It’s Alive! – Frankenstein au cinéma

Bride of Frankenstein (James Whale, 1936)

Du 3 octobre au 19 décembre, le Ciné-club Universitaire célèbre le bicentenaire de la rédaction de Frankenstein à travers un cycle dédié aux adaptations plus ou moins libres du roman de Mary Shelley. La programmation, résolument éclectique, permet de mesurer l’ampleur et la diversité de l’imaginaire cinématographique frankensteinien.

Fruit d’un assemblage de chaires cadavériques humaines et animales, le monstre façonné par Victor Frankenstein, dans le roman de Mary Shelley, suscite l’horreur et le rejet de son créateur. N’en déplaise à ce dernier, l’industrie cinématographique naissante réservera à la créature un accueil nettement plus favorable. Ainsi, en 1910, Thomas Edison produit la première adaptation filmique de Frankenstein[i]. Les flammes dans lesquelles la créature s’embrase à la fin du court-métrage ne suffiront pas à mettre un terme à la carrière cinématographique du monstre, destiné à devenir une star du grand écran: depuis le film de J. Searle Dawley, pas moins de 150 « adaptations » du roman de Shelley ont été réalisées, sans compter les productions pornographiques.

House of Frankenstein
House of Frankenstein (Erle C. Kanton, 1944) réunit les trois monstres les plus populaires du cycle de films d’horreurs produits par Universal dans les années 1930-1940, à savoir la créature de Frankenstein, Dracula et le loup-garou.

La programmation du cycle « It’s Alive ! » propose une exploration de la nébuleuse cinématographique frankensteinienne à travers quatre pistes. La première, dédiée à la série de films produits par Universal Pictures, ouvrira le cycle sur le célèbre Frankenstein (1931) de James Whale, blockbuster avant l’heure qui, à sa sortie, fit s’évanouir de peur certains spectateurs. Boris Karloff, dont le masque effrayant, la démarche maladroite et l’allure prolétarisée fixeront l’image du monstre pendant de nombreuses années, y incarne la créature de façon saisissante. La star de l’horreur endossera à nouveau ce rôle dans deux des suites produites par le studio hollywoodien, qui figurent également au programme: Bride of Frankenstein (1936), réalisé par le même James Whale, souvent considérée comme le meilleur des Universal Frankenstein movies, ainsi que Son of Frankenstein (Rowland V. Lee, 1939). En hommage à la carrière de l’acteur britannique, trop souvent réduite à son interprétation du monstre, deux autres films dans lesquels il s’illustra seront projetés : The Walking Dead (Michael Curtiz, 1936), où un homme injustement condamné à mort est ramené à la vie par les vertus de l’électricité, et The Body Snatcher (Robert Wise, 1945), adaptation d’une nouvelle de Robert Louis Stevenson relatant un étrange trafic de cadavres dans l’Écosse du 19ème siècle. Après la projection de House of Frankenstein (Erle C. Kenton, 1944), quatrième et dernier opus de la série produite par Universal Pictures, les spectateurs auront en main toutes les clés nécessaires au déchiffrement de Young Frankenstein (1974), géniale parodie de Mel Brooks, qui tourne en dérision l’univers frankensteinien échafaudé par la firme hollywoodienne dans les années 1930-1940.

Evil of Frankenstein
La créature dans The Evil of Frankenstein (Freddie Francis, 1964)

La deuxième piste retenue par le Ciné-club offrira un bref aperçu de l’incontournable série des films produits par les studios britanniques Hammer, dont deux des sept longs-métrages consacrés aux aventures du docteur Frankenstein seront projetés. Il s’agit de The Revenge of Frankenstein (Terence Fisher, 1958) et The Evil of Frankenstein (Freddie Francis, 1964), dans lesquels Peter Cushing incarne un Victor Frankenstein ambitieux et malfaisant. Leur esthétique et leur structure narrative contrastent fortement avec celles des productions Universal : tandis que celles-ci, tournées en noir et blanc, se focalisent sur la figure du monstre, ceux-là, dont la somptueuse photographie en Technicolor marqua durablement les esprits, explorent avant tout la psyché perverse du créateur.

La troisième piste retenue permettra quant à elle de découvrir quelques excentricités de la nébuleuse frankensteinienne, à commencer par Flesh for Frankenstein (Paul Morrissey, 1973), chef-d’œuvre de cinéma underground coproduit par Andy Wharol, qui exploite sur un mode grand-guignolesque les virtualités sexuelles de l’histoire imaginée par Mary Shelley. Dans une veine encore plus déjantée, on ne manquera pas Vampire Girl vs Frankenstein Girl (2009) réalisé par une icônes japonaises du « gore burlesque », Yoshihiro Nishimura, dont la générosité en matière de flux d’hémoglobine n’est pas démentie par ce film au scénario en tous points surprenant. L’exploration des bizarreries cinématographiques inspirées du roman de l’écrivaine britannique se poursuivra le jeudi 3 novembre par une soirée série B. Au programme: Frankenstein Meets the Space Monster (Robert Gaffney, 1965), film aussi improbable que son titre le laisse penser, et Frankenstein Unbound (1990), dernier film réalisé par le maître de la série B américaine Roger Corman.

Affiche originale de Frankenstein Meet the Space Monster (Robert Gaffney, 1965)
Affiche originale de Frankenstein Meets the Space Monster (Robert Gaffney, 1965)

La quatrième piste interrogera la généalogie ainsi que la postérité cinématographiques de la créature de Frankenstein à travers deux longs-métrages, Der Golem (Paul Wegener et Carl Boese, 1920) et Edward Scissorhands (Tim Burton, 1990). Le premier film, chef-d’œuvre du cinéma expressionniste allemand, exploite le motif de la créature échappant à son démiurge ; le second, brillamment porté par Johny Depp, explore le thème du « monstre » injustement rejeté par les humains.

Enfin, inclassable parmi les quatre catégories énumérées, L’Esprit de la ruche (Vitorio Erice, 1973) constitue peut-être la réappropriation la plus originale et la plus subversive de la figure de Frankenstein. Ce film sublime, tourné sous le régime de Franco, adopte le regard d’une petite fille qui, après avoir assisté à une projection du Frankenstein de James Whale, se laisse persuader par sa sœur que la créature non seulement existe « pour de vrai », mais qu’elle réside non loin de leur village, dans une bâtisse rustique abandonnée. Partant à sa recherche, la fillette rencontrera à la place un militant républicain, persécuté comme le monstre dans le film de Whale.

Comme chaque cycle, celui-ci est accompagné d’une revue éditée par les Activités culturelles de l’Université, dont le présent numéro se distingue par la diversité de ses contributions. Réunissant des articles de membres du Ciné-club, d’étudiant.e.s et d’historien.ne.s, elle permet de prolonger l’immersion dans la nébuleuse frankensteinienne ménagée par les 13 séances.

Emilien Gür

Cycle « It’s Alive – Frankenstein au cinéma », du 3 octobre au 19 décembre. Tous les lundis à 20h à l’Auditorium Arditi.

Plus d’informations sur :

http://www.unige.ch/dife/culture/cineclub/frankenstein/

La revue téléchargeable en ligne à l’adresse suivante:

http://www.unige.ch/dife/culture/cineclub/frankenstein/revue-frankenstein

[i] Le court-métrage, restauré par le Ciné-club Universitaire, sera projeté le 10 octobre.

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