Weith, le DJ qui s’efface derrière la musique

Weith, dans son studio de production qu'il a lui-même aménagé. Crédit : Miguel Da Silva Rodrigues

EPIC ouvre les portes de sa rédaction cet été ! Des jeunes plumes, des jeunes journalistes nous ont envoyé leur article. Découvrez ce deuxième papier, écrit par Miguel Da Silva Rodrigues.

DJ, compositeur et producteur de musique genevois, Weith a sorti en février dernier son huitième album, Doomsday. Une sortie discrète étant donné la fermeture des clubs mais qui pourrait très bien se retrouver dans toutes les scènes undergrounds européennes lorsqu’elles rouvriront. Rencontre dans l’intimité de l’artiste.

À la porte, je reconnais son nom civil aux accents roumains : Sergiu Juravle. Je sonne. L’artiste m’ouvre la porte, un grand sourire aux lèvres, et un t-shirt sur lequel il est écrit « Electric Dance Music ». Je connais Sergiu depuis désormais huit ans à peu près. À l’époque, il débutait ses études de médecine. Il les a terminées l’année dernière. Mais avant le médecin, j’ai d’abord connu son alter-ego, Weith.


Dr.Brian Waves

L’exigence que réclament les études de médecine, il les a retranscrites dans son travail musical. Dans son petit appartement, qu’il partage avec sa copine, il a aménagé une pièce entière dédiée à la production musicale. Son laboratoire exigu de savant fou aux stores fermés est rempli par les claviers et les machines. Dans cet univers de câbles et de technologie, un magnétophone à bandes passantes d’un autre temps se démarque : « Un ami me l’a prêté. En posant les doigts dessus lorsqu’une bande est en marche, on obtient des sons excentriques et distordus », décrit-t-il un sourire en coin, comme un enfant qui explique comment manier son jouet.

Le DJ se plie difficilement à l’exercice de la photographie, lui qui préfère mettre la musique en valeur et non l’individu qui la compose. Crédit : Miguel Da Silva Rodrigues


Weith a suivi une formation classique de guitariste. Puis solfège et traditions l’ont lassé : « Avec la guitare électrique, j’ai pu me libérer de ce carcan pour mieux composer du trip-hop et du post-rock. »

Quand je lui demande de définir son style musical, Weith éclate d’un rire mi-amusé, mi-embarrassé. C’est qu’il est en constante évolution et difficile à étiqueter. L’artiste déploie en effet sa musique sous de multiples facettes. Toutes les productions signées sur le label BrainWaves sont des titres qui « tabassent », comme le dit si bien l’artiste lui-même. Mais ses premières amours électroniques lui viennent de l’ambient.

Weith se démarque ainsi avec des compositions parfois faussement lentes, comme le titre aérien Here Weith Go Again : « D’ailleurs, la musique rapide commence à m’ennuyer », raconte-t-il, « et je sens que je vais vite revenir aux sources. » Il ne cache pas qu’un éventuel retour des clubs pourrait raviver son appétit pour des rythmes plus violents : « Je ne dirais pas que je suis en manque de club ou de scène. C’est vrai que produire des sons dansants sans pouvoir les jouer en club n’a pas beaucoup de sens. Mais jouer les pépites des autres, voilà ce qui me manque. » Le titre a été repéré par la chaîne YouTube Ballacid, tenue par Balla Zoltan, un Hongrois qui partage les titres qu’il estime être des trouvailles de musique électronique.


Faire danser le cerveau


Avec Doomsday, l’artiste explore donc cette veine ravageuse que l’on pourrait entendre en rave. Sept titres qui claquent, qui ne passent pas par quatre chemins. Des ambiances délétères et obscures, un groove dérangé, d’une efficacité redoutable. Des claques qui ne sont pas passées inaperçues. On citera par exemple Jensen Interceptor, un artiste australien
qui cartonne et qui n’a pas hésité à reprendre Weith dans l’un de ses DJ set. Un album qui est aussi le fruit d’une belle collaboration avec les autres artistes du label BrainWaves (notamment un superbe remix d’Hermeth).


Ce label, il l’a créé avec ses proches ; une fratrie de potes liée par le goût des sons éclatés, puissants. Le nom du label est un dérivé du terme « braindance ». Un mélange de techno acide, de drum&bass et de rythmiques déstructurées qui définit bien le son novateur du crew. Ce style particulier est porté par des artistes tels que Shinra, D’Arcangelo ou le nordique EOD, tous liés par le label espagnol Analogical Force. Un modèle pour Weith.

Finalement, on en revient toujours à la musique avec lui. C’est elle qui est au centre de sa démarche : « Je ne produis pas des morceaux pour obtenir le succès. Si ça arrive, tant mieux, mais ce n’est pas pour ça que je travaille », dit-il avec honnêteté. « Exercer la médecine en gardant la musique comme hobby me rendrait tout aussi heureux. » Weith se trouve actuellement dans une période creuse, entre deux contrats de médecin pour les HUG. Une fenêtre idéale pour la création ; un futur EP est en préparation pour un label anglais, Brokntoys. La certitude d’entendre des morceaux réfléchis, composés par un artiste qui s’efface pour qu’on l’entende.

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