Avec Phanee dans la swinging Pool

(c) Yann Zitouni

Hologramme dans les bacs, Phanee de Pool débute une tournée en Suisse romande. De Paris à Saignelégier en passant par Genève, on s’attrape à la gare : au milieu des gens qui partent, qui arrivent ou qui trainent, je veux suivre son rythme de dingue, calme et jovial, avec l’envie de ma balader avec elle dans son – super – premier clip, pour « Des miettes sur le canapé ».

A part un tatoo sur ton dos, qu’est-ce qui est gravé dans ta peau ?

Comment tu sais que j’ai un tatoo sur le dos, déjà ? (Rire)

Ça se devine sur la pochette de ton disque.

C’est la seule scarification que je me suis autorisée. Je l’ai fait à New-York il y a trois ans. Il évoque une rencontre, une belle période et des beaux souvenirs. Mais j’ai eu tellement mal que j’en ferai jamais d’autre, et un ça suffit : j’ai ce côté un peu compulsif, et je dois aussi réussir à dire stop à quelque chose (rire).

Y a-t-il aussi des émotions qui s’impriment sur ton corps ?

Je suis une hypersensible, donc à peu près tout se grave dans ma peau. J’ai vécu il y a six ans l’enlèvement d’un membre de ma famille au Mexique. Ça m’a énormément chamboulée et ça a fait quelque chose en moi : j’arrive pas dire quoi exactement, mais c’est un truc auquel je pense très souvent et qui me suit, même si on a digéré ça. Ça a le même impact qu’un tatouage : au bout d’un moment, tu le vois plus, mais c’est là.

Tu écoutes quoi ces temps ?

Un peu de tout. Pas mal de nouvelle scène française : Feu Chatterton, Camille, Radio Elvis, Tim Dup… Je fais la sauterelle d’un style à l’autre.

Fanny est flic : Phanee a peur de rien ?

(Rire) Non : Phanee a peur de beaucoup de choses ! De la scène, déjà, parce que je suis une grosse traqueuse, et de l’éphémère aussi : les choses qui ne durent pas me paniquent. Les amitiés : quand tu rencontres une belle personne mais que ça se fait pas parce que deux chemins se séparent, ça me crève le cœur. Et Fanny a eu peur de beaucoup de choses, c’est pour ça que j’ai quitté le métier : j’ai rendu mon arme la semaine passée. Dieu sait que le job est beau et que les gens qui le font ont du mérite, mais ceux qui tiennent et qui le font avec amour le font par vocation. C’était pas la mienne : pour moi, c’était comme une prison.

Je me demandais si « Des miettes sur le canapé » raconte en creux la beauté de ce qui n’est plus, ou si c’est une balade dans un champ de ruines. Ton rapport à l’éphémère me fait deviner une réponse : c’est plutôt dramatique ?

J’aime pas utiliser ce mot. Ce que je veux faire, c’est cracher du cynisme avec le sourire. Je me suis rendu compte que tout ce qui est négatif –  le monde qui part en couilles, un amour qui se termine, perdre un job et caetera – c’est des choses qui arrivent. Quoi qu’on en fasse, c’est là. Donc j’essaie de faire ça avec le sourire.

Les doigts d’Adam, de Dieu et de Michel-Ange qu’on voit sur la couverture d’Hologramme, ça t’évoque quoi ?

Il y a plein de raisons à cette photo. D’abord, c’est ma naissance à moi aussi. C’est dans un hôtel à Florence, ma meilleure amie l’a prise à mon insu quand j’étais à genou sur le lit pour regarder cette pâle copie dans un cadre rococo à frou-frou collée au mur en me disant : « comment un tableau peut résumer la création d’un homme ? »Ça m’a impressionnée, un tel focus sur une petite chose ! Cette photo dit aussi que je suis candide et naïve : sur l’album, ça met en avant le contraste entre cette image hyper connue, qui a une immense histoire, et cette gonzesse en t-shirt qui regarde, genre : « mais qu’est-ce que c’est ? »

Hologramme, c’est le fruit de combien d’années d’écriture ?

