Pour t’accompagner durant cet été, EPIC a décidé de te proposer Collection été 2020, une série de cinq articles sur la mode genevoise ! Chaque mardi, le magazine part à la rencontre d’un·e ou de plusieurs jeunes créateur·trice·s de mode originaires du canton. De quoi te permettre d’en savoir plus sur leur travail, leur parcours, leurs inspirations et leurs projets ! Aujourd’hui, découvre l’univers de Jerasim, marque de vêtements et accessoires unisexes aux inspirations streetwear et rétro, présentée par ses concepteurs Simon Annen et Jérémy Troilo.
Il y a de ces projets de toute une vie qui ne tiennent qu’à une rencontre, faite au bon endroit, au bon moment. Cela a été le cas pour Simon Annen et Jérémy Troilo, les deux créateurs de 20 ans qui se cachent derrière la marque de prêt-à-porter Jerasim. C’est en allant manger ensemble en 2015, après avoir fait connaissance durant une soirée collégienne, que les deux jeunes hommes ont décidé, pour la toute première fois, de se lancer dans la création commune d’un vêtement. “J’avais dans mon sac quelques croquis”, relate Jérémy. “Simon, qui customisait déjà des habits de son côté, les a vus. Il m’a directement proposé de concevoir un t-shirt à deux. J’ai pris cela comme un défi à relever, et j’ai donc tout de suite accepté.”
Un intérêt prononcé pour la culture hip-hop
C’est que le goût du challenge fait partie de l’ADN de Jerasim. Cinq ans après cette rencontre, les deux compères, désormais étudiants à la HEAD respectivement en design de mode et en architecture d’intérieur, ne s’arrêtent plus d’imaginer de nouvelles créations et de nouveaux projets. “Nous tournons en moyenne à trois collections par an”, nous glisse Simon. Une telle productivité et un tel élan artistique s’expliquent par une amitié inébranlable et une soif sans pareille d’inventer, d’innover et de repousser leurs propres limites créatives. “En cinq ans de collaboration, on a largement appris à se connaître. On a créé une sacrée entente et je dirais même que l’on a la chance de partager une vision plutôt similaire de la mode”, constate Jérémy.
C’est qu’une vision, Jerasim en possède une bien à lui. Ou plutôt une patte, une touche, reconnaissable entre mille, nourrie par les passions des deux collaborateurs. “On constate qu’il commence à y avoir un esprit Jerasim qui se dégage de nos collections. Notre public a appris à identifier notre style.” L’identité de la marque se caractérise principalement par deux influences très claires. D’abord, une passion commune pour le lifestyle et l’esthétique des années 60 à 90. “Cela nous plait de puiser dans les couleurs, les formes ou les matières caractéristiques de ces époques. Une tapisserie des seventies aux couleurs chaudes peut par exemple nous émerveiller, puis nous allons tourner cette référence à notre sauce.” Ensuite, les deux créateurs reconnaissent avoir été bercés par la culture hip-hop. Ils assument volontiers l’impact déterminant du rap, du beat-making et du graffiti sur leur façon de concevoir vêtements et accessoires.
Une collection estivale colorée et rafraichissante
Au-delà de cette volonté d’affirmer un style bien marqué, le duo se distingue par sa persévérance et sa pugnacité. Ou plutôt par une furieuse envie de mener chaque projet à terme, quitte à le laisser momentanément en stand-by pour le reprendre plus tard. Ce fut le cas de leur nouvelle collection estivale 2020, pensée dès l’année passée. “Sur les t-shirts que nous avons créés cette saison, il y a la présence caractéristique d’une dune. C’est d’abord Simon qui est arrivé avec cette idée, puis il en a créé un moodboard, ce qui sert en général à développer nos concepts. J’ai trouvé la vibe vraiment cool, et j’ai donc voulu dessiner dessus”, explique Jérémy, particulièrement enthousiaste. “J’ai ensuite essayé de choisir des couleurs vives pour ces t-shirts, qui se marieraient avec des sortes de tâches d’autres coloris entourant la fameuse dune. C’est comme ça que SS20 Dune Collection est née.” Les deux designers se complètent ainsi parfaitement, l’un arrivant avec une ébauche immédiatement enrichie et développée par l’autre, au terme de longs débats.
De fait, il n’est pas peu dire que les créations de Jerasim sont le fruit d’une collaboration intense et totale, d’autant qu’aucun des deux créateurs ne possède de rôle préétabli. “On trouve toujours un terrain d’entente. On essaye constamment de se tirer vers le haut, en s’influençant l’un l’autre et en cherchant à unir nos deux univers”, explique Simon. C’est d’ailleurs ce dernier qui a trouvé l’inspiration déterminante pour le shooting de cette SS20 Dune Collection. “Je me suis passionné pour le travail de Slim Aarons, un photographe qui a immortalisé la bourgeoisie de Palm Springs durant les années 60. J’ai tout de suite été fasciné par ses photos symétriques, à l’esthétique peu commune.” Le rendu ? Un côté estival-chic très réussi, avec des mannequins posant au bord de piscines qui fleurent bon le soleil californien. On l’aura d’ailleurs compris, les shootings ont une place très importante dans le travail de Simon et Jérémy : “C’est vraiment l’accomplissement du projet. C’est ce qui donne vie à la collection, d’autant que c’est sous ce regard-là que le public va juger notre travail. C’est pourquoi on y accorde beaucoup d’énergie et de réflexion.”
