« C’est un voyage pour l’âme » déclare une spectatrice à la sortie de la pièce d’/Unitile. La dernière production de Neopost Foofwa, en partenariat avec l’ADC et La Comédie de Genève, conclut la série débutée en 2015 sur « la question de l’utilité ou l’inutilité de l’art ». Rencontre avec Foofwa d’Imobilité, directeur artistique, chorégraphe et danseur.
C’est le quatrième spectacle d’une série de pièces où la modernité dans l’histoire de la danse est explorée. /Unitile nous plonge dans les années 1850 – 1900, à travers une recherche sur la gestualité et les corporalités ayant jailli à cette époque. « Les danseurs et danseuses ont fait des recherches afin de rejoindre l’esprit du 19e siècle », explique le chorégraphe. « On a travaillé la transe, le lâcher-prise qui nous permettent finalement de nous rapprocher de l’esprit de cette époque. On est allé par-delà la forme, l’image pour aller vers une incarnation de quelque chose qui n’est pas forcement reconnaissable mais qui se fait présence. » De la danse contemporaine afin de raconter l’histoire de onze citoyens du début de XXIe siècle recherchant les raisons de leur errance et questionnant leur existence, et leur malheur.
Une errance rendue vivante par onze danseurs, dont huit jeunes professionnel-le-s issu-e-s des formations suisses de danse. Foofwa d’Imobilité explique que le projet est né il y a trois ans d’une envie de donner l’occasion à de jeunes diplômés de travailler concrètement sur un spectacle : « On voulait ce projet pour l’engagement de jeunes danseurs issus de formations suisses de danse. Parce qu’il y en a de plus en plus, sans forcément plus de débouchés à la sortie. […] On voulait un peu sortir de cette idée que, parce qu’ils sont jeunes, ils ne méritent pas leur place autant que d’autres. On a donc engagé trois volées successives, avec à chaque fois huit jeunes : Cet aspect social au sein de la politique culturelle suisse était la base du projet Utile/Inutile. »
Mais, est ce que l’art doit vraiment être utile ? « On a beaucoup de pression économique ou politique demandant à l’art d’être rentable », nous dit le directeur artistique d’/Unitile. « Même les choses un peu ratées amènent une énergie qui réinvente la culture. Du coup, il faut revendiquer cette part d’inutilité de l’art : inutilité dans le sens de générosité gratuite, comme le disait Sartre. Ainsi, le sourire d’un enfant ou tomber amoureux nous semblent des choses “inutiles”. » La danse et l’art, au-delà même des questions financières, sont donc là pour nous faire vivre des émotions et permettre aux artistes de développer leur créativité. « Cette créativité est essentielle, elle fait partie de chacun d’entre nous. Certains pensent peut-être qu’il est plus intéressant d’aller à la banque que de voir quelqu’un danser. Alors que face à sa propre mort, il me semble qu’on espère se rappeler d’une danseuse ayant une gestuelle insaisissable, plutôt que du guichet de sa banque. »
Les participants se retrouvent plongés dans une danse imprévisible, sans limite et innovante, qui exalte l’unicité de l’Humain. « S’il y a quelque chose que l’être humain porte en lui c’est cette unicité, et cette capacité de s’inscrire dans le temps », nous dit le danseur. Un temps qui se dilate, laissant la liberté aux danseurs mais aussi aux spectateurs de s’immerger dans un univers émotionnel et sensoriel inédit. « Les gens parlent aussi d’expérience, au niveau spirituel. On veut s’éloigner du simple spectacle, mais avoir un vrai partage, un vrai échange avec les spectateurs. »
Le moins que l’on puisse dire c’est que cet échange est réussi : on ne sait pas forcément très bien pourquoi, ni comment, mais on ressort de cette expérience bouleversé. Non seulement par la notion de temps et d’espace, mise en veille pendant une heure et demie, mais aussi du fait des tableaux offerts en première partie, proposant de découvrir la danse de manière presque photographique. Un spectacle qui nous fait voyager jusqu’au 11 mars, à découvrir à l’ADC.
Toutes les infos : ADC
Citation en titre : Charles Baudelaire