Correspondances : l’épistolaire à l’épreuve de la rue

En février dernier, EPIC avait rencontré Alexandre Dimitrijevic et Aurélia Platon pour leur projet d’adaptation théâtrale de lettres anonymes. Quelques mois plus tard, Correspondances a vu le jour sous forme de lectures publiques par des comédien·ne·s de théâtre lors d’un évènement qui s’est déroulé ce week-end aux Bains des Pâquis et en Vieille-Ville. EPIC y a assisté et a rencontré l’équipe en charge de la mise en scène ainsi que les comédien·ne·s.

Le concept

Deux parcours, onze comédien·ne·s et des enregistrements radiophoniques. C’est de cette manière que Léo Mohr, Nadim Ahmed et Aurélia Platon ont donné vie au projet Correspondant·e·s cherche Correspondant·e·s originellement porté par Alexandre Dimitrijevic de la librairie Delphica.  L’idée était de restituer au public les lettres écrites durant le confinement de l’hiver dernier lors de ce projet d’écriture épistolaire anonyme visant à recréer du lien en cette période difficile. Pour ce faire, ils ont proposé deux performances hautement poétiques et immersives, en pleine rue et dans deux lieux symboliques de Genève. D’abord l’après-midi au Parc des Bastions, où un texte choral interprété par la troupe au complet reprenait les phrases, drôles ou touchantes, des lettres collectées. Puis, au rythme de la musique là-encore issue des échanges entre correspondant·e·s, le public était amené à suivre le cortège qui s’arrêtait régulièrement pour déclamer en duo des lettres toujours étonnantes. De quoi nous amener à réfléchir sur nos propres souvenirs du confinement. Puis, le soir aux Bains des Pâquis, dans une représentation plus statique, permettant à l’assistance de se concentrer pleinement sur les textes et d’en découvrir d’autres à travers les enregistrements des voix de Lola Gregori et Charlotte Filou, mises en musique par Paul Castellano et diffusées dans une cabine radiophonique. Des représentations hors du temps, dans des lieux emblématiques qui ont créé des moments inoubliables pour le public mais aussi pour les comédien·ne·s qui nous ont partagé leurs ressentis sur ce projet si particulier.

Alexandra Marcos et Yaël Horowicz © Clément Bourdin

À propos de la création

« Je pense que le travail [de sélection, segmentation et compilation des lettres] comme je l’ai observé de l’extérieur et de l’intérieur a été unique à chaque personne qui a participé à l’adaptation mais l’essence qu’on retrouve c’est que chacun·e des comédien·ne a essayé de trouver à la fois ce qui rendait ces correspondances uniques, mais aussi ce qui les reliait les unes aux autres » Leo Mohr, metteur en scène.

« Pour passer d’un texte écrit, qui est un dialogue qui n’a pas été pensé pour être théâtralisé, on a vraiment dû sortir de l’aspect d’attachement qu’on pouvait avoir envers ces correspondances et s’interroger sur comment on pouvait le transmettre à un public afin de le rendre intéressant théâtralement. » Camille Piller, comédienne.

« Une grosse partie du travail a été de chercher les pépites dans chacune des lettres, afin de ne garder que l’essentiel et qu’on puisse lire ces pépites au public. » Raphaël Archinard, comédien.

 « Je me suis rendu compte que dans certaines lettres, écrites de manières moins lyrique que d’autres, qui racontent des choses quotidiennes, il y avait aussi la possibilité que l’on touche une essence et que ce soit très intéressant. J’ai lu des choses vraiment banales qui m’ont touché. Il y avait un peu un double poids avec des gens qui écrivent très bien donc évidemment on s’évade plus facilement mais on peut aussi voyager dans des choses très simples et très quotidiennes, parce que c’est ce qui est le plus proche des gens, c’est qui ils sont. Dans la simplicité, dans le côté épuré de certaines lettres il y a quelque chose d’aussi très fort, de très vrai, de très humain. » Yaël Horowicz, comédien.

« Il y a beaucoup de correspondances où les auteur·rice·s se partagent de la musique à laquelle ils pensent en écrivant, qui les accompagnent, et on s’est dit que pour un spectacle c’est toujours chouette d’avoir différents aspects, de ne pas avoir juste du texte en continu et de pouvoir rendre hommage à cet échange et aux musiques dont ces personnes ont parlé. » Léo Mohr, metteur en scène.

Mahilde Soutter © Clément Bourdin

Ressentis des comédien·ne·s

« Ce que j’ai trouvé fou quand j’ai commencé à lire les correspondances, c’est que c’était la première fois que je lisais des lettres manuscrites qui ne m’étaient pas adressées. Et en plus, de vraies lettres, avec des écritures, des papiers différents. Au départ j’ai eu un peu l’impression de rentrer dans l’intimité des gens mais au final j’ai trouvé ça très intéressant de lire une lettre qui n’était pas pour moi. » Camille Piller, comédienne.

« Il y a une correspondance que j’ai particulièrement apprécié, je ne voulais rien couper, j’avais vraiment envie de tout garder. Les deux étaient dans des univers totalement différents et pourtant complémentaires, ils avaient une manière d’écrire très jolie. L’un écrivait des contes, et l’autre avait un point de vue assez cynique mais en même temps avec un humour assez aiguisé, un peu grinçant, qui est génial. » Alexandra Marcos, comédienne. 

« J’ai trouvé qu’il y avait des moments hyper drôles, des liens qui ne se faisaient pas ce qui donne un aspect assez comique. D’autant plus que, souvent, il y a des questions un peu décalées parce que je pense qu’il y a une volonté de certains des correspondant·e·s de ne pas poser des questions que l’on poserait dans la vie de tous les jours et de chercher un peu plus loin, peut-être pour rester dans l’anonymat, mais du coup ça donne des situations assez drôles. » Camille Lou Tavelli, comédienne.

« C’est très touchant, dans certaines correspondances on voit les rencontres et les gens qui finissent par se trouver, au début ils tâtonnent un peu, on raconte son univers et en fin de compte au bout de plusieurs lettres il y a un vrai lien qui se crée et moi ça m’a touchée. » Mathilde Soutter, comédienne.

Correspondances réussit l’exploit de transformer une période sombre, froide et difficile en deux jours de représentations lumineuses, drôles et touchantes.

Pour en savoir plus sur le projet Correspondances, rendez-vous sur la page Instagram de la librairie Delphica et la page Facebook de l’évènement.

Retrouvez les podcasts sur Soundcloud pour prolonger l’expérience et écouter des lettres inédites et mises en musique.

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