Alex Merlin, chanteur-guitariste des Cats Never Sleep et des Old Bones

Alex Merlin est un jeune chanteur, guitariste et compositeur genevois aux projets déjà nombreux et foisonnants. On s’est rencontré dans un café, et on a parlé ; voici donc son portrait.

AU TOUT DEBUT

Je me suis intéressé à la musique assez tard finalement. Avant, c’était le sport, je ne faisais que ça : du foot et du judo. Mon père voulait que je joue de l’accordéon, mais je n’en avais absolument pas envie. Quand mes parents ont divorcé, je me suis senti beaucoup mieux, et c’est avec l’arrivée de mon beau-père que j’ai commencé à m’intéresser à la musique. Il mettait un disque de rockabilly et de rock’n’roll que j’écoutais en boucle. C’était la première fois que j’écoutais vraiment de la musique, à 7 ans.

J’ai mis du temps à me rendre compte qu’il avait aussi apporté ses disques. C’était de la déco pour moi, des trucs devant lesquels je passais. Et j’ai découvert qu’il écoutait du hard rock et du metal. Entendre ces riffs super puissants à 8 ans, ça marque. On se dit Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ?! A 10 ans, il m’a emmené voir mon premier concert ; c’était vraiment bien. J’habite à la Plaine, et à l’école, j’étais le seul qui savait à quoi se rapportait le mot rock’n’roll. Les gens écoutaient Eminem. Alors je me suis mis à écouter du metal et Eminem.

LE CHANT, LA GRATTE

Quand je suis arrivé au cycle, à Montbrillant, il y avait un atelier rock, organisé par une prof de musique gothique. La médiathéquaire l’était aussi et elle m’a fait découvrir beaucoup de choses, genre System of a Down. Ces deux femmes ont fait une bonne partie de ma culture musicale de l’époque.

Au cycle, j’ai lâché le metal pour écouter des trucs plus punk, genre Green Day, les Offsprings ; je pense qu’on a tous plus ou moins écouté les mêmes choses à l’époque.

A l’atelier rock, donc, je jouais des lames bleues. C’était assez limité, mais j’étais le seul passionné. Ensuite, je me suis proposé pour chanter. Il n’y avait que des filles, genre cinq filles derrière trois micros, et moi, derrière le mien, recroquevillé. Je chantais tout le temps à la maison, mais le faire en public, c’était une première. J’étais très timide, et je n’arrivais absolument pas à chanter le refrain de Smells Like Teen Spirit. Je n’ai d’ailleurs découvert Nirvana qu’à 14 ans, ce qui est super tard.

J’ai aussi commencé la guitare avec mon beau-père ; on prenait des cours ensemble, mais je n’en avais strictement rien à faire. Je ne travaillais jamais. C’est un de mes meilleurs potes, Mathias, qui était aussi guitariste, et fan de Slash, comme moi à l’époque, qui m’a dit un jour que pour devenir pro, il fallait jouer tout les jours ! Et que Slash n’allait pas en cours pour jouer. Là, j’ai eu le déclic et je m’y suis mis.

PREMIER GROUPE ET PREMIERS CONCERTS

J’ai monté mon premier groupe : Five Fingers, qui s’est rebaptisé Ironic Smile ensuite. On était cinq et je n’étais que chanteur. On répétait dans une salle de Montbrillant. J’ai composé un morceau, et on l’a joué à la fin du concert de l’atelier rock devant le pire public imaginable : les gens du cycle, qui ne se rendent pas compte à quel point ils peuvent être méchants. Alors, pour ne rien entendre, on a joué très fort. On a aussi joué aux Grottes, et je chantais Anarchy In The UK des Sex Pistols. J’ai fait un fuck à la fin, mais comme j’étais super timide, c’était le fuck le plus chou de l’univers. Absolument pathétique. Comme il y avait ma grand-mère dans le public, ça a créé des problèmes, et la prof de musique m’a engueulé, parce qu’il y avait aussi un doyen… A la fin du concert, j’ai eu plein de retours de gens que je ne connaissais même pas, et qui m’ont dit que je chantais bien, mais que ma timidité rendait le truc pas terrible. On m’a proposé de faire la Nouvelle Star… Alors que je venais de chanter du Sex Pistols et de faire un fuck au public !!

JACK WHITE

La première année du collège, mon groupe s’est séparé à cause de problèmes d’adolescents. Je n’avais plus de projet, mais je jouais et j’ai développé une obsession pour Jack White. Un jour, je suis entré chez un disquaire qui m’a dit qu’il fallait absolument que j’écoute Horehound des Dead Wheater. Je l’ai écouté et je n’ai pas aimé. Je l’ai quand même acheté. Je suis rentré chez moi, je l’ai réécouté et je n’ai de nouveau pas aimé. Les solos étaient discordants, il y avait de longues pauses… Peu de temps après, j’ai lu un magazine exclusivement consacré à Jack White, l’interview était passionnante. Le mec joue avec des guitares de 20kg parce qu’il demande à son luthier des trucs pas possibles, j’ai trouvé ça incroyable ! Il expliquait aussi qu’il ne prend aucune drogue, et qu’il n’a jamais pris de cuite non plus. Au cycle on faisait des soirées, avec beaucoup d’alcool, et j’étais déjà pas très intéressé. J’ai vu trop de gens vomir pour avoir envie de faire la même chose et ce type m’a conforté dans ce que je pensais. Il n’avait pas besoin de ça pour faire des trucs fous, et donc moi non plus. Et j’ai ressorti les Dead Wheaters, que j’ai écoutés différemment. Il faut du temps pour entrer dans ce truc voodoo je pense.

