Créé en 1996, le laboratoire Zebralab consacré à l’image argentique fait figure d’irréductible au cœur de l’Îlot 13. Ce lieu a d’abord été imaginé pour permettre à ses membres de développer des films super 8 et 16mm en noir et blanc, il compte aujourd’hui une trentaine de membres. À l’occasion du festival FIXΔREV ce week-end, le laboratoire ouvre ses portes au public. Jérémy, photographe professionnel et membre actif de l’association nous en dit un peu plus…
Raconte-nous l’histoire de Zebralab ?
C’est une association créée en 1996 par des passionnés de cinéma et photo analogiques, professionnels, semi-pros et amateurs, qui voulaient développer leurs films en super 8 ainsi que leurs photos noir/blanc dans différents formats. « Zebralab », parce que c’est un laboratoire associatif de photo, situé dans la maison des habitants de l’îlot 13. Ce labo est aujourd’hui utilisé par environ 20-25 personnes et géré par un noyau dur de 5-10 personnes. Les utilisateur.trice.s paient une cotisation annuelle qui inclut neuf demi-journées par an d’utilisation du labo et la chimie pour le développement des photos. Moi ça fait maintenant deux ans que je suis dans l’association. En 2018, après près de 20 ans d’existence, c’est pour Zebralab une des rares fois qu’une manifestation du genre est organisée.
Pourquoi avoir monté le festival FIXAREV ?
À la base, c’était une idée de Balthazar un autre membre actif de l’association. En fait, on est plusieurs à utiliser les locaux de l’association mais on se rend compte qu’on ne se montre pas ce qu’on fait entre nous. La photo, on peut dire que c’est une activité plutôt solitaire : tu fais tes essais seul dans le labo pendant toute une journée et on prend rarement le temps d’échanger sur les travaux. Donc d’un côté, on fait ce festival pour afficher les travaux de chacun et pour que les utilisateur.trice.s du labo se connaissent mieux. D’un autre côté, ce festival est bien sûr pour le public : on veut montrer que la photo est un milieu accessible. En caricaturant un peu, en 48 heures tu peux connaître 95% de la technique, mais après, ça met 20-25 ans pour maîtriser les 5% qui restent.
Concrètement, en quoi consiste ces jours de festival ? Quelles activités sont prévues ?
Tout d’abord, le festival est gratuit, le financement se fera grâce à la buvette. Cette gratuité est importante, le but étant que les gens puissent toucher au truc. Concernant les activités, ce festival est d’abord l’occasion d’afficher les travaux des personnes qui fréquentent et travaillent dans le labo. Puis, il y aura des animations et ateliers (gratuits aussi) qui permettront aux gens d’entrer en contact avec la photographie argentique. Tout est vu en détail, de la prise de vue au tirage des photos en passant par le développement des négatifs.
Il y aura donc cinq activités principales :
- Un atelier cyanotype. C’est un procédé sans argent, réactif à la lumière du soleil (aux UV pour être précis) et qui se développe à l’eau qui va enlever tout ce qui n’a pas été durci par le soleil. Le résultat est une teinte bleue outre-mer. Dans ce cas, pas besoin de labo, on a le négatif d’une pellicule ou imprimé sur film transparent sur un papier et on peut développer en utilisant un pommeau de douche.
- Un atelier photogramme. Cette technique consiste à laisser poser des objets sur du papier photosensible, et après l’avoir exposé à la lumière, les objets laissent derrière eux des empreintes blanches.
- Une librairie dans laquelle des ouvrages sur la photo, tels que « analog magazin », « Halogénure », seront présentés ainsi qu’une sélection de la librairie de la « Focale »
- Un « Studio portrait » avec une Afghan box. Un grand appareil photo fabriqué pour l’occasion utilisé par les photographes itinérants il y a quelques dizaines d’années, entre autres en Afghanistan. L’image en négatif sur papier est directement développée à la main à l’intérieur de l’appareil photo. Puis il est re-photographié afin d’obtenir une image positive noir et blanc. C’est en quelque sorte l’ancêtre fait-maison du polaroïd.
- Enfin, une collection d’appareil photo inhabituels sera présentée et leur fonctionnement expliqué.
Y a-t-il un engouement dans le domaine de l’argentique ?
Je ne parlerais pas forcément d’engouement, mais l’image change un peu. Trop souvent on oppose l’argentique au numérique, mais pour moi il ne faut pas voir les choses comme ça et se dire « cette technique est mieux que l’autre ». Les deux ont des atouts respectifs, on choisit en fonction des besoins.
Qu’est-ce qui personnellement t’attire avec la photographie argentique ?
C’est surtout dans le rapport avec le temps lorsqu’on fait de la photo argentique. Tu ne peux pas aller plus vite que la musique, ça prend la journée pour tirer des photos. Personnellement, je préfère prendre le temps de développer mes photos. Un autre élément qui me plaît avec le tirage lith c’est qu’on ne peut pas produire deux fois la même image, ou très difficilement. Chaque image est unique par définition ! Mais du coup, on a aussi beaucoup de « mauvaises » images sur lesquelles on ne voit rien. Grosso modo, sur un travail, je garde moins de 1% de ce que je shoot.
Quels sont tes autres projets en dehors de l’organisation de l’événement ?
Pour le moment, j’ai fini un projet en Serbie. J’ai aussi finalisé mon projet « Les fous du volant » sur le stock-car. Là je suis aussi en train de finaliser la post production d’un travail – en numérique – sur les prisons, le football et les bidonvilles au Kenya. Enfin, un gros projet que j’ai en ce moment est de documenter un pays imaginaire, je fais cela à la chambre grand format, et je tire en lith. En bref, je documente, à travers de véritables témoignages et des portraits de véritables personnes, l’histoire d’un pays qui aurait subi un traumatisme mystérieux. C’est un prétexte pour parler des violences latentes dans la société. Je prends soin à toujours faire accompagner mes images par un texte. Selon moi, c’est facile de faire mentir les images pour faire de la désinformation. Il faut toujours les mettre en rapport avec du texte afin qu’elles aient du sens, et surtout regarder dans quel contexte est publiée l’image, qui en est l’émetteur, etc.
D’autres événements sont-ils prévus pour mettre en avant la photo ?
Les grands esprits se rencontrent sur les chemins de la connaissance, c’est donc par un heureux ‒ mais prévisible ‒ hasard que le Cinéma Spoutnik organise le Week-End de la Pelloche, du jeudi 26 au dimanche 29 avril, en harmonie avec FixΔRev (et vice versa). Profitez donc de cette superbe initiative pour aller y regarder des projections de films et courts métrages, de fiction ou documentaire, du Super-8 au 35mm en passant par le 16mm, le tout dans un cadre photogénique et cinématographique époustouflant.
Si ça marche bien, pourquoi pas continuer avec un autre événement dans le genre. Ce qui serait bien, ce serait de voir si un partenariat avec un autre labo serait possible. De cette manière, on pourrait aussi présenter d’autres projets que ceux de Zebralab.
Le festival FIXAREV www.fixarev.ch aura lieu du 27 au 29 Avril 2018 au 76 route des Acacias. L’événement Facebook se trouve ici.
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Pour être au courant des activités de Zebralab : lien pour leur page Facebook + lien vers leur compte Instagram : Zebralabgeneva