Correspondant·e cherche correspondant·e : quand l’épistolaire rencontre le théâtre

Durant le confinement de novembre, la librairie Delphica a proposé aux Genevois·es un défi inédit : briser l’isolement provoqué par la pandémie en créant du lien social grâce à l’écriture. Dans une volonté de dévoiler au public ces relations épistolaires, Alexandre Dimitrijevic et Aurélia Platon ont décidé de ne pas s’arrêter là et ont imaginé une restitution théâtrale d’un nouveau genre.

Tout est parti d’une idée d’Alexandre Dimitrijevic : et si le confinement, au lieu de nous éloigner les uns des autres, devenait une occasion de nous rapprocher ? C’est ce qu’il a proposé au mois de novembre dernier à travers l’évènement « Correspondant·e cherche Correspondant·e », profitant de la dérogation cantonale autorisant les librairies à ouvrir, pour remettre l’écriture épistolaire au goût du jour tout en recréant du lien social, malmené en cette période.

Le principe se voulait très simple : écrire de manière anonyme à un·e autre Genevois·e en commençant sa lettre par : « Je vous écris cette lettre car le temps du confinement est revenu… », puis laisser courir son imagination. La librairie Delphica se chargeait du reste : anonymiser les correspondances, créer des binômes et faire office de poste restante. L’idée a visiblement séduit, puisque c’est près d’une centaine de correspondant·e·s qui s’est prêtée au jeu.

Depuis le début, « Correspondant·e·s cherche Correspondant.e·s » tourne autour de la rencontre. Rencontres par l’écriture entre Genevois·e·s isolé·e·s par le confinement, rencontre entre deux arts, l’épistolaire et le théâtre, rencontre entre Alexandre Dimitrijevic, travailleur social et animateur culturel de la librairie Delphica, et Aurélia Platon, enseignante et comédienne. Du contact entre ces univers différents est né un ambitieux projet de lectures publiques, investissant des lieux symboliques de la ville de Genève, qui verra le jour au mois de juillet.

Redonner la parole aux correspondant·e·s tout en soutenant la culture

L’engouement autour de ce premier volet de correspondances anonymes a fait naître chez Alexandre Dimitrijevic l’envie de restituer au public ces relations épistolaires : « J’avais envie que le projet soit surprenant jusqu’au bout et je voulais éviter que la forme donnée à la suite de ces correspondances soit trop convenue. Je souhaitais quelque chose de neuf et d’innovant, permettant d’inclure au maximum les participant·e·s à cette première édition. » De sa rencontre avec Aurélia Platon est alors née l’idée de lectures par des comédien·ne·s de théâtre, dans divers lieux de l’espace public genevois. Même si l’édition des lettres semblait être le chemin le plus évident pour restituer cette expérience, pour Aurélia Platon, le choix de s’émanciper de cette évidence en faisant lire ces lettres à des comédien·ne·s, n’est pas anodin : « Les arts vivants et la culture en général souffrent terriblement, donc ce projet était aussi l’occasion d’offrir une opportunité à ce milieu-là, aux acteur·rice·s qui n’ont pas beaucoup de sollicitations en ce moment. Et pour nous, l’idée de réaliser ces lectures en extérieur permettait également de contourner les restrictions actuelles. »

Aurélia Platon et Alexandre Dimitrijevic. Crédit : Judith Marchal.

Oppositions d’espaces et de moments

Suite à ces réflexions, Alexandre Dimitrijevic et Aurélia Platon ont donc tranché : les correspondances, avec l’accord des auteur·rice·s, seront travaillées et lues par des comédien·ne·s professionnel·le·s de théâtre. Épaulés par un pool de neuf acteur·rice·s, et soutenus par Nadim Ahmed et Léo Mohr pour ce qui est de la direction artistique, c’est donc un long travail de réflexion qui s’enclenche, avec l’objectif de faire s’entrechoquer de la meilleure des manières le monde de l’écriture et celui du théâtre. Pour Aurélia Platon, les pistes de travail sont riches et nombreuses : « Le but est vraiment que chaque comédien·ne puisse s’exprimer et amener son univers personnel dans ses lectures. L’une des pistes que l’on envisage, c’est d’exploiter la dichotomie entre les réalités de la période de l’écriture et de la période de la lecture. Symboliquement, nous imaginons ce projet comme une opposition entre différents espaces, espace clos / espace ouvert, et différentes réalités, entre l’automne et l’été : là, les gens vont se retrouver dehors, à plusieurs, ce qui contrastera avec l’écriture confinée et solitaire du mois de novembre. »

Jouer avec la culture

Pour le choix des lieux, Alexandre Dimitrijevic et Aurélia Platon ont donné carte blanche aux participant·e·s : Parc des Bastions, Bains des Pâquis, Vieille Ville sont les lieux les plus prisés pour les lectures à venir. « Au-delà des propositions de lieux faites par les auteur·rice·s des lettres, nous pensons également emmener le public dans des espaces plus inhabituels, où les représentations culturelles sont d’ordinaire moins présentes, comme par exemple en bas des tours du Lignon, à un arrêt de bus, sur un terrain de foot… Autant de lieux que nous avons envie de transformer en théâtres éphémères », évoque Aurélia Platon. Cette volonté de jouer avec la culture se retrouve également dans les binômes envisagés pour les lectures : « En plus des duos formés par les comédien·ne·s professionnel·le·s, nous pensons inclure des comédien·ne·s en formation au Conservatoire de Genève, ainsi que des correpondant·e·s souhaitant lire leurs propres lettres en étant soutenu·e·s par un·e comédien·ne professionnel·le de l’équipe ».

Plus qu’un défi d’adaptation théâtrale, « Correspondances » se dresse comme un projet culturel complet. Affaire à suivre.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page Facebook de la Librairie Delphica ou sur sa page Instagram.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.