Les Ateliers Ocra, un petit paradis de la création

Une partie de l'équipe d'Ocra, dans le coin canapé aménagé aux sein des ateliers.

EPIC vous emmène à la découverte d’un lieu particulier dans le microcosme culturel genevois : les Ateliers Ocra. Dix artistes aux univers et approches différents pratiquent chaque jour leur art dans cette annexe d’un garage des Eaux-Vives transformée en véritable cocon de créativité. Visite d’un espace étonnant et focus sur les projets qui s’y déploient.

Le rendez-vous était on ne peut plus clair : 14h30, Route de Frontenex 39, dans le quartier des Eaux-Vives. Pourtant, arrivés sur place, pas trace d’un atelier d’artistes. Après quelques minutes d’hésitation, nous décidons de pénétrer d’un pas prudent dans la cour intérieure que nous devinons derrière une station d’essence au charme suranné. Peu sûrs de nous, nous finissons par croiser trois personnes qui descendent les poubelles ; celles-ci nous reconnaissent et nous proposent de les suivre. Elles nous emmènent alors au fond du garage des Vollandes, et nous ouvrent la porte vers un monde tout à fait particulier : celui des Ateliers Ocra. Qui aurait pu imaginer qu’un tel endroit se cacherait ici ? C’est un univers bigarré, fouillis et incroyablement stimulant qui s’offre à nos yeux : un coin canapé cosy quasiment fait intégralement de récup’, du matériel partout, des installations en pagaille, des affiches plein les murs. Pas de doute : ce lieu est un espace de vie et de création bien singulier.

Un lieu de co-création à nul autre pareil

Mi-2020, Simon et Jérémy, qui portent la marque Jerasim, cherchent un endroit fixe où développer leurs productions. En se renseignant sur les coûts de location d’un studio, les deux amis réalisent qu’il serait en réalité plus simple d’opter pour un grand espace à partager à plusieurs. En parallèle, Jerasim vient de collaborer avec la designeuse bijou Lydia Saurel, qui a tout juste quitté son atelier et désire trouver un nouveau lieu de création ; c’est donc avec joie qu’elle accepte de rejoindre les deux compères dans la quête d’un espace commun, apportant par ailleurs son expérience au niveau administratif. Après d’intenses recherches, l’équipe jette son dévolu sur l’annexe d’un garage qui a servi successivement de serrurerie et d’espace de stockage ; une fois une équipe motivée constituée, les membres d’Ocra vont transformer ce lieu, à force de travaux étalés dans la durée, en un petit paradis de la création.

Si quelques changements de personnes sont intervenus au fil du temps, la plupart des dix membres actuels d’Ocra font partie des résident·e·s depuis les débuts de l’aventure. L’équipe essaye de fonctionner au maximum de manière collective : les artistes de l’atelier tiennent à se réunir au moins une fois par mois, dans le cadre d’un colloque-apéro, pour parler des développements futurs de leur espace. C’est qu’il est dur pour eux de tous·tes se retrouver au quotidien ; leurs horaires sont si différents que les membres d’Ocra ne font en général que se croiser, même s’il leur arrive de partager quelques befores dans l’atelier, de s’y retrouver avec leurs cercles d’amis respectifs ou d’y regarder des films. Si peu de collaborations intra-atelier ont vu le jour pour l’instant, la volonté d’imaginer des projets communs et de mélanger les disciplines à moyen terme est présente chez chacun·e. Pour l’instant, la co-création dans cet espace amène surtout un échange de savoir-faire, de conseils, de regards et de coups de main entre les porteur·se·s des différents projets artistiques.

De la création sans contraintes

Il existe une solidarité, une tolérance et une confiance sincères entre les membres des Ateliers Ocra ; malgré les caractères différents de chacun·e, la présence de tous ces projets dans cet espace réduit se passe à merveille. De plus, si chaque artiste est à un stade différent de maturité créative, tous·tes partagent le même goût pour l’art au sens large et l’interdisciplinarité. Plusieurs résident·e·s estiment d’ailleurs que leur créativité se trouve boostée par l’énergie qui se dégage de ce lieu hors temps, tant et si bien que ces élans créateurs se traduisent souvent en des changements radicaux dans l’aménagement de l’espace au sein de l’atelier. Quand on leur demande ce qu’iels retiennent en premier de l’aventure Ocra, les artistes évoquent les nombreuses rencontres permises par la cohabitation dans ces locaux, mais aussi la chance d’avoir un lieu à soi où il est possible de s’adonner à des activités expérimentales et salissantes, de stocker du matériel ou de simplement recharger ses batteries.

