Flèche Love, ce nom ne vous dit peut-être rien, mais la voix chaude et envoûtante d’Amina Cadelli est déjà parvenue jusqu’à vos oreilles. Après avoir fait partie du groupe Kadebostany, Amina revient avec son projet solo dont les titres Clouds ou UMUSUNA (avec Rone) sont déjà en libre écoute. Rencontre avec une artiste engagée, qui sera pour sa première date suisse présente lors de la soirée de clôture du festival Les Créatives.
Comment est-ce que tu décrirais Flèche Love ?
J’ai de la peine à répondre à ta question ! J’ai de la peine car je ne veux pas enfermer ma musique dans une définition et je ne veux pas empêcher les gens d’emmener ma musique où ils en ont envie. Je préfère que tu poses cette question à quelqu’un qui écoute ma musique, en plus ça m’intéresserait de savoir comment elle est perçue.
Quelles sont tes inspirations pour ce nouveau projet ?
La spiritualité et la nécessité de comprendre que l’on est tous sur cette terre pour une raison précise. On est tous magiques mais on n’en a pas conscience ; on ne nous l’apprend pas à l’école, ni dans nos familles. On n’utilise qu’une petite partie de nos capacités et c’est bien dommage. Cette découverte de potentialité m’inspire énormément et me permet de ne pas sombrer. J’ai commencé ce projet alors que je sortais d’un projet qui avait très mal commencé et très mal fini, du coup je n’allais pas bien, je me suis plongée dans la spiritualité pour ne pas me perdre, pour ne pas laisser cette mauvaise expérience prendre le dessus. Je suis aussi très inspirée par les différentes mythologies (grecque, japonaise, indienne, nordique…), par l’histoire, les livres. Les femmes m’inspirent aussi énormément et j’en parle beaucoup dans mes textes, la sororité est devenue un pan central de ma vie.
Quelles sont tes influences ?
J’en ai tellement et ça rejoint beaucoup la question précédente : la littérature, l’histoire, les documentaires animaliers, aussi fou que cela puisse paraitre ça m’inspire beaucoup, je suis fan d’éthologie (étude du comportement animalier). La spiritualité fait partie intégrante de ma vie et de ma musique. Les voyages, l’herboristerie. Bref ça va dans tous les sens et ça, c’est assez caractéristique de ma personne.
En quoi ceux qui t’ont connu avec Kadebostany vont-ils être surpris ?
Ils vont être surpris car c’est très différent, même si on me retrouve, même si on retrouve ma voix, je suis aux manettes de toutes les étapes. J’ai révélé deux collaborations, il y en a deux autres qui vont venir mais les autres chansons c’est mes compositions, mes arrangements. Certains vont aimer ce qu’ils vont découvrir, d’autres pas, je ne me pose pas cette question quand je crée sinon je deviendrais folle ! J’y mets tout mon cœur et j’espère que cela suffira à toucher certaines personnes.
Pourquoi est-ce que tes chansons, et la majorité de ce que tu postes sur les réseaux, est en anglais ?
Je comprends que ça puisse faire bizarre, surtout quand les gens pensent que je ne suis pas francophone et qu’ils découvrent que je parle français mais j’ai choisi de poster en anglais car il y a des fans qui me suivent et qui viennent de l’étranger et pour moi c’est important d’être la plus inclusive possible. Je ne chante pas qu’en anglais, je ne veux pas tout révéler tout de suite mais il y aura au minimum deux autres langues dans mon album.
Qu’est-ce que tu penses de la scène culturelle, et plus particulièrement musicale, genevoise ? Est-ce qu’il y a des artistes locaux que tu apprécies en particulier ou avec qui tu aurais envie de travailler ?
La scène culturelle genevoise est super riche, je pense à un type comme Robin Girod et son label Cheptel qui regroupe pleins d’artistes hyper doué(e)s comme Pandour, Temps des nuits ou même le groupe de Robin et ma petite sœur Anissa, Bandit voyage. Je pense aussi à Gaspard Sommer avec qui j’ai bossé sur une collab, qui m’a accompagné en live quelques fois et qui a sorti son projet solo. Ce type est extrêmement doué et je suis sûre qu’on va entendre parler de lui.
Est-ce que le rap te permet de mieux faire passer un message, que le chant ?
