L’heure est grave pour la culture. Comme nous le rappelions dans notre récent édito, le secteur culturel ainsi que les acteurs qui le font vivre ont subi de plein fouet les décisions politiques relatives au coronavirus. Sans concert, festival, exposition, spectacle, répétition, ou encore projection, le monde culturel se voit privé de la majeure partie de son activité. Fort heureusement, grâce à la magie d’internet, la culture se réinvente vite et souvent de manière assez étonnante. Pour célébrer notre culture 3.0, EPIC a décidé de lancer une série d’articles consacrés à différentes initiatives culturelles qui fleurissent ci et là afin de faire rayonner le patrimoine artistique de notre chère Suisse romande… le tout depuis chez soi.
Thomas Florin, musicien jazz
Thomas est pianiste jazz, il a sorti un album fin février et avait prévu une tournée de concerts au Japon directement après. Avec un début d’année relativement pauvre en concerts, il comptait sur la période mars-avril pour relancer la machine. « Cette interruption pour cause de virus enlève la principale finalité de pourquoi je bosse », explique-t-il, « sortir un CD c’est cool, mais c’est une “bonne excuse” pour proposer de nouvelles choses et vendre de l’actualité… Là j’ai un album qui sort dans le vide ». Pour combler ce vide, le pianiste a tenu à garder virtuellement le contact avec le public, « je me suis vite dit qu’il fallait que je trouve une routine, j’ai décidé de faire chaque jour un petit concert d’une demi-heure diffusé sur Facebook ». Une activité qui lui permet de pratiquer le piano tout en ayant un public virtuel à ses côtés. « Je me fais des contraintes, des improvisations, des réinterprétations, etc., cela me permet de me forcer à jouer en instaurant un petit rituel quotidien », explique-t-il. Seul point faible, une connexion internet limitée et un débit internet sur Facebook qui péjorent la qualité du son que le public reçoit. Point positif en revanche : les voisins ne sont pas encore venus interrompre son live.
Sylvain Mayoli, musicien folk/pop
Selon Sylvain, mieux connu sous le nom de Journeyman, la situation actuelle de (semi-) confinement ne diffère pas tant d’une partie de son travail en tant que musicien. « En soi, cela correspond à mon travail en studio, à mon processus de création et à la gestion de mon site et des réseaux sociaux, à une partie de que je fais habituellement. Toutes ces tâches, c’est déjà beaucoup de confinement » ironise-t-il. La première semaine de confinement a beaucoup touché Sylvain : « je me suis rendu compte que j’étais, comme beaucoup, stressé par les infos, par les médias et par toutes les nouvelles qu’on voit sur Facebook. Je me suis alors recentré sur ce qu’on peut faire pour l’instant, c’est-à-dire pas grand-chose d’autre que se reposer et prendre soin de nous ». Pour le guitariste, cette prise de recul passe évidemment par la musique. En voyant d’autres artistes streamer des lives sur les réseaux sociaux, Sylvain s’est décidé à faire de même. Après un premier live d’une heure et demie et de nombreux retours positifs, il se tient désormais à un live par jour, parfois avec une guitare électrique, parfois une guitare sèche. « J’essaie d’écrire un nouveau titre par jour et de faire durer mes lives assez longtemps. Cela demande un certain travail ainsi que de savoir se renouveler. C’est un bon moyen pour avancer et rester actif malgré la situation actuelle », explique-t-il. Sylvain voit les possibilités offertes par les réseaux sociaux comme un pont entre la maison et le live et une occasion d’être « confiné avec du public ». Inutile de dire que, tout comme Thomas, il compte poursuivre les lives jusqu’à la fin du confinement.
Mélanie Chappuis, auteure
Pour Mélanie Chappuis, auteure genevoise, le confinement ne change aucunement la phase de création de texte : « en tant qu’écrivain·e, on écrit seul·e, coupé·e du monde, la plupart du temps ». La difficulté actuelle réside plutôt dans la gestion de la famille : les enfants, leurs devoirs, les repas à préparer. « Après la phase de création, il y a la phase de naissance au monde du livre que l’on a écrit… Et là, d’habitude, on en profite pour revoir nos amis, pour faire un vernissage festif, des dédicaces qui sont l’occasion de revoir des lecteurs, des journalistes, etc. C’est cette phase-là à laquelle on doit renoncer et c’est assez déprimant, parce qu’on avait déjà eu notre dose de solitude avant » raconte-t-elle.
C’est là que Mélanie a décidé d’utiliser les réseaux sociaux pour éviter cette solitude si inhérente au travail d’écrivain·e. « Ma parade, ma solution ça a été de retrouver mes amis lecteurs sur les réseaux sociaux, en leur proposant ce que je fais habituellement : des lectures publiques de mon dernier roman. Là, je lis mes derniers textes, tous les jours ou tous les deux jours et je retrouve cette chaleur humaine, beaucoup moins virtuelle que prévu, par internet ». Et cette nouvelle forme de partage artistique réserve elle aussi son lot de retours positifs : des lettres reçues, des discussions par la messagerie privée ou de simples commentaires laissés en dessous des vidéos. « J’ai même un lecteur fromager qui m’a envoyé des fondues en échange de mon livre ! » s’exclame-t-elle.
Stéphane Cavi, artiste modulaire
Stéphane, alias Boodaman, s’estime quant à lui très chanceux dans la crise actuelle, car il n’est pas impliqué à 100% dans sa passion et possède un emploi en dehors du domaine artistique. Pour lui, le confinement comporte tout de même un avantage : le temps. « J’ai une chaîne YouTube où je fais de la vulgarisation et je donne des conseils concernant les synthés modulaires, j’ai souvent des sollicitations pour traiter de tel ou tel sujet, mais je n’ai jamais le temps de me pencher dessus », confie l’artiste. « Puisque je reste chez moi et que je suis pour le moment au chômage technique, j’en profite pour présenter mon travail et répondre aux questions lors d’un live ».
Une première pour lui, qui n’a pas pour habitude de se présenter lui et sa musique sous cette forme. Et même si cela reste underground, Stéphane est satisfait du retour de son public et compte réitérer l’expérience prochainement, du moins si le confinement se prolonge !
Comme vous pouvez le constater, cette période de confinement est une belle occasion pour les artistes de repenser le partage artistique avec leur public, notamment grâce au live sur les réseaux sociaux. Au contraire des générations précédentes, nous avons la chance d’avoir internet et de pouvoir continuer à dialoguer, partager, écouter et voir des expériences culturelles. Nombreux sont les artistes qui continuent malgré tout à faire vivre la culture locale, alors fais comme nous : soutiens ta culture locale !