La musique improvisatrice de Malik Kaufmann

La musique pour accompagner l'impro (© Alexis Andres)

Depuis son plus jeune âge, Malik Kaufmann a baigné dans la musique, le théâtre et les contes racontés par sa mère. Puis est arrivée l’improvisation, et avec elle l’envie de mélanger les disciplines et de s’essayer à de nouveaux formats et projets. Portrait d’un musicien-improvisateur à la croisée de ces disciplines artistiques.

Pour Malik, le coup de foudre avec le monde de l’improvisation est arrivé un soir d’avril 2013, lorsque deux de ses amis lui proposent d’aller voir pour la première fois un spectacle d’impro dans le cadre du Festival International des Jeunes Improvisateurs (FIJI). « Le spectacle m’a retourné l’esprit, j’ai été subjugué par la rapidité de réflexion et par l’originalité des échanges spontanés sur scène », se remémore-t-il. C’est décidé, le tout frais étudiant universitaire veut désormais se lancer à fond dans l’impro ! S’ensuivent des cours, des entraînements, des spectacles, pour aboutir, seulement trois ans après ses débuts, à un titre de « Champion du monde d’impro » avec la Suisse. Un parcours éclair pour Malik, lui qui s’orientait pourtant à l’origine vers la musique et le théâtre.

Une jeunesse entre musique et théâtre

Tout commence au Conservatoire de Bellegarde, où Malik entame à 6 ans une formation en percussions classiques, qu’il suivra jusqu’à ses 17 ans. À 10 ans, il commence en parallèle des cours de théâtre, d’abord dans le village voisin, puis dans la ville de Bellegarde. C’est dans ce cadre artistique qu’il a un avant-goût de l’improvisation théâtrale, grâce à sa professeure d’alors, Julie Despriet, comédienne et improvisatrice. Mais à l’âge de 15 ans, la musique prend le dessus sur le théâtre : « J’avais commencé la guitare en autodidacte, et on avait lancé notre duo de chanson française/reggae avec un pote. J’ai fait le choix de lâcher le théâtre et de prendre des cours de guitare jazz manouche pour faire évoluer mon jeu », raconte-t-il. 

En automne 2012, à l’âge de 17 ans, Malik s’inscrit à l’Université de Genève et quitte la maison familiale en campagne pour venir s’installer en ville. « Avec la distance, notre duo s’est arrêté et j’ai raté les inscriptions au Conservatoire. Comme j’avais plus de temps libre, j’ai regardé pour faire une autre activité », explique Malik. Il rejoint alors l’Association des étuditant·e·s en science politique et relations internationales (Aespri). C’est là qu’il rencontre plusieurs personnes qui pratiquent l’impro en amateur et qu’il se rend pour la première fois à un spectacle d’impro, un fameux soir d’avril 2013…

Du premier cours au titre de « champion du monde »

Après ce spectacle, Malik est conquis : il contacte l’équipe amateure Les Déchênés et suit son premier cours d’improvisation. « Tout allait bien trop vite pour moi, c’était très impressionnant et j’avais le sentiment de n’avoir aucune imagination… Pourtant, à la fin du cours, je suis arrivé à décrocher un rire et ça m’a rassuré », confie-t-il. Il prend confiance, poursuit les cours semaines après semaines, et joue son premier spectacle seulement trois mois après son premier cours. Insatiable, il suit deux cours par semaine et monte le Groupe d’impro de l’Aespri avec deux de ses compères étudiants. Quelques mois plus tard, le groupe se détache de l’Aespri et devient l’association La LAITUGE – pour Ligue Amateure d’Improvisation Théâtrale de l’Université de Genève – à travers laquelle Malik, Nina Cachelin, Deborah Chirenti et Jérôme Pache proposent des cours à l’attention des étudiant·e·s.