J’ai acheté compulsivement les White Stripes, les Raconteurs, les albums solo. J’ai aussi regardé beaucoup de live. Alison Mosshart est particulièrement incroyable.

THIRD EYE

J’essayais de trouver un endroit pour répéter et des musiciens, sans résultat. C’est alors que j’ai appris que l’atelier théâtre du collège cherchait des musiciens pour jouer entre les actes. C’est là que j’ai rencontré Pierre. A la première réunion où je suis allé, il a joué du piano et chanté. Avec son espèce de pseudo charisme, qui touche automatiquement les gens, il m’a touché moi aussi. Alors que nos univers sont totalement opposés : il a repris du Lady Gaga ! J’ai tout de suite accepté de faire un truc avec lui et nous avons  fait du guitare-piano-voix. Il m’a donné pas mal de conseils pour le chant et c’est lui qui m’a poussé à prendre des cours.

J’ai donc pris des cours de chant, avec une chanteuse country, et j’ai monté Third Eye, mon premier vrai groupe. Un jour, deux membres m’ont dit qu’ils étaient allés voir dans une cave un concert d’un groupe génial. J’ai écouté. C’était deux nanas avec des riffs comiques et des paroles qu’on ne comprenait pas trop, avec une énergie de fou. Les Chikitas.

On est allé les voir en concert et à la fin, on est allé parler à la chanteuse. Super culottés, on lui a demandé de nous trouver une date. Elle nous a dit de nous filmer et de lui envoyer ce qu’on faisait. On l’a fait – les enregistrements étaient dégueulasses et sont encore sur YouTube (quelle idée de mettre ça sur YouTube !) – et elle a trouvé ça génial. Alors que franchement, voilà. C’est comme ça qu’on a eu notre premier concert, 25 minutes au Saloon. J’étais arrivé 2h en avance, parce que j’étais stressé et ne savais pas où c’était. Un peu plus tôt, notre deuxième guitariste avait eu un accident de vélo assez grave, et on avait dû tout recomposer. J’avais intégré ses parties de guitare dans les miennes, mais comme je n’avais pas eu assez de temps pour apprendre tous les solos, j’ai improvisé.

Lynn nous a soutenu et on a fait plusieurs premières parties de Disagony et des Chikitas. Du Black Widows Project aussi. C’est avec Third Eye que j’ai compris que si, quand j’écoute de la musique et que j’ai envie de danser, je danse, alors quand je joue de la musique et que j’ai envie de danser, je peux aussi danser. C’est grâce à ça que j’ai dépassé ma timidité. Quand je chante, je danse de façon assez épileptique, je suis en nage à la fin de chaque concert. Il y a des gens qui aiment, et d’autres qui viennent à la fin dirent aux musiciens que le chanteur devrait arrêter les drogues. Alors que je suis toujours sobre ! Et quand ils l’apprennent, ils décident que je joue un rôle, et ils n’accrochent pas. Je le fais pourtant naturellement.

Photo d'Amadeus Kapp
Photo d’Amadeus Kapp
THE CATS NEVER SLEEP

Un jour, une amie m’a proposé de l’accompagner à l’Undertown. Elle avait des potes qui venaient de monter un groupe et ils y jouaient. J’y suis allé finalement seul, car elle a eu un empêchement à la dernière minute. J’ai vu ce concert et j’ai eu une claque. Un groupe de hipsters total, super jeunes, et qui avaient un son incroyable ; je n’avais jamais entendu ça à Genève. Les trois gratteux avaient un niveau très élevé. Et c’était le batteur qui chantait. C’était assez dégueulasse, on ne comprenait rien. Je me suis dit qu’il fallait que je joue avec eux. Mon amie m’a dit qu’il cherchait un chanteur et le dimanche suivant, j’ai fait la Plaine-Collonge Bellerive, à peu près 2h40 de bus. Ils répétaient dans une grange, un truc énorme. J’ai chanté I Got Mine des Black Keys, dont ils avaient fait une reprise à l’Undertown. C’était puissant. A la fin, le batteur s’est levé, a pointé sa baguette sur moi et a dit Engagé ! C’était les Cats Never Sleep. C’est grâce à eux que j’ai découvert le surf, dont je n’avais jamais entendu parler. Et Ty Segall.