Pour être super honnête je me suis mise au rap de façon très naturelle, j’avais envie d’explorer les différentes façons d’utiliser ma voix et avec le rap il y a une autre intensité, une autre métrique. Que je chante ou je rappe, il doit y avoir un message mais le rap me permet de le déclamer, d’être plus frontale, ça me plaît, ça me permet de travailler sur différentes strates de ma personne, ça me permet aussi de n’être pas que femme mais être humain, le rap aujourd’hui ça fait partie de ma palette et j’aime jongler entre le chant et le rap, c’est ludique.
Est-ce qu’il y a une femme qui t’inspire particulièrement, ou qui t’influence ?
En fait, il y’en a tellement : il y’a la Kahena une chef de tribu berbère, guerrière magicienne. Il y a Ada Lovelace, mathématicienne, considérée comme la mère de la programmation informatique. Il y a Camille Claudel et ses œuvres tellement à vif qu’elles semblent être sculptées dans la chair, il y a Audre Lorde, une femme de lettres, poétesse et militante anti raciste noire. Lire Audre Lorde m’a permis de mieux comprendre la nécessité du féminisme transversal, la nécessité d’inclure les réalités des autres femmes dans le combat (noire, trans, arabe, asiatique…). Il y a Oum Kalsoum une grande chanteuse égyptienne, le jour de ses funérailles 3 millions de personnes sont sorties dans les rues du Caire, sa voix les touchait au plus profond de leur âme, la voir partir était inconcevable. C’est un tout petit échantillon de ces femmes que j’admire et qui m’inspirent. Trouver une seule femme c’est trop dur et surtout c’est dommage pour toutes les autres femmes magnifiques qui ont existé ou qui existent encore.
Qu’est-ce que tu penses de tout le mouvement que l’on voit en ce moment de #metoo ou #balancetonporc ?
Je suis à la fois super contente et super triste, super contente parce qu’enfin la parole se libère un peu. Mais super triste quand on imagine toutes ces souffrances niées, avalées. Et surtout toutes ces femmes qui n’ont encore rien dit ou même celles qui ne peuvent pas parler de peur de perdre leur travail. Toutes les femmes qui ont parlé sont des femmes célèbres et surtout des femmes blanches et ça change la donne quoiqu’on en dise. C’est plus difficile de parler quand on sait que personne ne va nous écouter, ou qu’on va subir des menaces ou même pire. De nombreuses femmes ont dénoncé Weinstein à travers les années mais il était bien protégé et nombreux sont ceux qui sont encore bien protégés et ce dans tous les domaines et tous les pays.
Aujourd’hui ils ont plus peur que jamais car ils savent que si un des leurs tombent c’est l’arbre tout entier qui va s’écrouler. C’est tout un système, un système basé sur le pouvoir et l’argent.
Maintenant, il est important que la société fasse sa part du travail, on doit valoriser le témoignage des femmes et punir pour de bon les agresseurs, violeurs, harceleurs, manipulateurs. C’est le monde à l’envers, la société les protège au lieu de protéger les victimes. Je pense que ce #metoo c’est juste la petite pointe émergée de l’iceberg et je me réjouis que toutes les têtes tombent, les femmes doivent comprendre qu’elles ont du pouvoir, de la force et encore plus lorsqu’elles se réunissent. Ce n’est que le début…
Ton premier concert en Suisse se passera dans le cadre du festival Les Créatives où tu feras un concert et où tu participeras aussi à une table ronde. Est-ce que c’était important pour toi de participer à un festival comme celui-ci pour ta première date ?
Je suis super honorée qu’un tel festival m’invite, la programmation est tout bonnement incroyable. Et savoir que je me retrouve programmée dans le même festival que toutes ces femmes c’est génial. C’est porteur de sens pour moi, ça n’aurait pas pu mieux tomber. Je suis super excitée parce que non seulement c’est la première fois que je vais jouer en Suisse mais c’est mon premier vrai concert. Je me réjouis tellement !!
Flèche Love sera présente lors d’une table ronde qui aura lieu le 23 novembre sur la thématique « Féminisme et antiracisme dans les cultures urbaines ». Son concert sera le samedi 25 novembre à la Salle communale d’Onex lors de la soirée de clôture du festival Les Créatives.
Une artiste engagée, inspirante, qui prépare actuellement son nouveau projet à Paris. Flèche Love, des textes touchants, criant de poésie et une voix fascinante, ensorcelante, qui nous réserve encore de très belles surprises !
Crédit photos : © Roberto Greco
Page Facebook : https://www.facebook.com/Flecheloveofficial
Site internet : http://www.flechelove.com/