Prenez une pincée de musique et un zeste de théâtre, ajoutez une lichette de chant, mélangez le tout et vous obtiendrez l’Ensemble Caravelle ! Ce projet regroupe huit jeunes musiciens issus de la Haute École de Musique de Genève (HEM). Ils présentent ce weekend leur second spectacle « A little house in Louisiana », au Théâtricul de Chêne-Bourg. Oriane Joubert et Mathurin Bouny, respectivement pianiste et altiste du groupe, nous en disent un peu plus sur ce projet pour le moins original.
Quand l’aventure de l’Ensemble Caravelle a-t-elle débuté ?
Mathurin Bouny : C’était en 2014, on a eu l’idée à plusieurs, tous des étudiants et anciens étudiants de la HEM. On voulait sortir de la forme du concert classique, parfois trop conventionnel à notre goût. On a eu l’idée d’associer le théâtre à la musique, afin de changer la forme du concert et essayer de toucher un public plus large. On a pris six mois pour tenter des trucs qu’on avait en tête, puis on a commencé avec nos concerts scénographiés à partir de novembre 2014. Lors de ces premiers concerts, il y avait des jeux d’ombres et de lumière, des exagérations dans les mouvements, etc. mais toujours en gardant la musique au centre du spectacle, car c’est notre métier de base.
Oriane Joubert : Moi je suis arrivée un peu plus tard. J’ai assisté aux premiers concerts dans le public et j’ai tout de suite trouvé ça génial ! Le pianiste du premier projet ne pouvant pas participer à ce nouveau spectacle, j’ai été engagée pour le remplacer en juin 2015. J’ai participé à la création du deuxième spectacle, joué ce weekend à Chêne-Bourg.
MB : Avec ce deuxième spectacle, on a décidé d’aller encore plus loin dans l’aspect théâtral du concert. On a voulu mettre en scène la musique, en recherchant comment lui donner un autre rôle que dans les concerts classiques. Si je devais ne donner qu’un exemple, on utilise sur scène des bouteilles comme éléments de décor, avant qu’elles ne deviennent un nouvel instrument de musique inattendu.
OJ : L’idée générale de ce spectacle est de créer une atmosphère particulière sur scène, de capter l’attention du public non seulement par l’ouïe, mais aussi par les yeux.
Ce « concert scénographié » dont vous parlez, peut-il s’apparenter à une sorte de comédie musicale ?
MB : Je ne pense pas vraiment que cela se rapproche de la comédie musicale… Si cela devait se rapprocher d’un style, ce serait plus de l’opéra, mais de l’opéra parlé, pas de l’opéra lyrique.
OJ : Dans une comédie musicale, les instruments sont cachés dans la fosse. Ici, les instruments et instrumentistes font partie intégrante de la scène. On peut dire que c’est l’identité même de l’Ensemble Caravelle : les instrumentistes portent les personnages.
Au niveau de la musique, vous avez tous des influences plutôt classiques, est-ce que cela se reflète dans vos spectacles ?
MB : Les six musiciens que nous sommes avons tous une formation classique assez large, allant du 17ème au 21ème siècle. Chacun a sa spécialité : musique contemporaine, musique baroque (1600), etc. Cependant, il y a un répertoire que nous affectionnons tous, c’est celui du début du 20ème siècle. Pour le premier concert, le répertoire était plutôt varié : on avait de la musique classique et contemporaine, du tango, de la musique hongroise, mais avec une dominance de la musique du début du 20ème siècle. Pour le deuxième concert, on a décidé de se concentrer exclusivement sur la musique de cette période et nous avons choisi d’interpréter l’œuvre « Les sept péchés capitaux » de Kurt Weill, un compositeur allemand. À partir de là, s’ensuivit un énorme travail d’arrangement, pendant environ six mois. Avec une chanteuse, une flûte, un alto, une harpe, un piano et des percussions, notre formation est pour le moins éclectique ! Ce fût donc un grand challenge d’arranger cette pièce pour en faire un spectacle.
Les textes joués sont-ils une création originale ou empruntés à des auteurs de théâtre ?
MB : Concernant la narration, les textes sont de Bertolt Brecht. À l’origine, « Les Sept péchés capitaux » est un ballet chanté composé par Kurt Weill en collaboration avec Brecht. Dans notre spectacle, le texte, chanté en anglais, est inchangé, mais nous avons inclus des traductions en français, parlées par les instrumentistes, afin d’améliorer la compréhension générale de la trame.
Une grande partie de votre spectacle est du théâtre, est-ce que cela signifie qu’il y a une part d’improvisation dans vos interprétations ?
OJ : La mise en scène est faite par Pierre-André Gamba, un vrai professionnel en la matière qui a déjà mis en scène de nombreuses pièces et composé trois opéras. Avec lui, le spectacle est structuré et la scnénographie calée. Cela laisse peu de place à l’improvisation dans l’interprétation du texte. Par contre, il y a quelques moments d’improvisation au niveau musical, mais de manière générale cela reste bien structuré.
