[EPIC ESKIS N°14] Joe Dessin

Des couleurs pour fêter l’arrivée de l’été : c’est ce que la rédaction te propose avec ce 14e volet d’EPIC ESKIS. L’illustrateur et graphiste indépendant Arnaud Wagnières, plus connu sous son pseudo d’artiste Joe Dessin, s’est aussi prêté à l’exercice de l’interview.

Salut Arnaud, déjà merci pour ton illustration ! Est-ce que tu peux te présenter ?

Bonjour, merci à toi pour cette interview. Enchanté, je m’appelle Arnaud, j’ai 25 ans et vis en Autriche depuis plus de deux ans maintenant. J’ai fini mes études de graphisme à Genève en 2016, et depuis je travaille à la maison comme indépendant. Je passe mes journées à dessiner à la table du salon, expérimenter dans le graphisme ou faire de l’animation 2D. Je tire mon inspiration des petites choses qui entourent mon quotidien, de mes pensées, de la vue sur le cerisier depuis la fenêtre, des promenades à vélo, des instants éternels sur la canapé à boire du café au lait. On peut retrouver mon travail sur Instagram sous mon pseudonyme : Joe Dessin.

Tu peux nous expliquer ton parcours ?

J’ai commencé l’illustration « sérieusement » il y a environ deux ans. Avant, je dessinais plus rarement, je faisais davantage de créations sur l’ordinateur, des compositions et des jeux de textures sur Photoshop. C’était ça vraiment mon moyen créatif qui me convenait le mieux. Lorsque j’en avais un peu marre de l’écran, je dessinais.

C’est un médium qui pendant longtemps me frustrait, ou plutôt un médium qui ne me procurait pas vraiment de plaisir. J’avais certaines envies dans la tête et je n’arrivais pas à les mettre sur papier comme je le désirais. J’avais des attentes et pas trop de direction précise. Peut-être que je me comparais trop au travail d’artistes que j’aimais…

Mais depuis environ deux ans, j’ai un peu changé de philosophie sur le dessin. J’ai remarqué que les artistes qui me touchaient le plus étaient celles et ceux dans l’émotionnel, le sensible, le poétique. Alors je me suis éloigné de l’envie de faire « juste », je me suis mis simplement à apprécier dessiner. Je me suis dit que si je prenais plaisir à le faire, cela se ressentirait dans le résultat final. Alors je me suis mis dans une belle ambiance, allumé la radio « Lausanne FM », ouvert les fenêtres et dessiné sans trop  d’attente. Et je crois que lorsque j’ai changé ma vision de cet art, j’ai été beaucoup plus décomplexé à proposer quelque chose de naïf, d’enfantin. Et c’est à ce moment que je me suis senti le mieux et le plus libre. J’ai remarqué que, que ce soit une position un peu bancale ou un portrait imparfait par exemple, ce que je préférais était de transmettre une émotion dans mes traits. J’imagine souvent mes dessins dans des cuisines. Je les vois colorer une pièce, donner de la chaleur, de la bonne humeur, et donc, ça serait dommage de ma part de me prendre la tête pour un tableau de ce genre.

A quel moment est arrivé ton alter ego Joe ?

Mmmmh… Je dirais que c’est à partir du moment où j’ai commencé à avoir envie de raconter des histoires avec mes dessins. J’aime beaucoup écrire, imaginer des histoires et j’aime également dessiner. Mais étrangement, ça ne m’a pas paru comme une évidence de mélanger ces médiums dès le départ.

À vrai dire, je rattrape mon retard dans le milieu du roman graphique. Plus jeune, j’avais quelques bandes dessinées mais je n’étais pas vraiment absorbé par cet univers. C’est seulement il y a environ 3 ans, lorsque j’ai lu Autoportrait de Paris avec Chat de Dany Laferrière (je recommande) que j’ai découvert un univers que je ne connaissais pas auparavant. J’ai pris un abonnement à la bibliothèque et j’ai plongé tête la première dans ces livres.  Depuis ce jour, j’ai appris qu’il y avait plein de romans graphiques si différent, si créatifs, qu’il n’y avait pas les limites que j’imaginais. On est pas obligé d’écrire dans des bulles, on peut dessiner de la manière et de la taille que l’on veut, avec ou sans case et avec la technique de notre choix.

