Le piano partagé

À l’occasion de la 3ème édition « Pianistes en Scène », Oana Dinea, instigatrice du projet, nous raconte comment elle en est venue à organiser ces soirées de concerts. Convivialité, humanité et virtuosité sont les maîtres-mots de ces soirées rassemblant des pianistes talentueux, avec comme invité pour cette 3ème édition le brillant Paul Coker, pianiste d’exception et professeur à la Haute École de musique de Genève.

Salut Oana, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Oana Dinea, j’ai 29 ans, je suis née en Roumanie, à Cluj-Napoca. Je suis professeure de piano au Conservatoire Populaire de Musique de Genève et à l’École Sociale de Musique de Lausanne.

Comment en es-tu venu au piano ?

J’ai commencé à sept ans en Roumanie, mes parents ne viennent pas du tout du monde de la musique et n’étaient pas très motivés à l’idée que leur fille se mette à faire du piano. Finalement, mon père m’a emmené à une école de musique pour une audition et j’ai été admise. En 2007, je suis arrivée en Suisse et j’ai été prise à la Haute École de Musique de Genève, où j’ai suivi un Bachelor avec Elisabeth Athanasova. J’ai ensuite eu la chance de suivre les cours de Dominique Weber dans le cadre d’un Master Concert, puis de poursuivre avec un second Master, en pédagogie musicale, toujours avec Dominique Weber. Aujourd’hui, j’enseigne entre Lausanne et Genève et je donne des concerts en Suisse.

Peux-tu nous présenter « Pianistes en Scène » ?

« Pianistes en Scène », c’est un concert de musique classique qui a pour but de présenter un répertoire pianistique dans ses formes variées. Ce vendredi 9 décembre, ce sera la troisième édition de cette soirée, on joue au Conservatoire populaire à Vieusseux, dans une petite salle de 100 places. Lors de ce concert, nous interprétons des pièces de compositeurs classiques à deux, trois et voire même quatre, sur un ou deux pianos. Nous sommes quatre pianistes à jouer : il y a Valentina Gheorghiu, Dinu Mihailescu, Philippe Boaron et moi-même.

Dès le départ, on est parti dans l’idée de jouer ensemble… enfin par « ensemble », je veux dire à plusieurs sur le même piano. On ne voulait pas faire quelque chose de classique, du style « audition », où chacun joue tour à tour en solo, ce n’était pas du tout l’esprit que l’on voulait donner à ces concerts. On recherche une ambiance différente, les concerts « Pianistes en Scène » ont pour but de rassembler les gens dans une atmosphère plus intime et chaleureuse. On rassemble le public d’un côté et nous, on se rassemble autour d’un même piano.

En parlant du public, est-ce qu’à travers vos concerts, vous visez un public particulier ? Je pense peut-être ici aux jeunes, car le concert est gratuit, avec chapeau à la sortie.

Non pas vraiment, mon but est simplement de partir à la rencontre du public. Lors des concerts, nous cherchons à approcher le public, à partager par la parole et pas uniquement par le jeu. J’essaie d’insuffler une ambiance détendue, un aspect humain, au concert. En outre, j’apprécie que les gens puissent rester après le concert pour discuter à l’apéro.

Concernant la gratuité des concerts, on peut dire que je suis une idéaliste. Je me dis que si les gens ont passé un moment heureux avec nous, ils vont mettre un peu plus. Je tiens à laisser le choix, pour que chacun se sente libre de venir avec ce qu’il a. C’est aussi lié à l’aspect humain du concert qu’on désire de mettre en avant.

Et le public apprécie ?

Oui ! On a eu que des retours positifs. Après la première édition, nous avons été étonnés de notre succès, sachant qu’on avait fait très peu de publicité, seulement du bouche-à-oreille. Je crois que le public apprécie « Pianistes en Scène » pour plusieurs raisons. Premièrement le fait que cela soit les pianistes eux-mêmes qui organisent les concerts. Ensuite le fait qu’il n’ait pas de sponsors et que le concert soit gratuit. Mais ce qui plaît le plus sont les rencontres avec les artistes, puisque les artistes viennent discuter avec le public lors de l’apéro. Et on ne parle pas ici de simplement serrer une main, mais de plutôt d’échanger et de rencontrer peut-être de futurs amis. Comme je l’ai dit avant, je veux mieux connaître mon public, et échanger à la fin des concerts est le meilleur moyen.

Vous avez du succès, vous jouez dans des petites salles, est-ce que tu n’as pas peur qu’un certain élitisme s’installe dans ton public ?

C’est vrai que cela pourrait être le cas, mais pour le moment, j’ai vu un certain brassage entre le premier concert et le deuxième. Je pense que ça dépend de la période a lieu la soirée, et aussi du fait que l’on s’y prend qu’un mois en avance pour tout organiser. Si jamais on en ressent le besoin, on pourra augmenter la cadence des concerts. Mais je préférerais toujours faire plusieurs concerts intimes qu’un seul grand concert peu chaleureux.

Comment t’es venue l’idée d’organiser ces concerts ?

