Fit, un uppercut signé Lolvé Tillmanns

photo : Lolvé Tillmanns

Un nouveau coup de poing dans la collection Uppercut donné par la plume de Lolvé Tillmanns. L’autrice signe aux éditions BSN Press un vif roman aux accords incisifs et bruts.

Plongée dans l’été chaud de 2003, Lo cherche de quoi payer son loyer. Fini les jobs de nuit, elle a besoin de son sommeil, sinon c’est à ses études qu’elle devra dire au revoir. Et puis la nuit est pleine de ces hommes qui viennent trop près, de l’alcool qui prend la tête au matin. Lo sera réceptionniste dans un fitness luxe de Genève, qu’on la laisse réviser en paix.

Un style frappé

Dans une langue du ventre, sans l’artifice de la pensée, Lolvé Tillmanns se plonge dans les vingt ans d’une femme au besoin d’indépendance. Un besoin qui pousse à dévorer la vie choisie, même si cela demande douze heures debout derrière un bureau à voir passer des corps qui suent trop. Sans détour, l’autrice frappe dans ce microroman Fit.

Lolvé Tillmanns par Nicolas de Cesare

Depuis 2017, les éditions BSN Press ont fait le choix du court avec sa collection Uppercut. Sous invitations, les écrivains.es romands.es s’élancent dans le bref, le percutant, tournoyant autour des sports : la boxe chez Joseph Incardona, l’alpinisme chez Claire Genoux. Pour Lolvé Tillmanns, c’est soixante-six pages sèches, courantes sur un été, de corps en salle de sport.

« À la pause de midi, ils défilent, et le connard de VIP – Môssieur a payé cent balles de plus que les autres pour qu’on lui fasse sa lessive, alors il entend me traiter comme une sous-merde – me balance son linge d’entraînement au visage. Ça me coupe heureusement un peu l’appétit je crève la dalle ».

Pour un cri à la liberté

Fit, c’est aussi l’histoire d’une femme sans cesse sexualisée et ramenée à son corps, allant dans l’intime des peurs, des doutes, de la soif et de ses envies. C’est le corps désiré, mais celui aussi qui dérange, déplait – dans un va-et-vient effréné de l’autre à soi, de soi à l’autre.

« 53 kilos. Deux de moins. Plantée devant le miroir, je laisse glisser le linge, passe mes doigts sur la cellulite. Toujours ces jambes courtes, ces fesses molles. Des larmes viennent ». Cette Lo qui s’épie, c’est celle qui à la page précédente se fait agressée dans la rue attendant le bus. Derrière son comptoir, on lui demande la séduction, tenue « élégante et sexy » et dehors on ne se retient pas, on ne la considère pas sinon chair à assoupir toute pulsion.

Une légère vibration dans l’arrêt de bus. Quatre minutes. Je regarde le sol. Il m’insulte. Trois minutes. Il accélère. Deux minutes. Il halète, il a fini, il s’en va. Le bus, enfin, je monte, m’assois juste derrière le vieux chauffeur tatoué qui me fait un petit signe.

Avec ce microroman, Lolvé Tillmanns frappe du poing à chaque phrase. Quand bien même la douceur se glisse dans les pages, elle se fait secouer. Lo chaque matin retrouve Antoine, aux mêmes heures. Un Antoine en sueur et silencieux. Dans un monde d’apparence, la sueur cache bien des insécurités.

Fit, le microroman à lire d’un souffle dans les premières chaleurs de l’été.

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