Une envie particulière ressort à l’heure d’évoquer l’avenir : se tourner vers l’extérieur. D’abord, l’équipe aimerait monter prochainement dans ses locaux un marché des créateur·rice·s, et pourquoi pas proposer également des séances cinéma. Ensuite, les résident·e·s d’Ocra envisagent d’organiser une sorte de journée portes ouvertes, qui serait l’occasion de faire découvrir l’atelier et les pratiques artistiques de ses membres au voisinage, qui s’interroge souvent sur ce qu’il se passe dans cet endroit où il y a régulièrement de la lumière jusqu’à tard le soir et un peu d’agitation. Quoi qu’il advienne, l’avenir des Ateliers Ocra s’annonce des plus radieux !

Les artistes des Ateliers Ocra

Andrea

Andrea réalise principalement des travaux au stylo noir. Toutefois, étant en constante recherche de médiums qui lui permettent d’exprimer sa créativité, elle fait également de la peinture, de la couture ou encore de la musique. Suite à sa formation en architecture d’intérieur, c’est le questionnement au sujet de la relation entre l’humain et l’espace qui domine ses travaux. Dans le futur, Andrea aimerait assembler les connaissances acquises à travers ces médiums artistiques afin d’en faire des installations.

Apolline

Apolline porte la marque Descombes, dont le style est un mix d’influences streetwear et rétro chic. L’artiste a beaucoup de contraintes de production car elle réalise ses vêtements toute seule en petite quantité et produit à la commande pour éviter d’avoir du stock invendu. Le design de la marque doit être simple et élégant, et s’adapter à plusieurs tailles et morphologies, le tout sans sacrifier l’esthétique ; le patronage est donc une étape cruciale. Les matières sont toujours choisies pour être les plus durables possibles. Descombes constitue pour Apolline un terrain d’expérimentation où elle peut parcourir toute la chaîne de production d’une collection : moodboard – patronage – campagne – make up – styling – photos – vidéos – vente en ligne – web design. Plus récemment, elle s’est lancée dans la production d’accessoires, en expérimentant diverses matières avec la modélisation et l’impression 3D, le moulage et la résine epoxy.

Aurélien

Aurélien expérimente les arts visuels au sein large. Ayant commencé sa pratique artistique par le graffiti, il est attiré depuis ses quatorze ans par l’idée de peindre en s’adaptant à un environnement particulier. Aujourd’hui, son approche est surtout manuelle et axée sur la construction. Par exemple, il a réalisé lui-même son bureau chez Ocra, en utilisant avant tout des matériaux de récupération. Titulaire d’un CFC de mécanicien sur cycle, il estime que sa démarche artistique, puisqu’il n’a pas fait d’école d’art, sort des cadres usuels et lui permet de s’abstraire sans problèmes des contraintes de temps : il lui arrive ainsi de peindre des heures sans que rien n’en ressorte, ce qui l’épanouit pour autant tout à fait. Aurélien envisage à la fois Ocra comme une échappatoire et comme une safe place.

David

David a approché le monde de la création à travers la photographie et le graffiti. Quand il a fallu faire un choix d’orientation, il a décidé d’entreprendre des études de photo à l’ECAL, dont il a obtenu un Bachelor. Néanmoins, plus il avançait dans son cursus, plus il sentait qu’il s’éloignait de la pratique du huitième art : pour David, l’ECAL l’a surtout ouvert à l’art de façon large et lui a permis d’apprendre à concevoir un projet de A à Z et à communiquer avec différents médiums. Il estime ainsi avoir un côté plus plasticien que photographe. C’est par ailleurs durant son Bachelor qu’il a commencé à expérimenter le tattoo, une pratique qu’il affectionne beaucoup pour la relation particulière à la personne qu’elle induit ; c’est avant tout par envie de trouver un espace où tatouer qu’il a rejoint Ocra.