Cinq ans de création (bientôt) fêtés en grande pompe
Le temps file, Simon et Jérémy en ont bien conscience. Cela fait déjà cinq ans que leur marque a été lancée, un anniversaire que les deux Genevois sont décidés à fêter comme il se doit. “À l’origine, on cherchait à faire quelque chose de quasi familial pour cette célébration. On tenait à réunir nos proches pour réaliser une sorte de rétrospective des pièces issues de nos anciennes collections.” Finalement, cette idée, initiée à l’origine par Simon, a débouché sur une série de photos inventives, drôles et originales. En effet, les différents vêtements imaginés sous l’étendard Jerasim sont mixés, ajustés et remaniés de sorte à habiller, en tout, pas moins de dix personnages aux caractéristiques bien différentes, tous incarnés par le même mannequin.
En plus de cette rétrospective, le tandem a planifié l’ouverture d’un pop-up cet automne, dont la scénographie sera pensée par Jérémy. Si la réalisation de cette idée a pris du retard à cause du Covid-19, elle demeure néanmoins pleine de promesses. Le duo projette d’y présenter une sélection de ses précédentes collections, tout en cherchant également à y inclure une exposition promouvant le travail d’un·e photographe local·e, qui n’a pas encore été choisi·e. “Par le biais de ce pop-up, on aimerait surtout que les gens comprennent encore mieux notre marque et puissent observer notre évolution au cours du temps.” Les deux créateurs vont également profiter de cette occasion pour présenter leur prochaine réalisation : une prometteuse collection de bijoux. Ce projet a été mûri pendant de longues années par le tandem, dont la fierté et l’excitation sont palpables à son évocation. “C’est le travail dont nous sommes le plus satisfaits. Tout est calé exactement comme nous le voulions.” Nul doute que ces objets sauront combler un public de plus en plus nombreux, conquis par l’audace et l’authenticité qui se dégagent de chaque conception signée Jerasim.
Entre ambitions légitimes et attachement au local
Au moment d’évoquer leurs projets d’avenir, Simon et Jérémy ne manquent pas d’idées bien précises. “Je dirais que nous avons deux rêves peut-être pas si fous”, avance Simon. “D’une part, on aimerait réussir à organiser un vrai défilé, pour lequel nous aurions conçu l’habillement de A à Z. Mais comme nous sommes très perfectionnistes, nous le ferons au moment voulu, sans presser les choses. D’autre part, on adorerait posséder notre propre arcade commerciale.” “C’est vrai, d’autant qu’on rêverait d’avoir un intérieur à notre image. Cela symboliserait un véritable accomplissement pour Jerasim”, abonde Jérémy. Par ailleurs, s’ils tiennent au fait que les gens puissent porter les habits qu’ils créent, les deux compères cherchent à terme à diversifier leurs créations. Ils gardent ainsi dans un coin de leur tête l’idée d’ajouter une branche plus expérimentale à Jerasim, qui viendrait compléter la ligne consacrée aux “indispensables”. Avec, en filigrane, toujours le même désir d’expérimentation, afin de trouver, en finalité, une forme de quintessence artistique.
Décomplexés et conquérants, les deux créateurs désirent également créer des synergies et unifier le microcosme artistique genevois. C’est la raison pour laquelle ils ont décidé de lancer Mesure, un projet vidéo qui cherche autant à promouvoir Jerasim que de jeunes artistes locaux. “Il y a beaucoup de talents à Genève. Malheureusement, nombre de personnes ne font pas bien valoir leur travail. On aimerait vraiment que ce petit monde-là soit davantage soudé”, révèle Simon. “On voit tout de même les choses bouger. Les gens commencent à comprendre qu’il faut que l’on se hype nous-mêmes”, complète Jérémy. Le duo travaille dur comme fer à la création d’une certaine forme d’osmose entre musicien·ne·s, chanteur·se·s, photographes et créateur·trice·s du cru. Car l’avenir, selon eux, passe par le local. “On veut aussi cela pour nos vêtements. On cherche absolument à collaborer avec des acteur·trice·s locaux·les, au premier rang desquel·le·s notre imprimeur, qui est Genevois”, révèle Simon. Les deux créateurs ont ainsi à coeur de promouvoir une mode plus durable et plus humaine qui puisse inclure chacun·e.
Un dévouement sans faille pour la marque
Si les projets et les collaborations autour de leur marque ne manquent pas, le duo garde les pieds sur terre. En effet, Simon et Jérémy savent que rien ne leur sera offert, mais que tout s’acquière à force de travail et d’abnégation. “Il est très difficile d’estimer le temps que nous consacrons en tout à Jerasim. D’ailleurs, on ne compte pas.” Car la gestion d’une brand nécessite un dévouement constant. “Le soir, il nous arrive souvent de ne pas trouver le sommeil, car on a soudain une idée de design, de vêtement ou d’accessoire qui nous traverse l’esprit”, raconte Simon. “D’ailleurs, cela m’est arrivé pas plus tard qu’hier. Je me suis directement rué sur mon carnet à croquis”, rigole Jérémy. C’est sûr, les deux compères possèdent talent, fougue et rigueur. Un cocktail idéal qui leur permettra, pour sûr, de mener leurs ambitions à bien. Et de propulser Jerasim loin, très loin. Aussi loin qu’il leur est permis de rêver.