Les rôles au sein du groupe sont-ils prédéfinis ou vous vous laissez la liberté de changer de rôle entre les représentations ?
MB : Lors du premier spectacle, tout le monde avec son rôle et s’y tenait. Pour ce deuxième spectacle, on ne reste pas tout le temps à notre instrument : moi par exemple je joue à la base de l’alto mais un moment je l’échange avec un violon et un ukulélé. Il y des moments où on joue tous des percussions, ou alors où on chante tous ensemble. Ça bouge pas mal, on ne voulait surtout pas garder la même image rigide tout au long du spectacle ! Le rôle des musiciens derrière la chanteuse est vraiment de mettre du piment dans l’action, bref, de jouer un rôle actif.
Le Théâtricul est un petit théâtre issu de la transformation d’une ancienne écurie en salle de spectacle, a-t-il été facile de s’approprier le lieu dans le cadre de votre spectacle ?
MB : L’idée du spectacle de poche, c’est de pouvoir mettre la scène de notre spectacle partout, y compris dans des plus petits espaces. « A little house in Louisiana » a été à la base pensé pour être le plus petit possible, et il s’adapte parfaitement à la scène du Théatricul.
OJ : Et le public sera proche de la scène ! Dans le spectacle, Anna, le personnage principal, est chanteuse dans un cabaret américain dans les années 30. La taille du Theâtricul rend d’autant mieux cette atmosphère cabaret et s’intègre bien dans l’histoire racontée.
D’un point de vue personnel, que vous apporte le projet de l’Ensemble Caravelle ?
OJ : Pour moi, ce projet m’apporte beaucoup car il me fait vivre quelque chose de différent de ce que l’on peut vivre dans le classique, surtout en tant que pianiste. Parfois, à certains concerts, il y a beaucoup plus de pression que de plaisir. Ici, c’est le contraire. Ce qui me plaît avec ce spectacle, c’est d’aller au-delà de la simple interprétation musicale, l’aspect théâtral permet d’aller vers quelque chose de plus inventif, de plus créatif.
MB : Quand j’étais jeune, et même encore maintenant, le cirque, les arts de rue et tout leur univers poétique et déjanté me faisaient rêver. J’ai d’ailleurs fait du cirque quand j’étais jeune. Pour moi, Caravelle, c’est le moyen de raconter à mon tour des histoires qui font rêver avec ma compétence de musicien.
Avez-vous d’autres projets en parallèle à l’Ensemble Caravelle ?
MB : Je suis encore étudiant, et à côté de l’Ensemble Caravelle, je joue dans le trio Sitka avec Maud et Clémence – respectivement flûtiste et harpiste de Caravelle – avec lesquelles nous jouons de la musique française du début du 20ème siècle. En plus de cela je suis musicien free-lance et je suis appelé à jouer dans différents orchestres et ensembles. À terme j’aimerai passer plus de temps sur mes projets personnels. J’aimerai aussi travailler dans le milieu de la musique ancienne, qui est une musique que j’affectionne beaucoup.
OJ : Je suis enseignante au Conservatoire de musique de Genève, et je joue dans le duo Volubile, un duo piano-violon, dans lequel nous interprétons de la musique tchèque.
Comment voyez-vous l’avenir du projet ?
MB : Jusqu’à maintenant, les représentations de ce spectacle « A little house in Louisiana » ont été un succès. Donc l’idée pour le moment est de faire tourner le projet et de nous faire connaître. Nous n’avons pas d’agent, donc on va tenter de s’y prendre au mieux pour programmer le plus possible de dates dans l’année et nous faire connaître un peu partout dans la région romande et en France voisine. On espère participer au Festival d’Avignon l’année prochaine, ce serait génial. Si cela fonctionne bien, on peut s’imaginer monter un troisième voire quatrième projet de concert scénographié, mais pour le moment, on reste sur ce projet.
Pour finir, je vous laisse cinq mots pour définir votre spectacle et convaincre les spectateurs de venir ce weekend.
OJ & MB : Fable vivante poétique moderne grinçante.
Propos recueillis par Clément
Les prochaines dates de représentation du spectacle « A little house in Louisiana » sont le samedi 14 janvier à 20h ainsi que le dimanche 15 à 17h30 au Théâtricul, à Chêne-Bourg.
L’Ensemble Caravelle est composé de :
Maud Besnard (Flûte) | Mathurin Bouny (Alto) | Johann Vacher (Piano) | Oriane Joubert (Piano)
Jeanne Larrouturou (Percussions) | Lucas Duclaux-Loras (Percussions) | Claire de Haas (Chant) | Clémence Boinot (Harpe)