Le Spoutnik : c’est reparti !

Lieu incontournable de la cinéphilie à Genève, la salle du Spoutnik a rouvert ses portes au mois de mars dernier après une pause liée aux restrictions sanitaires. L’occasion idéale pour EPIC d’aller à la rencontre de ses deux jeunes programmateurs, Nathan Lachavanne et Tom Bidou, qui nous exposent l’état d’esprit si particulier de ce cinéma vraiment pas comme les autres.

Installés au début de l’année 2020 à la tête de la programmation, Nathan Lachavanne et Tom Bidou ambitionnent de poursuivre la ligne qui a toujours été celle du Spoutnik depuis ses débuts : proposer une programmation vaste et éclectique en montrant des œuvres peu connues ou peu diffusées, dans des formats et des genres très vastes mais aussi des films plus classiques issus du patrimoine cinématographique.

L’idée étant d’offrir un espace où se côtoient des cinéastes de tous horizons, émergents ou confirmés, sans être tenu par une actualité toujours plus pressante. Car c’est aussi ce luxe que revendiquent les deux programmateurs : oser proposer une autre temporalité, écartée des impératifs auxquels est confrontée l’industrie cinématographique traditionnelle. Aussi, ils envisagent leur programmation en termes de cycles, de « constellations » de cinéastes et de films, mettant en avant une thématique commune, souvent en lien avec des questionnements de société.

Dans le même ordre d’idée, il y a aussi cette envie de faire du Spoutnik pas seulement un lieu dans lequel on vient mais un lieu également itinérant avec des projections à l’extérieur en été. De même que le cadre est pensé pour ouvrir les horizons et offrir une autre manière d’envisager notre rapport au cinéma, au-delà de la salle, en l’associant avec d’autres actions complémentaires tels que des performances, des lectures, des concerts ou… une bonne soupe !


Programmation du Spoutnik pour les mois d’avril et mai 2022

Nathan et Tom nous exposent la programmation qu’ils ont concoctée pour les mois d’avril et mai 2022. Une programmation placée sous le signe des luttes, invitant notamment les spectateurs à s’interroger sur des œuvres méconnues des années 70 dont l’écho n’a peut-être jamais été aussi pertinent qu’aujourd’hui.

Nathan Lachavanne : Du 18 au 30 avril, on prévoit un cycle gravitant autour d’un couple de cinéastes, Margarida Cordeiro et António Reis, qui ont réalisé des films dans les années 70 et qui se sont concentrés sur une région du nord du Portugal, le Trás-os-Montes. C’est une région rurale qui, à cette époque là, est en voie de déliquescence, de désertion. Les adultes quittent la campagne pour la ville et il ne reste plus que les enfants et les vieillards. Le couple place la caméra au milieu en laissant de l’espace pour que les protagonistes du film puissent raconter leur culture et se raconter. Ce sont des films qui ne sont ni des fictions ni des documentaires, c’est assez étrange et très poétique. Ce sont des films qui n’ont quasiment pas été montrés en Europe ces dernières années. Les copies ont été restaurées, ce qui va nous permettre de les projeter dans de très bonnes conditions. On a décidé de compléter ce cycle avec d’autres films qui sont préoccupés par les mêmes interrogations, à savoir la paysannerie au Portugal, les traditions, comment résister face à la modernité… Sans tomber dans la nostalgie mais en ouvrant des voies sur l’avenir.

Le film Trás-Os-Montes réalisé par António Reis et Margarida Cordeiro, programmé en avril au Spoutnik

Tom Bidou : Pour la programmation du mois de mai, on a envisagé deux moments distincts. Il y aura d’abord la sortie d’un film réalisé par Thomas Paulot, Municipale, une espèce de fiction/documentaire sur un acteur qui se retrouve mis en situation dans un petit bled français en amont des élections municipales. L’équipe du film lui propose de faire campagne et de réunir une liste pour candidater tout en faisant la promesse au peuple que si il est élu, il laissera le poste vacant. C’est toute une réflexion post-gilets jaunes : savoir comment faire campagne, comment faire de la politique et dans quelle condition, pour quelles raisons. C’est un film qui laisse plus de questions qu’il n’apporte de réponses mais c’est une démarche assez intéressante.

Municipale réalisé par Thomas Paulot, programmé en mai au Spoutnik.

Nathan Lachavanne : Dans un deuxième temps durant le même mois, on proposera un cycle transversal, une forme de constellation, qui rassemble plusieurs cinéastes africains qui ont exercé dans les années 70. Parmi eux, Med Hondo et Sidney Sokhona racontent la situation des immigrés africains en France, à Paris surtout, et essayent de couvrir les luttes propres à l’immigration et aux immigrés, les luttes liées au logement notamment. Ce sont des films assez virulents et très radicaux qui prennent le parti de l’antagonisme : entre les Noirs et les Blancs, les colons et les bannis de la terre. Ce sont des films décoloniaux qui ont été peu montré ces dernières décennies mais qui bénéficient aujourd’hui d’un nouvel éclairage.

Retrouvez toute la programmation du Spoutnik sur le site officiel.

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