Portrait de Tami Hopf

Elle investit le monde du tatouage, de l’illustration et de la peinture murale à l’aide de trois couleurs : le noir, le blanc et le doré. Les dessins de Tami Hopf traversent différents supports et s’adaptent à la particularité de chaque médium grâce à un univers bien défini et une connaissance affûtée de l’histoire de l’art. Son style particulier lui vaut d’avoir un an d’attente pour ses projets de tatouages. Pour t’aider à patienter, EPIC t’emmène à la rencontre de Tami Hopf, une artiste pluridisciplinaire. 

Tami Hopf s’intéresse aux multiples, à la pluridisciplinarité. Elle est tatoueuse, graphiste, illustratrice et réalise, depuis 2016, des fresques pour plusieurs occasions dans différentes villes d’Europe. Après avoir rejoint la Riviera vaudoise et quitté sa ville natale de Sao Paolo, tout s’enchaine rapidement. L’artiste travaille en tant que directrice artistique dans une agence de communication avant d’ouvrir en 2015, soit une année après son arrivée à Vevey, le Hopf Studio — Illustration & design. Elle s’oppose à l’adage qui voudrait qu’en touchant à plusieurs disciplines artistiques, on n’en maitrise finalement aucune. L’artiste a un style bien défini qui lui permet de circuler au sein de plusieurs supports sans pour autant se perdre. 

Comment es-tu passé de l’illustration à la pratique du tatouage ?

En 2014, j’ai quitté mon poste dans une agence de communication pour travailler en tant qu’illustratrice freelance. À ce moment-là, je n’avais pas l’intention de tatouer. Je faisais des illustrations pour des publications, des expositions ou encore des vernissages. J’exposais aussi mes dessins et je participais à des évènements de live drawing comme PictoBello à Vevey. J’étais vraiment dans une démarche d’illustratrice et d’artiste ensuite le tatouage et le Street Art sont arrivés.

J’ai commencé à m’intéresser à la technique du tatouage parce qu’on me faisait souvent remarqué que mes dessins se portaient bien et même si j’ai toujours aimé la technique et le rendu j’avais l’impression que le milieu du tatouage était fermé. C’est quand j’ai tatoué la première fois que je me suis rendu compte que j’adorais ça ! Je me suis sentie à l’aise et j’ai retrouvé dans l’apprentissage de ce métier certains réflexes que j’avais en tant qu’illustratrice par exemple dans le rapport aux client.e.s et les techniques de composition. 

Quelle est l’histoire derrière les trois couleurs que tu utilises : le noir, le blanc et le doré ?

À la base, je dessinais avec beaucoup de couleurs. Je travaillais essentiellement sur l’iPad et l’ordinateur, mais quand je suis arrivée en Suisse, j’ai eu envie de revenir à un travail sur papier. J’ai voulu laisser de côté la partie technique et visuelle pour peaufiner mes idées. J’ai commencé à dessiner en noir et blanc et même si je n’étais pas fermée à l’idée de revenir à la couleur, j’ai aimé cet aspect pur et simple qui se dégageait des dessins. C’est une sorte de retour à l’essence ! J’utilisais un papier et un crayon noir, et j’ai trouvé super intéressant d’arriver à faire autant de nuance avec un seul outil. J’utilisais la technique des points et des hachures pour créer de la texture et de la profondeur. Une fois que j’ai trouvé les différents sujets que je voulais traiter, j’ai continué avec le noir et le blanc. On peut dire que c’est à travers une recherche conceptuelle que je suis arrivée à la technique. Les trois couleurs que j’utilise maintenant sont devenues un choix esthétique.

Est-ce que tu as des inspirations particulières ?

Tout le mouvement surréaliste, avec les artistes iconiques comme René Magritte ou André Breton. Dans un autre univers, Gustave Klimt pour son esthétique et son usage du doré. Chez les femmes artistes, il y a Frida Kahlo pour sa force et son univers, mais aussi Tamara de Lempicka pour son travail de contraste et de lumière. J’ai aussi deux livres qui retracent le travail complet de Pieter Brueghel et de Jérôme Bosch — deux artistes du XVIe siècle. Je suis fascinée par leur parcours, la fantaisie dans leur travail, mais surtout l’univers qu’ils ont été capables de créer. Dans leurs œuvres, il y a une quantité de détails qui nécessitent beaucoup d’imagination, de patience et de technique en particulier dans la composition. Je suis en totale admiration, parce que c’est quelque chose que je ne suis pas capable de faire. J’essaie de m’en approcher avec le travail de points dans mes dessins qui est très long et minutieux. 