En pleine improvisation (© Alexis Andres)

S’ensuit une sélection pour les spectacles du FIJI, une intégration dans l’équipe des Bloody Pingouins et de nombreux matchs d’impro. En 2016, il est sélectionné pour jouer le Mondial d’impro, une compétition qui regroupe les meilleures équipes d’improvisation francophones de Belgique, France, Italie, Suisse et du Québec. Après une lourde défaite en phase de poule contre le Québec, hôte de la compétition, l’équipe de Suisse atteint la finale et remporte le titre en prenant sa revanche contre cette même équipe ! « Je suis très fier de ce titre, mais ce n’était pas évident de me sentir légitime et à ma place dans cette équipe suisse qui m’impressionnait beaucoup ! Il a fallu du temps avant que je puisse me détacher de ce sentiment, et ce n’est encore aujourd’hui pas totalement derrière moi », relativise Malik.

Un retour à la musique… dans l’impro !

À son retour du Québec, Malik reprend les percussions en suivant une formation en batterie jazz à l’AMR. En 2018, il décide même de se lancer dans un cursus professionnel donné par l’École de jazz de Genève : « J’y ai appris la composition, l’harmonie, et ai pu monter mon propre projet – Chtabam Kalam – et donner quelques concerts », explique Malik. Son envie d’allier la musique et l’improvisation, déjà existante depuis longtemps, grandit à mesure que son jeu s’affine.

Malik aux percussions pour son projet « Chtabam Kalam » (© Gabriel Asper)

Ses premières expériences de musicien-improvisateur datent d’avant son titre au Mondial d’impro. Au départ, il s’agissait pour lui de simplement jouer quelques accords de guitare pour aider l’équipe d’improvisateur·trice·s (dont il faisait partie) à chanter. « Puis on m’a sollicité pour tester un nouveau rôle : accompagner musicalement les improvisateur·trice·s lors d’une série de spectacles du Bouquet, sans faire partie de l’équipe de comédien·ne·s », retrace Malik. Après de nombreuses expériences positives, Malik précise son rôle : « en tant que musicien d’impro, j’accompagne l’action, je suis comme la bande originale d’un film. La musique a une influence très importante sur l’action : elle souligne ou clarifie les émotions transmises par les comédien·ne·s. J’ai en principe un rôle de soutien de l’action, mais je peux aussi avoir un rôle de proposition, car je peux orienter la direction de l’action suivant la musique que j’improvise. » Selon le type d’improvisation, il arrive parfois même que Malik franchisse la barrière et intervienne en tant que musicien-narrateur-comédien.

Un avenir dans l’impro… et la musique !

Pour la suite, Malik ne se voit pas arrêter l’improvisation et la musique de sitôt : « Je prends toujours autant de plaisir à jouer les spectacles et j’ai encore beaucoup de choses à explorer », affirme-t-il. Et ce ne sont pas les projets et l’envie qui manquent ! En plus de ses spectacles d’improvisations dits « classiques », comme Je me souviens en avril 2023, Pièce à usage unique en juin 2023 ou le Genève Serviette impro club, le musicien-improvisateur souhaiterait allier les deux disciplines pour ses prochaines créations. « Avec Adrien Laplana et Éric Lecoultre, on a lancé un projet qui mixe improvisation théâtrale, picturale et musicale. Cela prend la forme d’une impro très libre au cours de laquelle Éric dessine, Adrien joue avec deux invité·e·s et moi j’accompagne le tout en musique », détaille Malik. En outre, 2023 sera l’occasion de présenter en duo avec sa mère, conteuse, le projet Evidaence, dont la construction se fait grâce à son expérience de musicien-improvisateur, cette fois comme méthode de travail.

Et quand on lui demande rétrospectivement de citer les personnes qui l’ont le plus impressionné au fil de son parcours, le musicien-improvisateur hésite longuement, tant un choix s’avère difficile parmi « des dizaines et des dizaines de personnes ». Il tient néanmoins à mentionner, dans le désordre, Adrien Laplana, « fascinant et jubilatoire à voir sur scène », Nina Cachelin, « d’une clairvoyance absolue dans le jeu », Pauline Maître, « pour la diversité des personnages qu’elle invente », Thomas Demaurex, « très versatile et amusant, sur scène comme hors scène », mais aussi Éric Lecoultre, Christian Baumann ou encore Déborah Chirenti. Toute une génération qui porte l’improvisation genevoise et romande vers les sommets et au-delà.

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