Acrobatie solaire avec Renato Dias

Bertil Nilsson

Café Remor. Fin avril. Trois jours avant son départ pour Montréal, où le Cirque du Soleil l’attend, le trapéziste Renato Dias se confie pour EPIC sur sa vie de circassien et son lot de sacrifices.

C’est un véritable rêve « à la suisse » que vit Renato Dias depuis près de 10 ans. Le jeune meyrinois d’origine, âgé aujourd’hui de 24 ans, a un véritable déclic pour le monde du cirque, lorsqu’il voit le numéro d’une femme clown au cirque Knie : « Ça m’a tout de suite fait rêver ! », s’exclame le jeune homme. Les choses sérieuses commencent à ses 14 ans, lorsque le futur trapéziste s’initie à des cours extrascolaires. « Je faisais déjà de la danse à mes 6 ans et j’ai toujours aimé le monde de la scène, mais j’avais trop envie d’aller dans les airs », explique Renato Dias. Malgré un gros problème de vertige, Renato décide de se lancer, et de prendre des cours de manière régulière, avant de rejoindre la troupe de l’école de cirque de Confignon.  Jusqu’à ses 18 ans, les entraînements n’ont fait que s’intensifier, allant jusqu’à dix-huit heures par semaine en parallèle de ses études, avec un attrait particulier pour l’acrobatie.

Décider de se professionnaliser, un choix difficile

Après des études en social à l’ECG, Renato a dû se demander s’il voulait, ou non, suivre une carrière professionnelle en tant que circassien. « On sait que les conditions dans ce domaine sont dures. Avant de véritablement me lancer à corps perdu dans cette voix ça a été un processus très long », raconte le meyrinois, « c’est plus qu’un métier, c’est un mode de vie et une passion. Le trapèze a été pour moi une révélation. » La décision est prise : l’artiste décide de postuler à Montréal et à Londres, où le programme et les débouchées étaient les meilleures. Difficile de rester en Suisse pour Renato, les perspectives professionnelles et la reconnaissance étant trop éloignées de ses inspirations: « et à 18 ans, pouvoir partir à Londres pour pratiquer ma passion, c’était quand même un rêve. »

C’est à Londres, à la National Centre for Circus Arts que Renato décide d’aller étudier. Trois années intenses et remplies de remises en question. « Cette école nous fait tester beaucoup de choses et nous poussent vers plein de directions, ce qui était déstabilisant mais aussi très enrichissant». Ces différents essais lui ont fait découvrir le trapèze danse, qui lui permet de faire aussi des mouvements au sol. Car le trapèze se décline en une multitude de formes : le trapèze volant, ballant, fixe, Washington et le trapèze danse, petit nouveau dans ce domaine. « mais c’est une discipline qui devient hyper populaire », précise le jeune homme.

En 2017, Renato fini son bachelor (un des seuls reconnus dans le domaine du cirque) dans la capitale anglaise. Le manque de débouché qui faisait peur au circassien au début s’est avéré infondé. Le trapéziste enchaîne depuis presque deux ans différents projets. Il débute sa carrière avec la compagnie Upswing, tout en donnant des cours et des corpos (projets mélangeant cabaret, cirque et événementiel). Une période dense, qui s’est directement suivie par un travail dans un hôtel à Marrakech : un milieu « très strass et paillettes, mais j’ai adoré ! », s’enthousiasme Renato.

Le cirque, une pratique dévalorisée ?

« J’ai aussi fait une tournée avec le cirque Monti, c’était super intense ! On a fait 126 spectacles en seulement 4 mois, et quand on n’était pas en représentation on montait et démontait le chapiteau, on voyageait », raconte Renato, « c’est assez proche de ce que les gens imaginent, mais c’est quelque chose qui est de plus en plus rare dans la profession ».

Bien loin d’être uniquement le cliché gravé dans l’imaginaire collectif, le cirque se modernise et se pluralise. Les perspectives de travail se multiplient : « une de mes profs a bossé sur le tournage du film de Dumbo par exemple », explique Renato. « J’ai personnellement travaillé début 2019 lors de la Fashion Week de Londres pour Burberry pour la sécurité des danseurs. On ne se rend pas compte à quel point les circassiens sont présents dans des domaines hyper variés ». Le principal problème du cirque pour Renato : un manque de reconnaissance de manière générale. « J’aimerais que ce soit reconnu comme la danse ou le théâtre, mais on en est encore loin malheureusement », déplore le jeune homme.

Une profession encore trop peu valorisée et pourtant, le parcours de Renato Dias prouve la richesse non seulement artistique, mais aussi créative de ce milieu. Le cirque contemporain est encore méconnu, bien qu’il fasse peu à peu sa place dans la programmation de certains théâtres genevois.

 Un avenir sous le soleil

C’est début 2019 que Renato reçoit le coup de fil inespéré. Le Cirque du Soleil basé à Montréal le veut pour sa nouvelle création, avec un numéro de trapèze solo. « J’ai du mal à réaliser pour être honnête, c’est une chance de malade qui m’est proposée, avec la dose de pression mais surtout de visibilité qui va avec », raconte Renato. « Quand tu passes par le cirque du soleil, toute l’industrie sait qui tu es ». Départ pour deux ans, entre Montréal, Barcelone et Bueno Aires.

Commencer par un cours extrascolaire « pour le fun » à Confignon, pour terminer 10 ans plus tard au Cirque du Soleil, c’est le rêve « à la suisse » que vit Renato Dias. Un rêve semé de sacrifices et le résultat d’un travail acharné.

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