Derrière Rosa Rosam, découvrez Lisa. Artiste pluridisciplinaire, qui utilise l’art de façon cathartique, Rosa Rosam évoque avec nous son rapport instinctif à la création, entre envie de partage et résilience. Pour ce dix-huitième volet d’EPIC ESKIS Rosa Rosam nous présente trois illustrations inédites et personnelles qui nous plongent dans son univers.
Hello Lisa, peux-tu te présenter et nous en dire plus sur ton parcours ?
Je m’appelle Lisa, aka Rosa Rosam, Actuellement, je tatoue à l’atelier Vacarme à Lausanne. Avant d’arriver au tatouage et à l’illustration j’ai été étudiante au Collège, à Saussure. J’ai ensuite quitté le Collège parce que j’ai fait une dépression et j’ai décidé de m’inscrire au Collège du soir. Déjà à cette période j’écrivais et dessinais beaucoup. En fait, j’ai toujours écrit et dessiné, j’ai fait de la musique aussi, au Conservatoire et dans des groupes. Pour moi l’art a toujours été un moyen de sortir de ma dépression, de me sentir mieux par rapport à ce que j’étais en train de vivre.
Comment en es-tu arrivée à tes pratiques actuelles ?
À la base j’ai donc commencé par l’écriture et le dessin. Quand il y a eu le confinement, je me suis demandée comment je pouvais allier l’art avec le rapport aux autres. J’ai pensé au tatouage parce que pour moi, quand je me suis fait tatouée c’était dans des périodes assez délicates de ma vie. Dans ces périodes où je n’étais pas bien, j’ai eu l’impression de me réapproprier mon corps et la personne que j’étais à travers le tatouage. Du coup, j’ai eu envie d’accompagner les gens dans le même chemin et me lancer sérieusement dans le projet du tatouage. J’ai profité du confinement pour me renseigner, me former, trouver du matériel de base. J’ai commencé à tatouer sur des peaux synthétiques et quand je me suis sentie à l’aise j’ai commencé à tatouer mes potes. Et de fil en aiguille le reste s’est enchaîné, j’ai créé ma page et je me suis rendu compte que ce que je faisais plaisait aux gens.
Je pense qu’il n’y a pas eu de grand déclic, les choses se sont faites naturellement et progressivement sur l’idée de lier le contact avec les gens à l’art, qui était vraiment l’idée importante pour moi. Avec le tatouage je pouvais aussi insérer l’écriture, car pas mal des tatouages que je propose comportent du texte. Je trouve que la poésie et l’écriture ont beaucoup de sens associées au tatouage. Donc au final, tatouer est pour moi un moyen hybride de combiner tout ce que j’aime et qui me tient à cœur.
Tu sembles avoir beaucoup de pratiques artistiques différentes, comment gères-tu l’équilibre entre elles ?
Alors disons que je suis quelqu’un qui ne gère pas du tout son temps, j’ai vraiment du mal avec l’organisation. Je dirais que je privilégie ce qui me fait du bien, comme le dessin et le tatouage. J’ai envie de faire ce qui me plaît, de ne plus me forcer à faire des choses qui me demandent trop d’énergie. Disons que je ne sais pas si je gère l’équilibre entre mes pratiques mais que je fais plutôt selon mes envies.
Et au niveau des différentes formes d’art que tu pratiques, est-ce que tu dissocies l’illustration des dessins que tu produis pour le tatouage ?
Alors il y des dessins que je garde pour moi, clairement, ou pour des personnes à qui j’ai envie de les montrer. Puis il y a les dessins que je prévois uniquement pour le tatouage effectivement. Les illustrations sont quelque chose que je fais dans un cadre plus restreint, jusque-là j’ai moins montré ce que je faisais que pour le tatouage. Le dessin pur, c’est un domaine dans lequel je dois prendre plus confiance. Donc oui je dissocie les deux pratiques. Ça se voit aussi au niveau du style, mes illustrations seront beaucoup plus figuratives, avec des personnages, et beaucoup plus de mots et mes dessins de tatouages sont plus abstraits, beaucoup plus par rapport au corps, comment je vois les personnes, sur le placement, etc. Donc non, ce n’est pas du tout la même chose, je ne tatouerais pas mes dessins d’illustration.
Il y a aussi beaucoup plus de couleurs dans tes illustrations
Oui, j’aime beaucoup jouer avec ça, notamment l’opposition des couleurs très saturées et des couleurs douces. J’adore mélanger les couleurs dans mes illustrations, chose que je ne peux pas faire de la même manière en tatouage. Dans l’illustration j’aime bien pouvoir jouer avec le côté un peu cynique en mettant des couleurs ultra flashy pour dire des trucs plus durs. J’aime beaucoup ce côté ironique, pouvoir jouer avec des univers décalés.
Et au niveau de tes inspirations ?
C’est hyper instinctif, c’est comme avec les gens en fait, ce que je ressens je le fais. Et en général l’illustration ne va pas me prendre beaucoup de temps : d’un coup j’ai une impulsion « il faut que je dessine », et je dessine énormément en une fois. Et il y a d’autres périodes durant lesquelles je ne dessine plus, où je ne suis plus forcément inspirée. C’est vraiment instinctif par rapport à ce que je ressens sur le moment, du coup en général ça exprime pas mal ce que je vis, ce que je traverse.
Ton style évolue beaucoup ?
Je dirais qu’il évolue comme moi j’évolue dans la vie, enfin je pense que mon style actuel correspond à celle que je suis. J’aime bien l’idée selon laquelle ce que je produis ressemble à qui je suis.
Peux-tu nous en dire plus sur les illustrations que tu proposes pour cet EPIC ESKIS ?
Il y en a une qui est plus de style cynique. C’est une personne qui est sur son canapé, on la sent un peu mal et c’est ultra saturé. C’est ce concept d’univers très paradoxal entre ce que tu es et ce qu’il y a dans ton environnement, le fait qu’il y existe une immense dichotomie entre ce que toi tu ressens et ce qu’il y a autour. C’est quelque chose que je vis beaucoup, c’est vraiment un truc où j’ai du mal à m’approprier ce qu’il y a autour de moi. Dans cette illustration je voulais faire passer ce côté « tout est joyeux, tout est coloré » mais au final tout va mal, les choses peuvent être difficiles. Les autres illustrations sont plus douces, un peu plus poétiques. Pour celles-là, les couleurs plus douces représentent une sorte de résilience que je ressens.
Et pour la suite, tu t’orientes plutôt vers le tatouage ?
Je pense que je déteste faire des choix dans la vie, je déteste me mettre des cadres et me dire : « Je ne vais faire que ça », donc je me laisse la liberté de faire ce que j’aime. Je me laisse un peu vivre, je ne sais pas où je vais mais je fais des choses qui me portent. Il y a plein de choses qui m’intéressent dans l’art, il y a aussi la céramique par exemple et je n’ai pas envie de choisir un seul médium.
Et du coup, quels sont tes futurs projets ?
Dans l’idéal, j’aimerais créer des concepts où il y a de la musique, de l’illustration, du tatouage et de la céramique. Parce que j’adore vraiment le pluridisciplinaire, j’aimerais développer un espace où on peut créer en tant qu’artistes comme on le sent et sans contraintes. C’est comme ça que je le vois dans l’idéal, c’est compliqué parce que tout le monde te demande de choisir mais en fait je n’ai pas envie de me donner cette responsabilité.