On ne s’en rend pas forcément compte, mais le rôle du distributeur de film est essentiel dans le monde du cinéma. Il a une influence importante sur les films qui accèdent aux salles. EPIC est parti à la rencontre d’Abel Davoine, de la société de distribution genevoise Sister qui met en œuvre depuis quelques années une vision assez inhabituelle de son travail.
Le distributeur : l’homme invisible
Le paquet de pop-corn est vide, la scène finale du film est terminée, le générique commence à se dérouler sur le grand écran et les lumières tamisées de la salle se rallument. On quitte le cinéma et on se souvient du regard de De Niro, du sourire de Sharon Stone, de la musique de Morricone ou de la voix de Godard. Mais ce que l’on ne voit pas si l’on n’y prête notre regard, c’est le long chemin incertain que le film a dû traverser pour parvenir jusqu’aux salles, qui sont sa raison d’être. Et sur ce chemin, le rôle du distributeur de film est essentiel.
Après qu’un film a été produit, réalisé et puis monté, bien que l’objet soit terminé, c’est le début d’un autre effort : celui de le rendre visible, de lui ouvrir les portes du marché. Pour pouvoir accéder aux salles, le film doit passer deux étapes : la distribution puis l’exploitation. Le film quitte les mains du réalisateur et du producteur et tombe dans celles du distributeur. Celui-ci va choisir, dans la vaste proposition des films produits, ceux qu’il voudra essayer de proposer aux exploitants des salles de cinéma. Et il revient ensuite à l’exploitant de prendre tel ou tel film à tel ou tel distributeur pour le programmer dans sa salle. C’est leur travail qui va déterminer le genre de film qui nous sont proposés, qui va choisir de mettre en avant ce film plutôt que celui-ci, ce réalisateur plutôt que celui-là.
Distribution : le cœur de la lutte du cinéma entre économie et art
Le distributeur se situe au cœur de la lutte historique qui a toujours déchiré le cinéma : le conflit entre sa dimension économique et artistique. « Le cinéma a cette particularité d’être à la fois un art, mais aussi une industrie, dès ses premiers jours. Et une industrie qui a le pouvoir de générer énormément d’argent. Alors le cinéma est en effet une économie », explique Abel Davoine de la société de distribution genevoise Sister. Et dans ce contexte, l’appât du gain prend généralement le pas sur l’amour du cinéma en tant qu’art. Surtout aujourd’hui, époque durant laquelle plus encore qu’auparavant le cinéma est devenu une immense force économique gouvernée par les principes en vogue du profit et de la croissance. Abel me l’admet : « Oui, c’est le marché qui dicte ce qui est à l’affiche. Mais après il y a des salles, des exploitants qui font des choix, il y a des distributeurs qui font des choix dans les films qui sont proposés. Il y en a qui ont l’impression qu’il faut aller vers ce qui marche, et que seuls les films qui ont la certitude de générer des recettes doivent avoir accès aux salles. » Cette mentalité a pour effet de réduire considérablement la diversité des films proposés en salle. Ne voulant pas prendre de risques, un distributeur va calquer son offre de films sur les goûts les plus populaires du marché. La proposition des films en salles, au lieu d’évoluer, tend alors à stagner et recycler les mêmes genres qui ont fait leurs preuves dans le passé. « Le jour où il ne restera plus que des superproductions hollywoodiennes à voir en salles » poursuit Abel,« ça dira quelque chose du monde dans lequel on vit. Je ne suis pas sûr qu’on y gagne. Par ailleurs c’est cool aussi de les voir ces films… »
Le travail de Sister Distribution : promouvoir la diversité
Mais bien heureusement, l’instinct économique ne domine pas intégralement la sphère de la distribution de films. Persistent ici et là des îlots de résistances qui continuent de croire que le cinéma a une vocation au-delà d’une simple rémunération économique. Abel, avec la société Sister Distribution, essaie de mener ce combat dans la région lémanique. La société a été fondée en 2017 à l’initiative des cinéastes de la société de production genevoise Close Up Films, qui ont fait appel à Abel Davoine pour distribuer leurs films. Après quelques temps, Abel a trouvé plus intéressant de rendre son activité autonome. Très vite, son intention a été claire : donner la priorité à la diversité des films projetés plutôt qu’à leur potentiel commercial. Pour Abel, un film est bien plus qu’un produit économique, c’est dans sa valeur artistique qu’il puise le sens de son travail. « Ce qui m’intéresse en tant que spectateur c’est qu’un film possède une singularité, qu’il ait une force qui lui appartienne. Que ce soit dans la comédie ou dans un autre genre. » Abel a la conviction que l’offre peut aussi avoir une influence sur la demande, que ce n’est pas uniquement le marché et ses modes passagères qui ont le pouvoir de déterminer le genre des films qui ont accès aux salles. « Je suis convaincu que les goûts du public sont en partie déterminés par ce que l’on propose. C’est donc possible de prendre des risques, mais certaines salles ont du mal. Par exemple, souvent lorsque l’on distribue un film peu conventionnel, dont le genre n’a pas encore fait ses preuves, l’horaire qui lui est donné est difficile. Une séance de 16h le mardi, c’est sympa, mais c’est compliqué, peu de personnes peuvent y aller. »
Pour clôturer l’interview, Abel évoque son sentiment sur la direction du cinéma actuellement : se dirige-t-on vers une commercialisation de plus en plus dominante ? Il me répond : « L’avenir, je n’en sais rien. Mais tant qu’on est là, on va continuer. »
Les dernières sorties
Les titres suivants illustrent bien la politique de distribution de Sister : un documentaire israélien, une fiction française et un film suisso-portugais. Des films d’auteurs issus des quatre coins du monde, qui jouissent d’une reconnaissance dans les festivals internationaux sans pour autant connaître un succès grand public.
“Vif-Argent”, un long-métrage écrit et réalisé par Stéphane Batut
Juste, un jeune garçon, erre dans Paris à la recherche de diverses personnes. Elles ont une caractéristique commune : il est le seul à pouvoir les voir. Il recueille leur dernier souvenir avant de les faire passer dans l’au-delà. Vient un jour où une jeune femme, Agathe, le reconnaît. La question de leur amour est alors posée…
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Ce film témoigne de la vie d’une femme exceptionnelle. Léa Tsemel a 72 ans, elle est avocate israélienne, et le combat de sa vie a été de défendre les droits des Palestiniens. Son courage l’a menée à se confronter aux courants politiques et culturels dominant son pays…
“O Fim do Mundo”, le long-métrage de Basile da Cunha
Après huit ans passés en prison, Spira rentre chez lui, dans le bidonville ravagé de Reboleira. Kikas, le malfrat local, lui fait vite comprendre que le quartier lui appartient et qu’il n’est pas le bienvenu…
Guten Tag
Ich bin das erste Mal auf Ihren Verleih gestossen, anlässlich meinem Interesse am Film “Drive my Car”.
In unserer Filmgruppe helfe ich die Filme für unser Kino aussuchen, die wir von Verleihern in und um Zürich vorgestellt bekommen. Ich werde mir morgen Drive my Car in Bern anschauen und bei Gefallen vorschlagen.
Guten Erfolg und bleiben Sie gesund.
Freundliche Grüsse
Elsbeth Vetter