Le mois de mars 2020 aurait dû rimer avec « grosse fête » du côté du magasin de disques et label Urgence Disk, mais le coronarivus en a décidé autrement. Entretien avec Damien Schmocker, homme à tout faire aux manettes d’Urgence Disk depuis ses débuts en 1990. Il nous raconte comment le lieu a fait pour survivre durant la première vague de coronavirus en mars et comment il s’organise pour traverser la deuxième vague qui s’est abattue en novembre sur Genève et sur le reste de la Suisse.
Parle-nous un peu de ton histoire et de celle d’Urgence Disk.
J’organise des événements depuis 1986, cela fait partie de mon ADN. Je suis arrivé à l’Usine en 1989, j’organisais alors des soirées thématiques et des concerts. En 1990, on a ouvert Urgence Disk. La vocation première du lieu est un magasin de disques. L’idée était de faire de l’import de disques provenant des USA, du Japon, d’Australie ou de Grande-Bretagne sans passer par les distributeurs afin d’avoir des prix raisonnables. On était tous de gros consommateurs de disques. Dans le même temps, c’était un lieu avec petit bar, un lieu d’after, un lieu où on pouvait trouver des fanzines, des t-shirts, etc.
Avec les années, Urgence Disk a évolué. En 1999, on a créé un label. Le but était de réduire le temps entre le moment de l’enregistrement en studio et la sortie du disque dans les bacs, qui parfois pouvait durer plus d’une année. Le label a permis d’accélérer les choses : désormais, les groupes peuvent sortir rapidement leurs disques pour les écouler directement pendant leurs tournées.
Urgence Disk avait prévu de fêter en grande pompe ses 30 ans en mars de cette année. La fête a eu lieu finalement le 25 septembre dans des conditions un peu spéciales. Comment ces célébrations se sont passées ?
On aurait dû faire les 30 ans d’Urgence Disk le 13 mars 2020. La décision genevoise d’instaurer le semi-confinement est tombée le 11 mars. On a voulu déplacer les festivités au 25 septembre, avec en majorité les groupes prévus en mars. Malgré les consignes sanitaires strictes à respecter, on a voulu garder la soirée mais on a dû non seulement limiter le public lors de l’événement mais aussi ne faire que du service à table. Cela signifiait que malgré l’ambiance dansante, les personnes devaient rester assises.
Es-tu quand même satisfait avec cette décision et cette soirée ?
C’était soit ne rien faire, soit demander aux groupes de jouer avec un public assis. Les groupes ont voulu que la soirée ait quand même lieu. Disons que c’étaient les 30 ans d’Urgence Disk, ça n’aurait plus eu de sens de les fêter l’année prochaine…
Avez-vous organisé des concerts durant le semi-confinement de mars ?
On a fait quelques concerts confinés, sans public et diffusés en streaming. Vu que le lieu ne peut accueillir qu’une cinquantaine de personnes, on a pris l’habitude à Urgence Disk de diffuser tous nos concerts en streaming. On fait ça depuis 2014, et avec environ 200 concerts par année, on a donc déjà diffusé un paquet de concerts en ligne. Du coup pendant le semi-confinement on a continué à faire deux ou trois concerts comme ça. Mais pour moi, si on fait un live enregistré en streaming, il faut qu’il y ait du public… Sans public cela devient un peut absurde.
Que devait-il se passer en novembre avant l’annonce de semi-confinement ?
On avait programmé un gros mois de novembre, avec une vingtaine de concerts, des coproductions et aussi des before pour le festival Les Créatives. On a finalement déplacé les événements prévus avec Les Créatives pour mars, avril et mai 2021.
Sinon on a fait un concert uniquement en streaming en coproduction avec Kalvingrad et La Makhno. On en refera quelques-uns comme ça mais pas trop non plus. Comme je l’ai dit, je suis pas très fan de ce qui se passe uniquement sur le web.
Comment un disquaire genevois indépendant et alternatif fait pour tenir en ce moment ?
À Urgence Disk, on est tous bénévoles à 100%, il n’y a pas de personnes salariées. Moi, je ne rentre pas dans la catégorie des indépendants, car je suis mandaté pour des périodes plus ou moins longues. Cela signifie que tu paies tes charges, mais que t’es pas employé sur le long terme par une personne ou une entreprise. Par exemple en 2019, j’ai eu 19 employeurs différents. Le 11 mars tout s’est arrêté, y compris les mandats. Dans ces cas-là, tu dois te démerder. On avait 18 disques en cours sur le label, on a tout fait pour tous les finir, mais j’ai toujours les cartons avec moi sur place. Du coup, on a fait pas mal de pub et organisé des drive-in pour les écouler. On a notamment fait une vidéo pour expliquer comment aider Urgence Disk, elle a bien marché et a été beaucoup partagée.
Comment cela fonctionnait ces drive-in ?
On avait différents types de bags avec plusieurs choses à l’intérieur. Par exemple, dans le bag à 200 CHF tu as 8 albums vinyle, 20 CDs et des bières. Cela a bien marché et nous a permis de payer nos factures jusqu’au mois de novembre. Grâce au soutien des gens, cela nous a évité d’être dans le rouge. Il y a eu un effet boule de neige sur la vidéo pour aider Urgence Disk, c’était incroyable, je ne m’y attendais pas.
Comment soutenir aujourd’hui Urgence Disk ?
Pour soutenir le label, vous pouvez commander des sorties sur notre site. On peut faire des envois poste de vinyles et CDs, mais les gens peuvent aussi m’envoyer un mail et venir les chercher directement dans le bâtiment de l’Usine à un jour convenu. On a 240 disques dispo sur notre site, on a du rock, de l’électro, du jazz, du dirty blues, de la new wave, du stoner, etc. Notre label ne parle pas que d’un type de musique.
Pour plus d’info et pour commander des vinyles et CDs :
rendez-vous sur le site d’Urgence Disk !