HANGAR 9

Rétrospective – Plante un poète!

Il est de ces instants propices à l’émerveillement. Alors que la Cité sarde, enveloppée dans un manteau de brume automnale s’assoupit, il nous est promis une déclaration d’amour en quatre dimensions. Au bout de la rue du Tunnel, Hangar 9 se laisse deviner au bruissement timide parvenant à nos oreilles. C’est dimanche soir et nous allons assister à Plante un poète!, une performance réalisée au Centre d’Art Contemporain de Genève en 2013, réadaptée spécialement pour l’occasion. Devant le hangar, les curieux se rencontrent. Une main se promène furtivement parmi grogs et tartes aux pommes, se saisissant délicatement d’une main, puis d’une autre, et enfin de la nôtre pour nous inviter, l’un après l’autre, à vivre une expérience transcendantale. Une fois le rideau coruscant franchi, émerge à nos yeux un microcosme poétique étonnant. L’espace est divisé en quatre parties, “quatre” comme les dimensions de cette déclaration, “quatre” comme le nombre d’étapes du voyage intérieur : nous nous rencontrons à travers l’autre, cet autre avec lequel un constant équilibre est recherché, cet autre qui nous séduit par son chant d’amour, cet autre dont les mots envoûtants sont projetés sur les murs du hangar. Le temps à l’intérieur est distendu, dilaté, étiré jusqu’à la transparence, une presque inexistence : il ne s’écoule plus. Cela n’a pas d’importance. Et puis le rideau s’entrouvre, une dernière fois, laissant le hangar s’évanouir silencieusement dans un ultime frémissement.

Hangar 9, le projet

Derrière le projet Hangar 9, Matheline Marmy et Julie Marmet s’investissent pour donner vie à cet espace qui connut nombre d’occupants avant elles. Ce qui les a séduites, hormis l’histoire du lieu, relève précisément de l’idée de non-détermination : dans un hangar, tout peut être entreposé. Elles tiennent ainsi à conserver cette identité mouvante en favorisant la diversité au sein de ce véritable laboratoire de création. D’ailleurs, il est demandé, aux artistes invités à exposer, de collaborer avec une personne de leur choix, permettant alors la formation d’une chaîne. Quant à la nature des œuvres, les artistes décident soit de présenter des pièces issues d’un projet préexistant, soit d’innover en suivant la ligne directrice suggérée par l’esthétique du lieu lui-même. Le mot d’ordre étant la libre expérimentation.

Si Matheline évolue dans un univers artistique, celui de la photographie, et Julie souhaite faire dialoguer les formes revêtues par la création artistique avec des questions liées aux Sciences politiques, le besoin de mener à bien un projet hors du carcan estudiantin est apparu comme une évidence. Amies puis colocataires, culture et création ont pu être discutées longuement, ce qui leur a permis d’asseoir ce projet en juillet 2014. Par la suite, l’envie d’établir leurs quartiers les a menées à trouver un accord avec le propriétaire : il sera possible pour Hangar 9 de s’épanouir jusqu’à la destruction du site prévue pour le premier trimestre 2016.
Près de six mois après le lancement du projet, le bilan est plus que positif : à vingt-deux ans, les fondatrices, poursuivant leurs études en parallèle, sont ravies de pouvoir proposer un événement bimensuel sans aucun soutien financier. Collaboration, motivation et audace, une formule séduisante qui fonctionne ! À noter que l’identité visuelle du projet est parfaite par Jean-Marie Fahy.

Le 7 septembre dernier, en coproduction avec Drone To The Bone, l’espace accueillait Josef van Wissem, talentueux luthiste qui a notamment réalisé la musique d’un film de Jim Jarmush (Only lovers left alive, 2013) et fut récompensé par le très prestigieux prix cannois de la meilleure musique originale de film. En première partie, Goodbye Ivan, qui définit son art en ces termes “cinématographique et mélancolique, un melting pot qui provoque à la fois larmes et destruction de meubles”, a su hypnotiser le hangar.
Le projet se réinvente inlassablement, caressant des idées nouvelles : à l’occasion de Spray+, une mixtape a été créée pour le vernissage, participant ainsi de la transfiguration de l’événement. À la suite de cette initiative, une plateforme Soundcloud a vu le jour.

L’avenir ?

Le projet Hangar 9 survivra à la destruction du hangar, c’est certain. Des idées, elles en ont. Une myriade. Il est possible que le concept soit hébergé ponctuellement dans un lieu choisi en attendant qu’un nouvel espace soit investi : l’heure est à la réflexion.
D’ici-là, sera accueillie le 27 novembre prochain une exposition de Martin Jakob (diplômé de l’ECAV en 2012) en collaboration avec Jérémy Chevalier.


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