Neuf mois. J’écrivais le soir, la nuit, le matin avant d’aller bosser… Puis du moment qu’il est sorti jusqu’à il y a trois semaines, j’ai eu un immense baby blues : plus moyen d’écrire, rien qui venait. Le black total ! Mais c’était cool d’un côté : j’ai pu me concentrer sur le live, sur la promo qui venait, et sur plein d’autres choses… Rien n’arrive par hasard.

Tu écris tous tes textes, toutes tes musiques, tes arrangements, tes instrus ?

Oui : sur un clavier 25 touches. (Rires)

« Luis Mariano », c’est la plus autobiographique ?

Ouais, « Luis Mariano », je l’ai presque vécue. À une époque, j’avais presque rien : pas de thune, frigo vide, pas de job. Envoyer des dossiers dont personne ne veut, péter du papier bulle à longueur de journée en fixant le mur… tout ça, je l’ai fait.

Tu vas puiser où les sujets de tes chansons ?

Partout : je chope des bouts de phrases et je les note. Ça peut être un truc entendu à la radio, une citation sur une carte du jour, une mère qui engueule son gosse… Ce matin, j’ai entendu : « Oui mais votre truc, c’est du plastique mastoc ». Tac ! ça pourrait se retrouver dans une chanson. Après, quand j’écris, il me faut du calme et une guitare, et quand ça commence à venir, ça vient assez vite.

C’est assez des punchlines…

Oui, j’adore ça ! Je passe des heures à réfléchir à comment tourner une phrase, comment commencer un mot et finir avec un autre : faire des Rubik’s Cubes de mots.

 

Il y en a plein : « Tu n’es pas tout je ne suis pas rien », ou encore : « Y avait trop d’eau dans le gaz et pas assez dans le vin ». Mais avant ça, les notes pétillent une longue intro dans la féérie d’une ambiance entre deux, douce et grave : « Y’avait des miettes sur le canapé » et comme du sable dans les rouages. Je me pose et ça gratte : c’est cassé, je me barre. Etat des lieux d’un champ de bataille après l’explosion.

Comment le vin tourne au vinaigre en un claquement de doigts ?

Du moment qu’il y a deux personnes.

L’histoire aurait pu repartir autrement, avec un peu d’eau dans le vin ?

Pour moi, une phrase comme celle-ci est crachée pour parler en deux temps : t’as la première écoute, où tu vas entendre les paroles comme elles sont, puis après, tu peux aller chercher dans les subtilités.

« Y avait du vent dans les marronniers qui faisait danser les feuilles, dorées par la fin de l’été, pendant que les tempêtes en mer jetaient les vagues sur les rochers et que les poumons de son coeur buvaient la tasse à sa santé » !

De nouveau, là, t’as mon rapport au temps qui passe. Le facteur temps est très présent dans plusieurs chansons :« Toutes les minutes »« J’aurai le temps »

Et sur un ton très descriptif, en mode recensement ?

Oui : je suis pas une porte-drapeau, j’ai pas les mots pour m’impliquer politiquement et j’ai aucune envie de donner des leçons. Tout ce que je peux faire, c’est clamer ce que je vois.

Voix douce, musique pétillante, tempérament posé et sentiments hyper violents. Tu serais quoi dans des éléments déchainés ?

Je serais un orage, parce que ça regroupe plein de choses : t’as le vent, t’as la pluie, t’as l’éclair, t’as le le bruit. T’as l’odeur aussi, quand t’as la première pluie sur l’herbe et sur le béton chaud.

Donc tu serais ce qui déchaine tout ?

Non, pas forcément : ce qui fait du bien aussi, parce que ça fait retomber une putain de pression, un orage. Je serais l’orage global : je m’en fous duquel, mais je serais l’orage.

« Des miettes sur le canapé », c’est le calme après la tempête ?

Ou la tempête après le calme, vu qu’elle est montée à l’envers. Tout est imagé mais rien n’est dicté : on interprète selon l’humeur. Y a peut-être aussi le message que quand tout se casse la gueule, quelque chose de beau peut arriver derrière. La chanson, je la vois comme ça : les valises sont prêtes de madame qui se casse, monsieur lui lance un truc dans l’escalier, elle l’ouvre, c’est une demande en mariage.

