Le Transect, cartographie sensible artistique

(© Association FBI Prod)

Du 7 au 23 décembre, l’exposition « Le Transect » prendra ses quartiers au Commun. Basée sur des ateliers participatifs menés dans plusieurs communes genevoises et françaises, elle présentera le travail de quatorze artistes suisses et français. Pour parler de ce projet à la croisée de la géographie, la sociologie et la culture, EPIC s’est entretenu avec Justine Beaujouan, coordinatrice du projet et responsable production.

Salut Justine ! En guise d’introduction, peux-tu nous en dire plus sur les deux associations qui portent le projet « Le Transect », à savoir FBI Prod et Glitch ?

L’association FBI [à prononcer à l’anglaise] Prod est une association franco-genevoise fondée en 2002 à Annemasse. Elle a longtemps été composée de deux structures : une de chaque côté de la frontière. Désormais, seule la structure suisse est active, mais poursuit l’objectif initial souhaité par les fondateur·trice·s : porter des projets citoyens, participatifs et culturels à l’échelle du Grand Genève.

L’association Glitch est pour sa part basée à Annemasse et promeut principalement le street art à travers ses activités. Avant le projet « Le Transect », FBI Prod et Glitch avaient déjà collaboré sur le projet PAMX, présenté lui aussi au Commun et qui portait sur le street art. 

Quels autres projets avez-vous menés avec FBI Prod ?

Nous avons mené un autre grand projet qui s’appelle « La Vague » dans le cadre de notre dispositif « Le Sismographe ». Il s’agit d’une cartographie culturelle du Grand Genève qui regroupe certain·e·s acteur·trice·s et initiatives culturelles ayant un impact sur le territoire. Concrètement, ces initiatives sont mises en valeur de trois manières : à travers des courts-métrages sous forme de portraits sensibles d’artistes et d’acteurs culturels, à l’aide d’émissions radio (en collaboration avec Radio Vostok et disponibles en réécoute sur la plateforme du Blogostok) et enfin avec la création d’œuvres visuelles par des artistes de la région après chaque émission. 

Venons-en au « Transect ». De quoi s’agit-il exactement lorsque vous parlez « d’ateliers participatifs de cartographie sensible » ?

Un transect est un outil utilisé par les géographes et urbanistes pour créer des cartographies sensibles d’un lieu donné. Dans le cadre du « Transect », l’idée est d’aller dans un quartier choisi pour y installer une table avec une grande carte du quartier. Des médiateur·trice·s culturel·le·s interpellent alors les passant·e·s et habitant·e·s pour les amener à discuter et raconter leurs histoires sur le quartier et les noter sur la carte. On structure les échanges selon trois catégories : Envies & idées, Histoires & anecdotes, Usages & habitudes. On parle de cartographie « sensible », car elle n’est pas composée de simples noms de rue ou de chiffres indiquant des altitudes, mais elle est nourrie de la sensibilité et des récits des personnes. À partir des histoires des passant·e·s et habitant·e·s, on crée une carte imaginaire qui sort des carcans géographiques.

Atelier participatif à Genève (© FBI Prod)
Carte utilisée lors de l’atelier (© FBI Prod)

La deuxième étape consiste en l’appropriation de cette matière par les artistes. Pour chacun des quartiers, on fournit à un·e artiste une compilation des récits récoltés et on leur donne carte blanche afin qu’il·elle·s créent une œuvre, le plus souvent visuelle mais aussi parfois sonore.

Comment avez-vous choisi les quartiers et les artistes qui ont participé au projet ?

Cela s’est fait de plusieurs manières. On souhaitait aller en Ville de Genève, mais aussi dans des communes plus excentrées, ainsi qu’en France voisine. Tant du côté de FBI Prod que de celui de Glitch, nous avons fait pas mal de démarchage auprès des communes pour leur présenter notre projet.

Concernant le choix des artistes, c’est le curateur de l’exposition Woz Dat, membre de l’association Glitch, qui s’en est chargé. Le but était d’avoir un panel d’artistes assez large, avec des styles et des techniques différentes, mais venant en majorité du domaine des arts visuels. Certain·e·s artistes ont en outre été choisi·e·s par leurs liens avec le quartier en question.

Tu as parlé de l’usage des démarches participatives, quel est l’apport d’une telle démarche dans un projet culturel comme celui du Transect ?

Pour nous, la notion des droits culturels, c’est-à-dire le droit de chacun·e à participer à la vie culturelle, est très importante. On ne cherche pas forcément à amener un certain type de culture vers les gens, mais plutôt de partir des besoins et histoires des gens pour créer une œuvre artistique. C’est dans ce cadre-là qu’une démarche participative est pertinente, comme celle que l’on mène avec nos ateliers de cartographie sensible.

Mais une démarche participative comporte également son lot de limites : cela demande de l’organisation, ce n’est pas forcément représentatif et elle peut créer des attentes élevées. Les démarches participatives sont un thème très prisé en ce moment, nous avons plusieurs communes et associations intéressées qui nous contactent pour mener des telles démarches dans le cadre de projets d’aménagements urbains par exemple.

Ce qui est important pour nous dans ces démarches, c’est d’être véritablement clairs sur les buts de celle-ci et de toujours restituer la matière qui nous est donnée par les participant·e·s. Dans le cadre du « Transect » par exemple, les œuvres réalisées par les artistes ont été restituées aux habitant·e·s des quartiers : on a réalisé une impression de l’œuvre et consigné les paroles récoltées dans un document qui a été diffusé auprès des habitant·e·s.

L’exposition aura lieu entre le 7 et le 23 décembre au Commun. Qu’est ce qui y sera présenté ?

Les œuvres ont été à l’origine réalisées en deux dimensions, mais elles seront présentées ici sous formes d’installations en trois dimensions. Elles ont été conçues par les artistes eux·elles-mêmes ainsi que par le scénographe de l’équipe Benoît Versace. Le vernissage aura lieu le mercredi 8 décembre à 18h.

En complément de l’exposition, il y aura également une table ronde le mercredi 21 décembre à 16h sur le thème « Cartographier les appétences : l’art et la concertation », animées par deux médiatrices culturelles et deux professeur·e·s universitaires. Il s’agira de débattre de l’intervention de l’art dans les processus de consultation et de la place de l’artiste dans ce contexte.

Pour plus d’information, rendez-vous sur : https://transect-expo.ch/

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