Peux-tu nous parler de ta collaboration au sein du projet Traces de Passage ?

En 2019, Tami Hopf  rejoint l’équipe de Traces de Passage. Un projet éphémère qui se déroule dans les appartements d’un immeuble situé près de la gare de Lausanne, rue Simplon 26. Le bâtiment est destiné à la démolition et les appartements ont été vidés. Le collectif d’artiste qui prend part à l’expérience essaie de réfléchir à la meilleure façon d’honorer cet espace et les vies qui ont habité le bâtiment. Dans cette idée, des expositions et des performances sont organisées dans chaque appartement de l’immeuble. Tami Hopf fera partie du comité de direction et elle réalisera, pour l’occasion, une fresque sur un des murs du bâtiment. 

J’ai rejoint l’équipe de Traces de Passage grâce à mon travail de fresque. La première que j’ai réalisée c’était en 2016 durant un festival d’art contemporain organisé par la ville de Lisbonne. J’ai été invitée par quelqu’un qui a trouvé mon travail sur Instagram et qui a aimé mes dessins. Je n’avais encore jamais réalisé de fresque. J’ai envoyé un projet et ça a plu ! Ils m’ont confié le plus grand mur du festival. J’étais très stressée, mais finalement ça s’est bien passé. J’étais seule en tant qu’artiste, mais j’avais deux assistants pour m’aider à réaliser la fresque. Depuis ce festival, j’essaie de réaliser une fresque par année.  

L’équipe de Traces de Passage s’est constituée par affinité. C’est un des secrets qui a fait que le projet a bien fonctionné. Les artistes étaient choisis pour leur travail, mais aussi pour leur personnalité et leur bienveillance. C’était plus qu’un projet artistique, l’objectif était de vivre une expérience artistique collaborative. On a passé six mois à créer ensemble et à investir l’immeuble. J’ai eu la chance de faire partie du comité de direction pendant les premiers mois du projet. La direction changeait régulièrement pour que chacun.e puissent donner son opinion sur le projet. J’ai réalisé la fresque en quatre jours et j’avais carte blanche. Parfois, les artistes qui étaient sur place m’aidaient.

Tu as aussi fait l’affiche de la semaine d’action contre le racisme à Vevey. Comment ça s’est passé ?

J’ai été mandaté pour faire l’affiche de la semaine d’action contre le racisme. J’avais déjà collaboré avec la ville de Vevey pour d’autres projets. Je pense qu’on m’a contacté, parce qu’ils cherchaient une manière douce et poétique de traiter un sujet qui est très dur et compliqué. Je pense que mon style se portait bien pour parler de cette thématique d’une manière délicate sans que ce soit choquant ou dramatique. J’ai vraiment aimé collaborer au sein d’un projet plus engagé. 

Est-ce que tu qualifierais ton travail d’engagé ?

Je ne sais pas si je trouve mon travail engagé, peut-être, ce qui est sûr c’est que j’ai des engagements clairs en tant que personne et je refuse des projets qui vont à l’encontre de mes valeurs. J’essaie de véhiculer des idées dans mes dessins qui représentent mes valeurs et j’évite de donner de mauvais exemples sur les réseaux. J’ai aussi une approche  écologique dans mon travail. J’essaie de plus en plus d’utiliser des encres écologiques et j’évite au maximum le plastique. Une partie de mon matériel, je le fais moi-même et je recycle beaucoup aussi. D’ailleurs, je ne jette jamais les restes de mes fresques. Je les emmène avec moi et les réutilise dans d’autres projets. On peut dire que, même si je ne suis pas exemplaire, j’ai des engagements qui parfois débordent dans mon travail. 

Retrouvez le travail de Tami Hopf sur Instagram et sur son site Internet.

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