[EPIC ESKIS N°17] Do.Jouant

Pour ce dix-septième épisode d’EPIC ESKIS, nous te proposons de partir à la découverte de l’univers de Donat Prekorogja, alias Do.Jouant. Plongée dans un monde fascinant, mystérieux et souvent urbain, qui célèbre la banalité du quotidien en usant d’une profusion de couleurs.

Salut Do.Jouant ! Est-ce que tu pourrais te présenter, et nous parler de ton parcours et de tes études ?

Je m’appelle Donat Prekorogja et j’ai 22 ans. Avant d’entrer à la HEAD en arts visuels, où je suis actuellement en deuxième année de Bachelor, j’ai fait ma maturité au collège Rousseau. Jusqu’il y a deux ans ma pratique artistique se concentrait beaucoup sur l’écriture ; j’avais par exemple écrit un roman post-apocalyptique dans le cadre de mon travail de maturité. Ce médium me permettait de raconter des histoires, une passion qui me suit sans interruption depuis mes neuf ans. Je n’ai en effet jamais cessé d’écrire et de dessiner depuis mon plus jeune âge, car j’ai toujours éprouvé le désir de faire découvrir de nouveaux mondes aux gens.

Et pourquoi cet attrait actuel pour l’illustration ?

Je gribouillais beaucoup pendant mon enfance, mais quand je suis entré au cycle j’ai un peu laissé cela de côté. J’avais alors l’impression d’avoir plus de talent dans l’écriture et surtout plus de facilité à raconter des histoires par ce biais. J’ai travaillé il y a deux ans dans un EMS et j’y ai rencontré quelqu’un qui a une pratique artistique liée au dessin. On s’est alors lié d’amitié et on a commencé à dessiner ensemble ; c’est comme ça que suis tombé amoureux de l’illustration. J’ai donc laissé tomber ma pratique d’écriture pour me concentrer sur les arts visuels, qui me permettent de conter des récits de façon totalement différente.

Qu’est-ce qui diffère entre ces deux pratiques, du coup ?

Je pense que j’ai plus de facilité à raconter de belles choses en dessinant qu’en écrivant. De plus, malgré tout ce que j’ai écrit, je pense que je n’ai pas forcément un niveau d’écriture super poétique, il reste au contraire très formalisé. En dessin, j’ai trouvé un style qui me permet d’atteindre ce que je recherchais de base avec les mots. J’ai réussi à trouver une patte assez distinctive, ce qui me plait.

Justement, comment décrirais-tu ta touche ?

Je dirais qu’elle est expressive, efficace et simpliste dans la forme des détails, même s’il y en a beaucoup dans certaines de mes illustrations. Au final, ces détails demeurent toujours très basiques : ce sont souvent des formes carrées, constituées par de simples traits.

Comment tes études nourrissent-elles ta pratique de l’illustration ?

Je me suis inscrit dans une filière qui s’appelle Construction, laquelle se focalise surtout sur l’installation, la sculpture et les environnements 3D. J’avais vraiment envie en entrant dans cette école de découvrir de nouvelles manières d’exprimer mon dessin dans l’espace. Par exemple, mon projet de jury de l’année passée a été un mapping vidéo sur des sculptures en céramique que j’avais réalisées. Je me rends compte que j’aime particulièrement créer des espaces immersifs et sortir du plan 2D.

On a tout de même le sentiment que tu expérimentes l’immersion également à travers la 2D, en publiant par exemple sur Instagram des illustrations animées.

Je trouve que le mouvement rajoute une sorte de vibration qui capte directement le regard et le dirige vers certaines lignes. Si elles n’étaient pas mouvantes, ces lignes n’auraient pas eu d’intérêt, alors que quand tout est en mouvement tout devient digne d’être observé. C’est aussi ce que je ressens dans la vie en général. Ainsi, quand je marche, chaque détail ou mouvement m’intéresse : observer la façade de bâtiments sur laquelle je n’avais jamais posé le regard, contempler une flaque d’eau sur laquelle tombe la pluie… Ces petits trucs créent dans ma vie une sorte de zone de confort que j’ai envie de retranscrire dans mon art.

L’urbanité a l’air d’avoir une grande influence sur ton travail. Pourquoi cela ?

