Zoel Aeschbacher présente Bonobo

Paul Minthe (à droite) et Zoel Aeschbacher (à gauche) sur le tournage de Bonobo

Actuellement présent en tant que juré au Festival Etiuda & Anima à Cracovie, dont il a gagné le grand prix lors de la précédente édition, le réalisateur vaudois Zoel Aeschbacher nous accorde un entretien via Skype. Entre son parcours et l’incroyable histoire de son premier court-métrage Bonobo, le jeune homme de 26 ans explique les coulisses d’un succès inattendu.

Zoel Aeschbacher découvre le monde de l’audiovisuel très jeune et de façon assez lambda : entouré de VHS, immergé dans les classiques du cinéma américain à travers la télévision ou les cassettes. « Le cinéma est tellement cher en Suisse que je n’ai jamais vraiment eu cette culture du cinéma traditionnel ». Quelques années plus tard, le vaudois découvre le cinéma sur internet, mais aussi avec Kourtrajmé (association française et collectif d’artistes œuvrant dans le domaine de l’audiovisuel). En voyage au Vietnam, le suisso-vietnamien se plonge dans l’immensité du cinéma à travers Dailymotion, qui était à l’époque peu développé en Suisse. « J’ai eu l’impression que le cinéma était en train de se démocratiser et de sortir des salles. Ça m’a permis de me faire une culture cinématographique et de découvrir une passion pour cet art. » A partir de ce moment-là, Zoel décide de prendre les caméras entourées de ses potes et de s’essayer au métier de réalisateur.

Apprès le collège, l’envie de faire du cinéma ne quitte pas le futur réalisateur : il décide donc d’aller à l’ECAL, pour un Bachelor sur quatre ans. « J’ai été déçu de mes études. Je pensais que ça allait nous apprendre le cinéma et ses différents aspects, mais l’ambiance était très factory, avec une ligne éditoriale labellisée « ECAL », et on avait que deux semaines de scénario sur tout le Bachelor , alors que c’est quand même le cœur d’un film ! »

En plus d’être déçu par la formation proposée par l’école lausannoise, le vaudois a eu de nombreuses mésententes avec la direction, l’administration et les professeurs de l’institution. « Paradoxalement, ces différends m’ont poussé à aller plus loin, à aller à contre-courant, et à faire exactement ce qu’on n’attendait pas de moi. »

Bonobo : un court-métrage de fin d’étude, aux débuts difficiles

Tout commence avec un tournage compliqué et des relations plus que tendue avec la productrice du film. Des problèmes budgétaires mais aussi relationnels ont rendu cette première expérience éprouvante pour le jeune homme, âgé aujourd’hui de 26 ans. « J’ai réalisé Bonobo dans le cadre de la fin de mes études à l’ECAL. Ils auraient donc dû me soutenir, ce qui n’a pas été le cas. ». Malgré les nombreux problèmes, le réalisateur décide de finir le film, un peu dans la douleur admet-il et toujours avec des relations tendues.

Quelques temps après, un distributeur propose au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand le film, sans l’autorisation de la productrice. « C’était un coup un peu risqué, mais sachant que le film a été sélectionné, la productrice n’aurait jamais pu retirer le film de la compétition. » Un premier festival de film où Bonobo remporte le prix du public « vu la situation dans les coulisses, c’était incroyable pour moi de voir ce succès-là », confie Zoel.

Gagnant de la catégorie “International Narrative” lors de la 46e cérémonie des Student Academy Awards

De l’ECAL aux Oscars

Depuis ce premier prix, une véritable frénésie s’est faite autour de Bonobo. Le court-métrage a voyagé à travers plus de 150 festivals et remporté de nombreux prix comme le Prix de la Relève aux Journées de Soleure ou le Best Fiction Short au Melbourne International Film Festival.

