À la rencontre de Julia Rieder

(© Sophie Millar)

Passée par une formation préprofessionnelle puis professionnelle, la danseuse genevoise Julia Rieder s’est réorientée après la crise du Covid. Aujourd’hui, elle allie danse et psychologie dans sa recherche et ses créations. On revient sur son parcours, entre Genève, Marseille et Cardiff.

Quel est ton parcours dans le domaine de la danse ?

J’ai grandi à Genève, et la danse a toujours fait partie de ma vie et de mon parcours. J’ai commencé à prendre des cours vers mes cinq ans, puis ai intégré la filière préprofessionnelle au Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre, à dix ans. Vers mes 15 ans, mes professeures sentaient que je pouvais aller plus loin et m’ont encouragé à poursuivre ma formation dans une autre école. J’ai alors auditionné pour quelques écoles supérieures à l’étranger et ai été acceptée à l’École Nationale de Danse de Marseille, dans laquelle j’ai suivi une année de formation. Pour moi, le but de cette année était de clarifier mes souhaits quant à la suite de mon cursus dans le monde de la danse. Durant cette année, j’ai pu faire le point et ai finalement choisi de m’orienter dans le domaine de la danse contemporaine. Après une audition au Ballet Junior de Genève, j’ai été acceptée et suis donc revenue à Genève pour intégrer ce cursus qui a duré trois ans.

Comment se déroule un jour habituel de formation au sein du Ballet Junior ?

Le matin, on commence par des cours techniques, en général du classique, du contemporain et/ou du yoga. Ces cours sont l’occasion d’entretenir sa condition physique, d’affiner ses qualités de mouvement, mais aussi de déconstruire et d’expérimenter des nouveaux pas ou des enchaînements spécifiques. L’après-midi est plutôt dédiée au travail sur le répertoire chorégraphique, donc à l’apprentissage et aux répétitions des différentes œuvres. La journée de travail dure en principe huit heures. Dans mon cas, puisque je faisais à côté ma maturité fédérale par correspondance, j’étudiais les soirs et les weekends. Si cette période a été éprouvante, elle a véritablement été inspirante.

Comment tenir le rythme effréné entre danse et études ?

J’ai reçu beaucoup de soutien de la part de mes parents. Sans eux j’aurais lâché l’affaire plus d’une fois. C’était un vrai challenge moralement et en termes d’organisation. J’ai aussi été aidée par des profs particuliers pour certaines matières, en mathématiques, physique et allemand. Je me considère comme très chanceuse d’avoir pu bénéficier de tous ces soutiens au cours de ma formation. C’est grâce à eux que j’ai pu obtenir ma maturité en même temps que je finissais ma formation au Ballet Junior.

Julia Rieder (© Sophie Millar)

À quel moment tu t’es dit que tu voulais faire de la danse ta profession ?

La question s’est posée très tôt. Déjà à douze ans, quand j’étais au Conservatoire, j’avais un horaire scolaire aménagé et je pratiquais la danse entre dix et quinze heures par semaine. Et ça s’est intensifié progressivement, car j’étais vraiment mordue et je voulais aller plus loin dans la pratique. Dès l’obtention de ma maturité et de mon diplôme au Ballet Junior, j’ai eu l’opportunité d’intégrer une compagnie professionnelle, la Compagnie nationale de danse du Pays de Galles, avec un contrat à durée indéterminée, ce que j’ai fait sans hésiter.

Comment s’est passée cette aventure au Pays de Galles ?

J’avais 21 ans quand j’ai débarqué à Cardiff. On était une petite équipe d’environ dix danseur·euse·s qui venaient du Royaume-Uni, des Pays-Bas, d’Italie, de France et de Suisse. C’était une super équipe, j’y repense avec beaucoup d’émotion. Le moment où je suis arrivée a coïncidé avec une période de transition à la direction artistique de la compagnie, ce qui a naturellement entraîné une période de réadaptation. Mais en dehors de ça, le fait d’être à 100% dans la danse et de vivre de ça, c’était vraiment un sentiment incroyable ! Surtout après avoir travaillé autant pour atteindre ce but.

Après deux ans, tu quittes cette compagnie pour revenir en Suisse, quelles étaient tes intentions à ce moment-là ?

Après cette première expérience professionnelle, je me sentais prête à mener d’autres projets.  Je crois que j’avais envie d’explorer, d’apprendre et d’expérimenter autant que possible pendant que j’étais encore jeune, et pas uniquement dans le domaine de la danse. Mais lorsque j’ai commencé à planifier ma reprise, la crise du Covid-19 a éclaté. Avec le confinement et l’arrêt des spectacles et manifestations culturelles, je me suis sentie désorientée, cela a entraîné une grande remise en question. En tant qu’artiste c’était la première fois que j’expérimentais un tel niveau de démotivation. Sans la pratique de cet art qui a toujours été thérapeutique pour moi, j’ai bientôt été submergée par un flot d’angoisses non résolues. En fin de compte, la pandémie a été l’occasion pour moi de mettre en place des fondements plus solides que jamais, que cela soit dans ma pratique ou au niveau personnel. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de m’essayer aux études universitaires. Je me suis inscrite au bachelor en psychologie pour la rentrée de septembre 2020. Et entretemps, j’ai fait une coupure avec la danse professionnelle.

Trois ans après, je ne regrette pas du tout ce choix d’avoir repris des études. Le contenu des cours de psychologie fait écho à mon parcours, notamment sur les aspects de santé mentale, et me permet d’apposer un regard nouveau sur ma pratique de la danse. Cette formation comprend beaucoup d’éléments complémentaires à la danse, et elle m’apporte un véritable équilibre sans lequel je me verrais mal fonctionner aujourd’hui.

Julia Rieder et Sarah Baltzinger en action pour leur projet “Ultra” (© Nathan Pramudiya Ishar)

Quels sont tes projets actuels et futurs en matière de danse ?

Actuellement, j’essaie d’explorer le rapport entre la danse et l’image. J’ai quelques projets personnels avec une amie photographe et vidéaste, Sophie Millar. Depuis 2021, on expérimente le mélange de danse, photographie et vidéo.

Côté scène, un des projets auquel je participe actuellement est « Kantik », une création de la chorégraphe Perrine Valli qui sera présentée à La Comédie de Genève du 25 au 28 avril 2024 et qui va ensuite tourner au Steps Festival. Inspirée en partie par Le Cantique des Cantiques cette pièce porte sur l’énergie des corps, physique et mentale. L’attraction et la rencontre des corps est au centre de l’espace, scénique comme social.

Enfin un autre projet qui me tient à cœur c’est « Ultra », mené en commun avec le danseur et chorégraphe Brian Ca. Ce projet, que l’on développe depuis quelques années maintenant, traite de la santé mentale comme enjeu collectif et questionne notre rapport à la notion de norme. Dans cette pièce, nous créons une symbiose entre danse et scénographie de sorte que le mouvement, la lumière et le son perturbent la perception des spectateur·trice·s. L’objectif de ce spectacle participatif est d’aider à ouvrir la discussion autour de la santé mentale. Les prochaines représentations auront lieu les 10 et 11 mai 2024 à la Salle centrale de la Madeleine.

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