J’ai quitté Third Eye, parce que les Cats m’ont fait me rendre compte que le niveau n’y était pas, et que comme j’étais le plus investi, ça ne m’apportait plus grand chose.

En un an, le groupe a décollé à Genève. On a un public fidèle, il y a toujours du monde à nos concerts. On a gagné le Tremplin de Vernier sur Rock, et je pensais que ça allait nous apporter beaucoup, mais en fait non. Je pensais qu’on allait jouer sur la grande scène, et en fait ils ont fait une deuxième scène, plus petite, pour les gagnants du Tremplin… Je ne comprends pas trop la logique. Mais c’est génial qu’on ait réussi à faire ça. Il y avait 50 groupes à la base, et ça nous a permis de rencontrer plein de gens, dont les Tangerines, avec qui ont est devenu super potes, et les Staches. On a ensuite sorti un EP, totalement auto-produit. On a fait les pochettes nous-même, mais comme il y a eu des désaccords entre le groupe, l’ingé son et le mixage, on n’est pas satisfait à 100% du résultat.

THE OLD BONES

Quand une partie du groupe a monté Magic and Nacked, puis le Roi Angus, ça a un peu ralenti le rythme pour les Cats, et j’ai monté The Old Bones. J’avais vu Baptiste, le batteur, jouer dans Naranja, un groupe de ska-reggae comme il y en a plein et chiant comme tous les groupes du genre. Il y a fait un solo et je me suis dit qu’il fallait que je joue avec lui. On m’a présenté Antoine, parce que je cherchais un bassiste. Quand on s’est rencontré, il m’a dit qu’il adorait les Red Hot Chilli Peppers – je déteste les Red Hot Chili Peppers – et il qu’il slappait – je détestais le slapp. On a jammé, et il s’est passé quelque chose. Ensuite, on a recruté Henri, qui fait des solos de guitares un peu à la Pink Floyd.

Notre premier concert a eu lieu le 1er août, à l’Usine. C’est Lynn qui nous l’a trouvé. On avait la trouille : aucun de nous n’avait jamais joué à l’Usine. C’était génial pour une première date.

TOURNEES

On est parti en tournée avec les Cats, en mars dernier, accompagné des Staches et des Tangerines. Le premier concert était à Rennes. Les Tangerines ont joué en premier, et il n’y avait personne. Les Staches ont enchaîné, et là, ça s’est rempli, et au moment où on montait sur scène, un type m’a dit que c’était le dernier concert qui allait avoir lieu dans cette salle, et qu’on devait tout casser. J’étais pied nu, et les gens se sont mis à pogotter. A pogotter sur les Cats ! A la fin, je me suis assis, en sueur, et je me suis rendu compte que mon pied était en sang. Je n’ai rien senti pendant le concert, mais il y avait du verre par terre. Tout le monde a rangé pendant que je me soignais.

Avec les Old Bones, on a accompagné le Black Widow Project et Disagony à Bruxelles. Le cachet était de 100€ pour les trois groupes, et au lieu de mettre 9h pour y arriver, ça nous en a pris 12. Du coup, comme on jouait en premier, on a sorti les amplis et on a joué, sans sound check, c’était assez miteux. Mais on s’est bien marré.

LA MUSIQUE A GENEVE

A mon avis, il y a deux pôles à Genève en ce moment. D’un côté, toute l’équipe de Dunja et Robin, avec Bongo Joe, Moi J’Connais et Rock This Town, avec des groupes comme Mama Rosin, Duck Duck, Magic and Naked, les Cats, le Roi Angus, les Staches et les Tangerines pour le côté psyché. De l’autre, le noyau Chikitas, Disagony, Black Widow Project, Killing Volts, beaucoup plus grunge. Ghost Engine en faisait aussi partie, mais ils se sont séparés. Leur concert au Pachinko était incroyable. Je n’avais jamais vu ça, j’avais envie de me taper la tête contre les murs tellement c’était bien. Je tiens aussi à saluer 9PM, qui sont, eux, en dehors de tout. Ils font du jazz-funk super bien.

Aujourd’hui, il y a une vraie scène alternative genevoise, variée. Si on organisait un festival, les gens seraient sûrement surpris du niveau et de la diversité des groupes. Il y a énormément de nouveaux groupes, pas encore connus, par encore forcément tous très bons, mais ça va venir, même si tous ne vont pas forcément s’améliorer.

Photo d'Amadeus Kapp
Photo d’Amadeus Kapp
 LES 11 ALBUMS PREFERES D’ALEX (pour le moment)

MC5 ; Kick Out The Jam

The Dead Wheater ; Horehound

The White Stripes ; The White Stripes

Jack White; Blunderbuss

Them Crooked Vultures ; Them Crooked Vultures 

Neil Young ; Live at Massey Hall 1971

John Frusciante ; The Empirian

Ty Segall ; Slaughterhouse

Graveyard ; Hisingen Blues

Pond ; Beard, Wives and Denim

Magic Sam ; West Side Soul

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