Dernièrement, Zoel Aeschbacher a reçu le premier prix aux Student Academy Awards (l’équivalent des Oscars pour les étudiants) dans la catégorie Narrative, International Film Schools. Grâce à cette médaille d’or, Bonobo se voit en attente pour être sélectionné pour les Academy Awards dans la section Short Film – Life Action. « C’est totalement abstrait pour moi pour être honnête. Je n’arrive pas à m’en rendre compte ! Être arrivé jusqu’ici est déjà une victoire immense. »

Montrer la colère, autrement

Bonobo part de l’envie de tester quelque chose d’autre, de sortir des sentiers battus, et de terminer l’ECAL avec un projet différent. Le réalisateur souhaitait mettre sur pied un concept narratif en racontant trois petites histoires qui en formerait une seule grande.

Mais que raconte ce court-métrage dont on entend tant parler ? Il y a un ascenseur en panne dans une cité qui va créer des problèmes, et des discordes entre différents personnages. Le film se concentre en particulier sur le ressenti de trois d’entre eux, Félix, Ana et Seydoux, et leurs histoires. « J’avoue écrire beaucoup avec le seum et la colère. Je pense que même si notre façon de vivre et de gérer notre colère est personnelle, il y a quelque chose de très universelle dans ce sentiment. » 

Un des points de départ qui a inspiré la fin du film est une bavure policière ayant eu lieu à Lausanne en 2016. Montrer la colère, faire une critique des inégalités sociales et une absence de réaction généralisée, c’est ce que souhaitait montrer le réalisateur. Le titre d’ailleurs est inspiré de l’allégorie du singe qui ne voit, n’entend et ne parle pas.

Raconter une fable urbaine

Bien que tourné dans un quartier populaire de la ville de Lausanne, Bonobo ne se définit pas comme un film de cité. « En Suisse, la notion de cité est totalement différente qu’en France par exemple. On n’a pas de vraies cités même si on a beaucoup de misères, de pauvreté… mais on n’a pas le même passif colonial, ou le même rapport aux banlieues qu’en France. »

Tourné uniquement dans la capitale vaudoise, Bonobo a ensuite été retravaillé pour délocaliser le film un maximum. « On souhaite faire une critique sociale avec ce court-métrage. On voulait dresser un constat d’une situation qui ne se passe pas que dans un lieu précis. C’était important pour nous de ne pas montrer de drapeau ou de signe trop fort d’identification spatiale. Bonobo doit parler à un maximum de personnes, pour devenir une fable urbaine. »

Une fable urbaine au succès inattendu, qui lui a donné envie après avoir fini ses études en 2017 de découvrir d’autres horizons. Le montreusiens a travaillé avec Karim Huu Doi , réalisateur Suisse spécialisé dans le contenu audiovisuel à visée commerciale, comme des publicités ou des clips. Zoel et Karim Huu Do ont travaillé ensemble pour échanger leurs connaissances. « J’avais envie d’en savoir plus sur cet univers-là. Lui voulait se développer dans l’écriture de film, c’était une super collaboration et une incroyable rencontre. Je le considère comme mon grand-frère. »

Un premier long-métrage en cours

Après avoir vu le succès de Bonobo, le réalisateur a décidé d’enchaîner en s’installant à Paris et en commençant l’écriture d’un premier long métrage. « Ça fait bientôt huit mois que je me concentre sur l’écriture du film, j’aimerais beaucoup faire une coproduction avec la Suisse mais tout reste encore à faire ! ».

Zoel Aeschbacher le nouvel enfant terrible du cinéma romand ? Peut-être bien. Ce qui est sûr c’est que le réalisateur est à suivre de très près que ce soit pour la sortie de son premier long-métrage ou pour ses futurs autres projets. Pour le court-métrage Bonobo, la seule chose qu’on peut vous dire est qu’il est à découvrir absolument. Aucune date de sortie en Suisse romande n’est encore prévue, mais ça ne serait tarder. Une date à garder en tête tout de même, le court-métrage est diffusé sur la plateforme « short of the week » depuis le 3 décembre.

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