Il y a des maisons d’éditions tellement créatives comme Les éditions Atrabiles, L’association ou Actes Sud, qui sont tellement riches de possibilités. Et depuis la découverte de ce monde, je me mets en tête d’écrire un jour mon propre roman graphique. C’est donc à ce moment-là que j’ai pensé à me créer une seconde identité, j’en aurai sûrement besoin pour désinhiber mes propos.

J’aime cette possibilité de jouer avec un alter ego, de pouvoir jongler entre réalité et fiction, raconter mon moi et le dissimuler dans de la fiction, ou le contraire. J’avais en tête plusieurs personnages lorsque j’ai créé cet Alter Ego, je pensais par exemple à certains écrivains ou musiciens comme John Fante ou Philippe Katerine. Ils jouent avec leur personnage et en tant que spectateur, il est difficile de distinguer certaines zones grises.

Tu proposes aussi des animations. Comment utilises-tu ce médium ?

Bizarrement, je pensais que ce n’était pas vraiment possible de faire tout un court-métrage soi-même, je pensais que je devais faire partie d’une grande équipe avec des gens d’horizons différents pour pouvoir créer une chose pareille ou, au moins, avoir étudié l’animation dans une école.

Mais pas du tout. J’aime cette façon de créer mes propres animations sans avoir trop de renseignements là-dessus. J’essaie. Je regarde d’autres films animés en me demandant comment ils·elles ont réalisé tel ou tel effet.

J’aime l’idée de montrer à mon entourage que créer son film, c’est quelque chose de possible.

Et je suis arrivé à un stade dont je suis super content. J’écris mes pensées dans un carnet en amont puis j’ai la liberté de choisir : est-ce que je veux transformer cette idée en une histoire dans un carnet dessiné, dans une animation ou peut-être même dans un roman graphique ?

Ton travail est hyper coloré. Quel rôle joue la couleur dans ton travail ?

C’est plutôt assez naturel la façon dont je choisis les couleurs. J’ai mes crayons couleurs et mes pastels gras étalés sur la table, donc je les utilise aléatoirement. J’aime l’atmosphère que transmettent ses couleurs. J’aime les textures que proposent les pastels gras. Je crois même que c’est l’utilisation des pastels gras qui m’a fait dessiner avec autant de couleurs. C’est tellement doux, ça glisse sur le papier, c’est satisfaisant, c’est difficile d’être précis avec et on peut gribouiller avec le doigt pour apporter une autre texture. C’est un rêve !

Et je remarque également  que dans les romans graphiques, on peut raconter une histoire lourde dans son contenu avec un dessin qui vient l’alléger. Et je me mets en tête que les dessins que je fais actuellement sont dans la préparation d’une histoire pour la suite. Je consolide un univers personnel pour par la suite écrire des histoires.

Dans mes notes, j’aime essayer de décrire mon état actuel, mes sentiments. Et je trouve qu’un discours introspectif comme celui-là s’intégrerait bien avec mon univers naïf.

Y a-t-il des endroits en Suisse romande où l’on peut déjà voir ton travail ?

Oui oui. En ce moment, j’expose une série de dessins au Café des Argiles à Vevey, du début juillet jusqu’au 6 août. C’est un lieu vraiment mignon, je vous invite à aller y jeter un coup d’œil si vous êtes dans le coin.

Qu’as-tu voulu montrer/exprimer avec cette carte blanche ?

Pour cette carte blanche, j’ai dessiné un bol de fruits et légumes. C’est quelque chose que j’aime exercer et qui va également dans la démarche des dessins pour les cuisines. Je l’imagine peut-être au dessus de l’évier. C’est le genre d’emplacement qui mérite d’être décoré et apprécié. Je remarque que mon regard navigue sur mes murs lorsque je prépare mon café, donc il me semble important d’égayer ces instants du quotidien.

J’aime les formes et les couleurs de ces aliments. Les traits viennent spontanément, c’est plutôt agréable comme processus. J’éloigne mon esprit et je crayonne quasi-mécaniquement. C’est le genre de dessin dont j’ai vraiment l’habitude, sur du papier A3, parce que j’aime avoir de la place sur la feuille pour pouvoir composer.

Quels sont tes projets ?

En ce moment je prends des notes pour ma prochaine animation. J’ai aussi en tête de proposer des ventes de carnets. C’est sûrement le prochain projet que je vais préparer. Et sinon à côté je fais des projets de graphisme pour des clients. Et j’essaie de construire mon quotidien en ayant un équilibre dans ses différents univers.

Le site internet d’Arnaud, sa page instagram et sa page Youtube.

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