100Elles* : les femmes* dans l’espace public !

Illustration réalisée par l'artiste Ginevra Mandelli.

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes*, le 8 mars dernier, plusieurs collectifs féministes ont rebaptisé certaines rues au nom de l’égalité. C’était le cas à Zurich notamment, ou encore à Sion. Si ces actions font réagir, elles permettent d’ouvrir le débat en interrogeant la place des femmes*[1] dans l’espace public, et ce à plusieurs égards. Entre les villes de Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, par exemple, seules sept rues portent des noms de femmes*, contre 108 pour les hommes[2]. Qu’en est-il de la situation à Genève ? Un projet mené en partenariat avec la Ville de Genève par l’association féministe l’Escouade, connue notamment pour ses clitoris à la craie, souhaite œuvrer pour un changement. Rencontre avec Myriam Gacem, membre de l’association.

La situation à Genève

Dans le Canton de Genève, 548 rues portent des noms d’hommes, contre 41 en ce qui concerne des noms de femmes*. Ces statistiques frappent par leur déséquilibre et soulèvent de nombreuses questions. D’abord, qui choisit les noms donnés aux rues qui honorent des personnes[3]? et quels sont les critères d’éligibilité ? Les noms de personnes inscrits sur les plaques de rues du Canton de Genève sont choisis par le Conseil d’État sur proposition des communes et suite au préavis favorable de la Commission cantonale de nomenclature[4]. Deux critères sont retenus : il faut que la personnalité désignée ait marqué l’Histoire du Canton de manière pérenne, et que cette personnalité soit décédée depuis dix ans au moins.

Ensuite, compte tenu de ce qui vient d’être énoncé, quelle est l’implication symbolique d’une telle représentativité ? En effet, si l’on considère les statistiques à l’aune des critères susmentionnés, l’on pourrait croire que peu de femmes* ont marqué l’Histoire du Canton. Toutefois, et c’est ce que souligne l’Escouade, les femmes* ont été oubliées, voire invisibilisées.

Le projet 100Elles*

Ainsi, 100Elles*, le nouveau projet de l’Association, traite deux axes principaux. Le premier porte sur l’inclusion et la visibilisation, puisque les femmes* choisies représentent différentes origines ethniques, orientations sexuelles, classes sociales, et métiers. Le second, quant à lui, témoigne d’une volonté d’inscrire les femmes* dans l’Histoire du Canton de Genève. À cet effet, un groupe d’historien.ne.x.s[5] de l’Université de Genève y contribue en effectuant un travail d’envergure qui lui permet d’écrire, avec la participation d’étudiant.e.x.s de la Faculté des Lettres[6], 100 biographies, en français et en anglais, correspondant à chacune de ces femmes*. À l’issue du projet, les bibliographies trouveront une place au Département de Nomenclature, et seront par ailleurs publiées au sein d’un recueil.

Dès lors, le projet rend hommage à 100 femmes* en disposant des plaques de rue dans dix quartiers genevois. Ces plaques, de couleur violette, financées par l’Agenda 21 et la Ville de Genève, seront, pour la plupart, fixées au-dessous des plaques actuelles. Elles conserveront leur place pendant un an, jusqu’en juin 2020. Si le projet invite à porter un regard différent sur l’espace public, il encouragera peut-être un changement décisionnel en ce qui concerne de futures plaques.

Inauguration

L’inauguration aura lieu ce jeudi 14 mars dans le quartier des Grottes, devant l’Université Ouvrière. Une performance artistique sera proposée par Julia Botelho, Lynn Briggs et Alexandra Salem. Mesdames Sandrine Salerno, Conseillère administrative de la Ville de Genève, ainsi que les historiennes Laure et Myriam Piguet prendront la parole. La soirée se poursuivra à la Gravière – Live Club pour une soirée NoctamBar X l’Escouade avec Mighty, nG et $el, suivies de miss sheitana b2b ven’3mo. Par ailleurs, il importe de mentionner que l’identité visuelle de la communication a été réalisée par Irène Froidevaux, membre de l’Escouade. Quant à l’illustration, celle-ci a été créée par l’artiste tatoueuse et illustratrice Ginevra Mandelli.

Dès le 14 mars, et ce chaque quinzaine, dix nouvelles plaques seront apposées dans un quartier différent. Des visites guidées, gratuites et ouvertes au public sur inscription, seront offertes par des guides. La première se tiendra le dimanche 24 mars dès 14h dans le quartier des Grottes, afin de découvrir les dix premières plaques, ainsi que les biographies des femmes* présentées. Le destin des plaques violettes, une fois ces dernières enlevées, n’est quant à lui par encore scellé.

[1] :      L’astérisque à femmes* renvoie à l’acronyme anglais MOGAI – « Marginalized Orientations, Gender Identities and Intersex ».

[2] :      Source : Arcinfo, https://www.arcinfo.ch/articles/regions/canton/elles-sont-rares-les-femmes-a-avoir-donne-leur-nom-a-des-rues-neuchateloises-79493.

[3] :      Il convient de souligner que les noms de rues qui honorent des personnes représentent moins d’un quart des rues du Canton.

[4] :      Source : http://www.ville-geneve.ch/themes/environnement-urbain-espaces-verts/monuments-fontaines-plaques/plaques-rues/.

[5] :      Le groupe d’historien.ne.x.s est composé des personnes suivantes : Laure Piguet, Daniela Solfaroli Camillocci, Myriam Piguet, Sarah Scholl, Anne-Lydie Dubois, Caroline Montebello, Pamela Ohene-Nyako, Jade Sercomanens, Roland Carrupt, Annick Morard et Mathilde Sigalas.

[6] :      Les étudiant.e.x.s de la Faculté des Lettres de l’Université de Genève impliqué.e.x.s dans la rédaction des biographies : Bianca Cesura, Pauline Debbiche, Nelson Amici, Nicolas de Felice, Ekreme Qazimi, Alexandre Romi, David Simon, Jéromine Roth et Nikita Schweizer.

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