“Rien à signaler, si ce n’est une évidence qui crève l’écran : Phanee de Pool a un charisme incroyable donc ça a été très facile de la filmer et de la faire jouer. Le courant est immédiatement passé. Son enthousiasme très communicatif a aussi motivé l’équipe lors d’un tournage intense et relativement violent. On prépare un deuxième clip pour fin janvier, qu’on espère encore plus novateur et percutant !” (Ludo Jaccard, Imajack)

C’est Ludo Jaccard qui a tourné le clip. Vous avez bossé ensemble sur le scénario ?

Oui. Je voulais faire du rewind et de la slow motion, un peu pour qu’on s’y perde : le clip dans un sens et la chanson dans l’autre. Quand j’ai proposé le truc à Ludo, ça a direct matché, il a dit : « oui, je veux ». Il nous a fait des propositions et c’est parti, ça a été super limpide.

Qui sont les personnes qui étaient là au tournage ?

Laurent Diercksen, c’est mon père, qui a créé le label Escales Productions pour Phanee de Pool.Stéphanie Pahud et Fred Valet – qui est devenu entre temps mon manager – jouent dans le clip. On était très nombreux : il y avait aussi toute l’équipe d’Imajack. En janvier 2018, je tourne avec eux le clip de Luis Mariano ; cette fois, c’est carte blanche à Ludo, ça va être cool !

On peut avoir des infos en primeur ?

Il y aura un frigo. (Rires)

 

Concerts, tournage de son prochain clip, festivals… les prochains mois de Phanee sont bookés. Ces prochaines semaines, après une soirée à Paris, elle chante dans des salles romandes, petites, comme elle les aime, pour le rapport avec le public.

Quelles artistes rêves-tu d’inviter ou de rejoindre sur scène ?

J’aurais kiffé partager un plateau avec Henri Salvador ! Malheureusement, c’est un peu tard… C’est un gars qui m’a toujours fait rêver et qui m’a accompagnée dans mon évolution musicale depuis très petite. Et dans l’actuel, si je pouvais faire une première partie de Camille, je dirais pas non ! (Rires)

Monter à Paris, c’est encore un rêve pour une musicienne ?

Ah carrément ! J’y ai pensé pendant tout le concert : « ‘tain ma vieille, tu joues à Paris ! »

(c) Cassiopée

Que peux-tu nous dire de tes projets à venir ?

Plusieurs scènes début décembre, puis Cœur à Cœur à Fri-Son, pour la chaine du bonheur, avec Pegasus et Züri West. En janvier 2018, on tourne le deuxième clip. On va aussi sortir Hologramme en vinyle. En mars prochain, je chante à Voix de Fêtes à Genève. J’ai aussi des idées et des pistes de collaborations, et il y a plein de belles choses qui se préparent mais comme c’est pas encore fait, je préfère ne pas en parler plus…

Bientôt des dates en région lémanique, tu les sens comment ?

Hyper bien ! Je me réjouis. Surtout quand tu sais que c’est déjà plein ! On va probablement rajouter un concert dimanche soir à l’Ancre Bleue.

Composition, studio, écriture, tournage, concerts… quels sont les moments que tu préfères ?

Scène, assurément. Je la réapprivoise après six ans de pause, en reprenant la musique, j’ai dû refaire mes marques sur scènes. C’est la plus belle des redécouvertes ! J’ai envie de crever sur scène.

Ça tombe bien parce que c’est un peu l’avenir de la musique, non ?

Je crois, et puis on a des belles propositions : treize dates en Chine l’année prochaine avec trois autres artistes francophones, c’est plutôt pas mal !

Tu vas revenir en vraie pro de la scène !

Et bridée surtout ! (Rires)

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Phanee de Pool sur scène en Suisse romande :

07.12.17 La Parenthèse (Nyon)

08.12.17 L’Ancre Bleue (Sézenove)

09.12.17 L’Ancre Bleue (Sézenove)

19.12.17 Fri-Son (Fribourg, avec Pegasus et Züri West)

17.01.18 Bleu Lézard (Lausanne)

Mars 2018 Voix de Fêtes (Genève)

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