Jerasim

Jerasim est une marque de vêtements créée en 2015 et portée par Simon et Jérémy. À l’origine de la création des Ateliers Ocra avec Lydia, les deux compères cherchaient avant tout un lieu pour imaginer et créer leurs collections ; au fil du temps, cet endroit est également devenu une sorte de pied à terre qui leur permet de rencontrer les photographes ou les artistes avec qui ils collaborent, mais aussi de recevoir les personnes qui commandent leurs produits. S’il a récemment sorti une collection d’écharpes, le duo désire faire de Jerasim une plateforme allant au-delà de la mode ; il souhaite ainsi adopter une approche pluridisciplinaire nourrie par les passions et les savoir-faire des deux amis. Par exemple, Simon et Jérémy se sont récemment dirigés vers le cinéma ; ils ont tourné l’été passé dans le sud de l’Italie un court métrage dont la volonté est de confronter la vie clichée de la dolce vita à l’italienne avec ce que représente réellement cette notion pour les Transalpins. D’autres projets plus confidentiels sont en cours de réalisation, notamment des capsules vidéo et une collaboration vestimentaire avec une entité genevoise bien connue.

Léonie

Léonie, qui pratiquait beaucoup la couture et le dessin enfant, était au collège quand le projet Ocra a vu le jour. Elle a profité de son entrée dans l’atelier pour approfondir sa pratique du dessin ; elle s’est également récemment lancée dans la musique en tant que DJette, et a d’ailleurs déjà eu l’occasion de se produire dans les locaux d’Ocra. Surtout, Léonie est passionnée par l’écriture – son travail de maturité a porté sur l’usage de la couleur dans la littérature – et apprécie le fait de se trouver souvent seule dans l’atelier pour s’adonner à son art. Elle écrit avant tout des nouvelles réalistes, et vient de finir la rédaction d’un livre, qu’elle envisage comme un projet artistique global puisqu’elle souhaite également en imaginer la couverture. Léonie se voit écrire sur le monde de l’art à l’avenir, et désire s’orienter vers des études de sociologie.

Lydia

Lydia est designeuse bijou. Depuis quatre ans, elle crée avant tout des bijoux en métal précieux, c’est-à-dire en or, en argent ou en plaqué or. À travers sa marque Lydia Saurel, elle propose tant une collection permanente que des pièces uniques réalisées sur commande pour des particuliers. Son style s’inspire des cristaux et des minéraux ; Lydia est fascinée par leur aspect à la fois maîtrisé et anarchique, asymétrique et construit. Par ailleurs, elle envisage ses bijoux comme des sculptures ; c’est la notion d’harmonie dans la forme qui l’intéresse particulièrement. À l’origine de la création des Ateliers Ocra avec Jerasim, elle apprécie l’énergie que les artistes de l’atelier dégagent et trouve enrichissant de travailler entourée des gens qui n’ont pas le même métier qu’elle. Enseignante en parallèle aux Beaux-Arts d’Annemasse, Lydia souhaite à l’avenir développer son approche en travaillant sur les pierres précieuses.

Marc

Marc a réalisé un Bachelor d’ingénieur en informatique à l’HEPIA. Affectionnant tout particulièrement la photographie, le cinéma et la vidéo, il a rencontré Jérémy et Simon à la passerelle de la HEAD, école qu’il a quittée assez rapidement car il désirait organiser lui-même son emploi du temps artistique. Aujourd’hui, il travaille sur de nombreux projets en même temps : clips, design, programmation, photos, mixage, création d’une application… Marc ne manque jamais d’idées. Pendant le premier confinement, il s’est également mis à couper les cheveux de ses amis ; ce qui était au début un délire personnel s’est toutefois transformé en quelque chose de plus sérieux. Le trouvant doué, ses proches lui ont rapidement acheté une tondeuse professionnelle. Depuis, Marc coiffe nombre de ses connaissances. Il est d’ailleurs en train de monter un mini-salon chez Ocra, espace qu’il utilise également comme lieu de réunion pour réfléchir, rencontrer d’autres artistes et travailler sur ses différents projets.

Marie

Marie a fini l’année dernière son Bachelor en arts visuels à la HEAD. Elle navigue entre trois médiums principaux : la céramique, la photo et l’écriture, qu’elle désire faire dialoguer. Son attrait pour la céramique a débuté durant ses études, et son activité chez Ocra lui garantit de trouver la place pour organiser son travail et stocker certaines de ses productions. Marie a lancé depuis peu sa marque, Mari Mira, où elle vend des objets tels que des assiettes ou des vases, ce qui lui permet de s’entrainer à pratiquer et de financer ses activités. Elle est par ailleurs toujours ouverte à explorer d’autres formes artistiques, et réfléchit également à une collaboration avec Lydia, qui mélangerait céramique et bijoux.

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