Pere Ubu: un concert fascinant et déroutant

A l’occasion de la récente sortie d’un coffret de quatre LP, Architecture of Language 1979-1982, qui inclut les remasterings de leurs trois albums sortis entre 79 et 82, le groupe d’art rock américain Pere Ubu est en tournée et a joué samedi 2 avril, à la Gravière.

Pere Ubu, c’est plus de quarante ans de carrière et d’expérimentation, et bien d’autres choses encore : c’est une constante évolution. Ce qui frappe, en concert, c’est cet alliage de candeur timide et de punk pur et dur, un sentiment de décalage qui se ressent tant au niveau visuel qu’au niveau auditif. Le chanteur, David Thomas, au milieu de la scène, muni de ses lunettes, de sa canne et de sa tasse de vin, s’époumone faux et danse, malgré son âge et sa position : il est assis. A sa gauche, la bassiste, Michele Temple, concentrée, joue étonnement haut ; ensuite le batteur, Steve Mehlman, se penche par dessus ses futs régulièrement pour observer la tracks list, et nous offre des soli époustouflants. A sa droite, Tom Herman, grand et dégingandé, planté dans ses Converses, répond à la bassiste, puis part dans des soli avant de revenir à des choses beaucoup plus rythmiques. Finalement, jouant tantôt du thérémine avec fougue et précision, tantôt s’amusant avec de multiples boutons et potards, Robert Wheeler. La convivialité et l’entente au sein du groupe se voit et se remarque : ils se regardent et sourient en jouant.

En une heure et demie de concert, Pere Ubu a joué ses premiers morceaux, ceux composés entre 75 et 82, alternant chansons rythmiques avec chœurs, et d’autres beaucoup plus déconstruites et dissonantes. En effet, Tom Herman, guitariste original de la formation entre 75 et 79, puis entre 95 et 2002, a définit un line-up qui nous a plongé dans l’avant-garde des années 70: quatre morceaux de chacun des cinq premiers albums, le tout agrémenté de premiers singles. En guise d’enchaînement, David Thomas raconte des histoires abracadabrantes, ou lance des blagues. La cohésion avec le public, majoritairement quarantenaire, est là : on rit.

A la fin de ce voyage étonnant, fascinant, décalé, on se rend compte que le guitariste est très gentil, mais très timide, et on apprend que le chanteur n’aime pas écouter de musique : c’est son travail, alors autant regarder par la fenêtre pour se détendre. Il se déclare capable de jouer trois morceaux avec n’importe quel instrument, mais pas plus, le tout étant de laisser jouer l’instrument plutôt que d’essayer de le faire jouer.

Il ne nous reste qu’à tirer notre chapeau à ces musiciens étonnants, alliant technique et auto-dérision, et à espérer que M. Thomas tiendra parole: la seule chose qui l’arrêtera sera la mort, et on l’espère lointaine!

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