De gauche à droite, les pianistes Philippe Boaron, Valentina Gheroghiu, Dinu Mihailescu, Oana Dinea. ©Oana Dinea
De gauche à droite, les pianistes Philippe Boaron, Valentina Gheroghiu, Dinu Mihailescu, Oana Dinea. ©Oana Dinea

À la base, l’idée vient de moi. C’était en octobre 2015, il y eu ce terrible incendie dans un club de Bucarest. En voyant cela, je me suis demandé ce que je pouvais faire pour aider les gens depuis la Suisse. J’ai eu cette idée de concert pour récolter des fonds en faveur des victimes de l’incendie, via la Fondation Estuar. À ce moment, je me suis dit « mais tu n’es pas organisatrice de concerts », mais certaines personnes ont réussi à me convaincre du contraire. J’en ai discuté avec plusieurs personnes autour de moi, et naturellement, des gens ont rejoint ma cause. Que cela soit les artistes, mes amis, ou le Directeur du Conservatoire de Genève, tous ont porté le projet pour aboutir à la première édition de « Pianistes en Scène », qui a eu lieu finalement en février 2016 à la Salle d’Agostini. Le succès étant au rendez-vous, on a organisé une deuxième édition, en mai 2016, et aujourd’hui on en est à la troisième édition avec le concert de ce vendredi.

Je connaissais les artistes avec que je joue depuis un moment, ce sont de très bons amis. Mais notre point commun est le professeur Dominique Weber. Nous avons tous les quatre à un moment où à un autre suivi des cours avec lui, c’est un peu notre mentor à chacun, il nous inspire à devenir de meilleurs pianistes.

Déjà trois éditions en 2016, est-ce que ce sera le même rythme en 2017 ?

Je ne sais pas, mais l’idéal serait d’organiser quatre ou cinq concerts par année. On a déjà eu de très nombreux retours positifs, et on va prendre notre temps pour développer les prochaines éditions. La cause humaine pourra être mise en avant, comme lors des deux premières éditions, car nous voulons aider les gens dans le besoin, mais nous pouvons tout à fait organiser une prochaine édition simplement pour célébrer une certaine période de l’année, aujourd’hui la période de Noël, mais pourquoi pas Pâques aussi. En plus, on est toujours à la recherche de nouvelles collaborations, avec du chant, de la dance ou d’autres instruments. Le mélange entre les différentes formes d’art m’a toujours attiré et mes amis pianistes adorent l’idée !

Concernant le choix des compositeurs interprétés : est-ce que vous plus recherché la cohérence ou la variété ?

Oui, on veut effectivement qu’il y ait un rapport entre la musique jouée et la cause pour laquelle nous jouons, ou alors en rapport avec la période de l’année. Pour ce troisième concert, nous n’avons pas vraiment de cause humaine, mais vu que nous approchons des Fêtes, nous avons sélectionné un programme plutôt festif. Ce soir par exemple, on commencera avec Chopin, la Polonaise « militaire » op 40 no 1, une pièce rythmée, avec deux pianos et huit mains. Ensuite on interprètera le célèbre Clair de Lune de Debussy, plus lent, arrangé pour six mains (!). On réanime l’esprit festif avec les valses de Brahms et les Danses slaves de Dvoràk, et enfin viendront Schubert et Rachmaninov pour clore le concert.

Parle-moi de votre invité pour cette 3ème édition, Paul Cocker.

Paul Coker, c’est la modestie incarnée, c’est une personne simple. Il ne te prend pas de haut, malgré son talent énorme et sa renommée internationale. Lorsque Philippe Boaron lui a proposé de jouer pour cette troisième édition de « Pianistes en Scène », il a tout de suite accepté. Je crois que le caractère simple et intimiste de ce concert lui a plu. Ça va être génial avec lui, d’autant que ce soir, il ne jouera pas qu’un seul morceau, et on aura tous la chance de jouer avec lui.

Pour cette soirée, vous n’êtes jamais seul à jouer sur un piano. Il y aura toujours quatre, cinq, six ou même huit mains ! Avez-vous adapté les morceaux à votre guise ou choisi des morceaux arrangés exprès pour des pianistes supplémentaires ?

Pour le concert de ce soir, trois pièces que l’on interprète ont été composées à la base pour quatre mains – Brahms, Dvoràk et Schubert – et les trois autres (Chopin, Debussy et Rechmaninov) sont des arrangements faits par d’autres compositeurs ou interprètes. On aime prendre des arrangements non seulement pour découvrir de nouvelles choses mais aussi pour faire connaître au public des pièces qui sont à la base composée pour un piano solo.

Pour les prochains concerts, comment être au courant ? Faut-il réserver sa place ?

Oui, les invitations se font toujours par mail. Pour être au courant, il faut envoyer un mail à mon adresse oanadineaconcerts@gmail.com. C’est moi qui m’occupe ensuite d’envoyer les invitations. Si on est intéressé par le concert, il faut toujours réserver sa place.

La 3ème édition de « Pianistes en Scène » a lieu le 9 décembre 2016 à la Cité Vieusseux. Pour être au courant des prochains concerts « Pianistes en Scène », envoyez un mail à oanadineaconcerts@gmail.com.

Tags sur cette publication
, , , ,

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.