnalisation de vêtements. En réalité, grâce à Instagram je peux déjà aller plus loin que de simples collages malgré ce côté amateur. Pourquoi pas lancer un site web à l’avenir afin d’avoir plus de crédit mais en tout cas pour le moment Instagram me convient.

À vrai dire, je ne comptais même pas vendre mes collages. C’est quelque chose qui ne m’avait même pas traversé l’esprit au début rien que pour des questions de légitimité. Je ne me reconnaissais pas en tant qu’artiste, du coup je trouvais ça absurde et au final….

Quels sont tes projets à l’avenir ?  

Alors déjà depuis un certain temps, j’aimerais lancer une collection de teeshirts et de hoodies. En principe, ça devrait se faire bientôt mais je ne peux pas vous donner de date précise. D’ailleurs, la collection avec Memories Store c’était déjà une sorte d’embryon de ce projet-là. Même si là, j’aimerais vraiment les faire moi. C’est ça l’enjeu, c’est de réussir à les faire moi-même. Monter le site web ce serait une idée intéressante aussi. J’ai aussi peut-être une exposition mais je préfère ne pas trop dévoiler car je n’ai pas plus de détails et je ne voudrais pas lâcher de fausses informations. Restez connectés sur mon compte, c’est là que j’y balance toutes mes infos directement.

Un mot pour conclure ?

Merci pour cette interview et l’intérêt porté pour ce que je fais. J’en profite pour remercier toutes les personnes qui m’ont soutenue jusqu’ici. Cela ne va pas de soi. C’est vraiment hyper touchant et gratifiant de recevoir autant d’intérêt de personnes, des fois, que je ne connais pas du tout hormis à travers ma page de collages. Je tenais vraiment à les remercier et je ferai en sorte qu’il y ait une suite.

Retrouvez ces oeuvres sur la page Instagram @parfoisjemennuie !

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