J’ai vécu toute ma vie en ville, qui est un environnement dans lequel je me suis toujours senti bien. J’ai été spécialement marqué par des moments d’exaltation intenses au contact de ma ville quand j’étais petit. Par exemple, le premier moment de ma vie dont je me souviens, à mes quatre ans, me place dans une voiture conduite par mon père. Mon frère dort à côté de moi, et dehors la pluie tambourine sur les fenêtres. Les lumières de la ville se reflètent sur les vitres d’une façon tout à fait particulière en raison de l’averse. Ce moment m’a marqué. Je trouve que c’est souvent dans la banalité des choses que tu trouves les instants les plus beaux de l’existence.

En dehors de cet aspect, quelles sont tes inspirations ?

Mon choix de couleurs est assez psychédélique, et je pense que je le dois en partie à Hirohiko Araki, le dessinateur du manga JoJo’s Bizarre Adventure. Les couleurs vives qu’il utilise dans ses histoires lui permettent de créer des instants d’action et d’émotion encore plus forts. C’est quelque chose que j’ai aussi envie d’atteindre dans mon processus artistique, car je crois que je veux tendre vers une narration très abstraite. J’aimerais bien que, quand une personne se pose pour regarder mes illustrations, elle puisse interpréter elle-même sa propre histoire, comme une sorte de devinette. J’aime toutefois conseiller le regard, et les couleurs fortes et intenses me permettent cela : elles favorisent l’immersion et permettent d’attirer l’attention sur un élément que je juge important.

Au fond, dans quel univers as-tu envie de faire entrer tes spectateur·rice·x·s ?

J’ai envie de créer un univers dans lequel toute émotion serait romantisée et donc décuplée. Par exemple, dans ma série Ennuyade, j’essaye, à travers mon usage de couleurs et de vibrations, d’exprimer un sentiment aussi banal que l’ennui comme une fête en soi, comme quelque chose d’exaltant. J’essaye de montrer la banalité comme un aspect utile et normal de la vie, qui peut également s’avérer totalement expressif.

Si on regarde ta série actuelle Inktober, elle semble pourtant sortir totalement de ce que tu as fait jusqu’à maintenant.

En effet. À la base, Inktober est un challenge pour lequel tu t’engages à publier une illu’ par jour. Dans mon cas, je l’ai pris comme un défi pour retourner à un art plus traditionnel ; cela fait depuis plus d’un an et demi que je dessine sur mon iPad et je commençais à avoir l’impression de perdre mon trait. J’avais donc envie de retourner aux sources en utilisant simplement de l’encre. Cela me permet également de voir dans quelle mesure il est possible pour moi d’exprimer mon monde dans un univers en noir et blanc. J’essaye de pallier le manque de couleurs en esquissant d’immenses espaces monochromes, qui focalisent l’attention du spectateur.

Elle représente quoi, alors, ton illustration pour EPIC ESKIS ?

J’ai essayé de la concevoir un peu comme une couverture de magazine. Je la vois comme une invitation à mon univers pour les personnes qui vont découvrir mon art à travers EPIC. Je présente là les couleurs que j’aime ainsi que cette narration abstraite que j’affectionne. Tu ne sais à quoi t’attendre en regardant cette personne qui fume et qui te fixe : tu ne peux pas décider s’il s’agit d’une proposition ou d’un refus. C’était une manière d’intriguer et d’amener le·la spectateur·rice·x à vouloir en savoir plus.

Finalement, quels sont tes projets à venir ?

J’en ai énormément pour le coup, dont certains plus ambitieux que d’autres. Actuellement, je m’intéresse dans le cadre de mon cursus à créer un espace qui serait totalement inspiré de mes illustrations, dans lequel je concevrais la scénographie de A à Z avec des pièces que j’aurais fabriquées. Le principe est assez simple : je regarde mes illustrations, j’identifie ce qui en constitue la touche, et j’essaye de la retranscrire dans un espace immersif 3D. Bien sûr, ce sera un projet assez dur à réaliser, car toute la question est : comment passer du dessin traditionnel à la 3D ? À plus long terme, j’ai également un projet de bande dessinée, mais j’ai aussi très envie de me lancer dans les courts métrages d’animation ou de créer des clips musicaux.

Tu peux découvrir le travail de Do.Jouant en le suivant sur son compte Instagram !

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