Les Inexistants : un roman noir qui maîtrise l’art de la dissimulation

En ce lendemain de Feuillu, et alors que les Genenevois·e·x·s couronnaient hier de fleurs leurs princesses et princes du printemps, je prenais quant à moi la plume (ou le clavier) pour poursuivre ma saga sur la littérature noire en Romandie. Et pour ce deuxième épisode, je vous propose de partir à la découverte de Catherine Rolland et de son nouveau livre, Les Inexistants.

Quand certains rêvent de lumière et poursuivent avec acharnement leur quête de gloire, d’autres s’appliquent à rester dans l’ombre, à s’effacer. L’anonymat devient leur bouée de sauvetage, leur plus grande force. Tel pourrait être le constat de ce huis clos publié en mars dernier aux éditions BSN Press. Après la saga familiale, le drame psychologique et même la littérature de l’imaginaire, Catherine Rolland s’essaie pour son huitième manuscrit au roman noir. Dix heures. C’est le temps que dure le récit. De vingt-et-une heures à sept heures du matin. Alors qu’un tueur en série, affublé à raison du délicat surnom d’Éventreur, terrorise la région depuis plusieurs mois, son règne de la peur est sur le point de prendre fin. 

Centre névralgique du récit, le Pêché Gourmand, un restaurant en bordure de route ouvert jour et nuit pour accueillir voyageurs et travailleurs, est devenu depuis quelque temps le lieu de rencontre de Camille, la serveuse, et Noam, le vigile chargé d’assurer la sécurité de la zone. Ils se retrouvent le soir et échangent sur leurs vies, leurs déboires et leurs rêves. Camille est la mère d’un petit garçon handicapé, et Noam, un ancien professeur de français venu d’Irak, réfugié clandestin, qui craint d’être renvoyé dans son pays. Si ces discussions nocturnes apaisent leurs maux et permettent d’enchanter un quotidien difficile, le parfum de mort qui règne dans la région alourdit à l’évidence l’atmosphère. Ils doivent rester vigilants, se méfier de tout le monde. Et l’arrivée d’un troisième protagoniste, Maxime, va venir briser pour de bon cette harmonie à l’équilibre fragile.

Des personnages multicolores et une structure innovante

La force de ce roman réside selon moi dans ses personnages. Si je n’ai pas toujours été convaincu par la façon dont les relations hommes-femmes sont traitées, j’ai trouvé la construction des personnages cohérente et intéressante. Le roman a beau se dérouler sur une poignée d’heures seulement, le récit ne manque pas d’actions et le développement successif des différents protagonistes, qui prennent de l’ampleur page après page, donne une couleur particulière à l’histoire. Ce trio ou cet ensemble de duos fonctionnent bien, le lecteur apprend à les connaitre en douceur, et les secrets de chacun·e apportent de la matière à l’histoire et à l’enquête.

J’ai aussi beaucoup apprécié la structure du roman. Le récit est découpé en dix parties, chacune correspondant à une heure qui s’écoule. Au début de chaque section, on se retrouve plongé pour quelques pages dans les pensées du tueur. Une âme torturée pour qui, je l’avoue, j’ai eu du mal à ressentir la moindre empathie malgré le récit d’un passé tragique. Il m’a parfois été nécessaire d’avoir le cœur bien accroché en lisant ces passages. Cependant, savamment dosées, ces parties étaient nécessaires pour la construction du roman. Ce tapuscrit est d’ailleurs de manière générale très équilibré et agréable à lire. Je vous invite ainsi vivement à découvrir ce texte et ce trio qui fait vivre les pages, ne serait-ce que pour découvrir qui est ce fameux Éventreur !

Les Inexistants est à retrouver en librairie et sur le site internet de la maison d’édition BSN Press.

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