Tribunes épicuriennes #7 – Sarah

©Nolwennphotographie

La team d’EPIC a décidé de vous offrir un tour d’horizon des histoires personnalisées de ses rédacteur·trice·s. Le principe est simple : chaque semaine, un·e membre abordera sa vision du webmagazine et comment celle-ci a évolué de concert avec la pandémie. Après Nolan Petignat la semaine dernière, Sarah Benninghoff, membre d’EPIC depuis deux ans et demi, se prête à l’exercice.

Quand je pense 2020 et EPIC, c’est notre podcast EPIC OMOT qui s’impose à moi. Il allait avoir un an, un an de carte blanche donnée aux auteur·trice·s romandes et on se sentait prêt·e·s à le faire grandir. C’était chouette d’entendre tous ces textes lus par leur auteur·trice, mais ce qui nous intéressait le plus c’était de savoir ce qui se cachait derrière — en tout cas pour moi. Au moment de nos premières discussions quant à revisiter son format, l’évidence était là : ce qui m’intéresse dans l’écriture d’articles sur EPIC, c’est de donner voix aux artistes, c’est de rencontrer et échanger. L’épisode de Bernard Utz est arrivé à temps, voilà une direction qui me parle, découvrir les dessous des écritures par la voix des auteur·trice·s : c’est parti !

C’est parti oui, mais en pleine pandémie. Le petit groupe que nous avions formé avec Alice et Julie pour repenser le podcast était fougueux, ambitieux, on voulait aller plus loin et s’essayer à un podcast-entretien. En quelques réunions tout était prêt ; canevas, matériel, conseils, essais. J’avais tout en poche et j’étais dans le train direction Porrentruy. Sauf que dès le deuxième épisode la réalité est revenue frapper. C’était l’automne et la deuxième vague était là. Skype allumé, j’ai eu le plaisir de rencontrer Julie Gilbert mais depuis ma chambre, alors tous les petits repères fragiles qui étaient venus s’installer suite aux nombreux essais de préparation, suite au premier entretien avec Elisa Shua Dusapin, tous ces petits repères ont sauté. C’est là que j’ai réalisé qu’on avait lancé un podcast basé sur la rencontre, qui ne pouvait se faire sans elle, dans un temps de vie où celle-ci nous est complexe et déconseillée. EPIC OMOT a alors pris un autre goût, celui de la chance, la chance de rencontrer en un temps bousculé.

Cette chance saisie, les épisodes se sont enchaînés comme les apprentissages. Parce que je n’y connaissais rien en podcast, j’étais auditrice curieuse et appliquée, mais de loin pas chevronnée. Guidée et conseillée par Alice et Julie, j’ai appris beaucoup. De la préparation à l’entretien, j’ai découvert une nouvelle façon d’interviewer. Moi qui adorais me poser sur la terrasse d’un café à siroter un thé avec un·e artiste et l’écouter longuement me parler de son travail, de son processus de création, ses influences, ses envies, ses doutes, j’ai dû revoir la chose. On ne peut pas reformuler les propos de quelqu’un·e lors d’un podcast, certes il y a le montage — combien il m’a sauvé certaines fois et combien Alice je ne te remercierai jamais assez parce que j’ai encore tant à comprendre et à apprendre à ce sujet — mais même avec le montage on ne peut pas modifier les phrases. Il faut être active, avoir conscience de ce que donnera l’épisode, savoir où l’on veut aller, guider, laisser place aux surprises toujours mais avoir la main sur l’entretien, savoir couper, rediriger, demander reformulation et brièveté.

J’apprends encore d’épisode en épisode. Tant sur ces plans techniques à éviter les erreurs que sur le plan artistique. Il y a eu tant de chemins différents rencontrés pour aller dans les mots, pour écrire, des parcours et des envies. Et il y en a encore beaucoup qui s’en viennent. On avance, on affine, on sort de la littérature et du livre pour échanger avec toutes celles et ceux qui manient les mots, parfois jusqu’à nous bousculer — me bousculer moi et mon rapport à l’écriture, se situant entre bibliothèque et scène.

C’est à ça que je pense lors que j’entends EPIC et 2020, à l’envie de se renouveler, continuer, s’engager à faire découvrir celles et ceux qui font vivre la culture aujourd’hui, malgré tout, leur donner voix en ces temps où la culture s’invisibilise. Mais je me réjouis du temps prochain où l’on se retrouvera pour de vrai, et avec l’équipe — tant celles des EPIC OMOT, que l’équipe complète du magazine. Parce que l’autre élément compliqué a été, et reste encore, la distance. Bien que j’aie rencontré chacun·e des artistes pour les enregistrements, le reste a dû se faire au travers d’échanges numériques pour un tas de raisons. Vivement que la rencontre en corps puisse à nouveau être la norme et surtout vivement que la culture puisse retrouver sa place — car elle aussi ne peut se faire sans la rencontre entre un·e artiste et son public.

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