Après vous avoir proposé une sélection vidéo des immanquables, EPIC donne la parole à Ana Ascencio la directrice artistique de l’évènement. L’occasion de remonter le temps, de questionner notre rapport aux technologies numériques et de présenter les grands thèmes de cette édition anniversaire.
C’est la 15ème année du Mapping. Quel regard portez-vous sur le festival, sur son évolution ?
Le festival a bien entendu beaucoup évolué depuis sa création. Initialement dédié au VJing (manipulation et projection d’images en temps réel) et né dans un environnement purement “club”, le Mapping festival était en 2005 un événement réellement précurseur dans le domaine -du moins pour l’Europe- et réunissait une petite communauté de passionnés. Après 15 ans, si l’on observe son parcours, on constate que l’évolution du festival correspond en quelque sorte à celle des nouvelles technologies, qui se sont gentiment démocratisées et ne s’adressent plus à un groupe de ‘geeks’ uniquement. Comment pourrions-nous imaginer un monde après-web?
Avez-vous voulu donner une dimension particulière à cette édition ? Notamment en matière de programmation, vos motivations concernant la direction artistique sont-elles toujours les mêmes ?
Les anniversaires et les chiffres ronds sonnent toujours avec l’heure des bilans. Depuis quelques années, nous avons commencé à porter un regard plus critique sur les technologies et leur impact sur notre société. Pour cette 15ème édition, qui correspond également au 30ème anniversaire du web, il était important pour nous d’apporter un moment de réflexion autour de ce sujet. De plus, le CERN a grandement été impliqué dans cette invention. Internet a complètement modifié nos moyens de communication et, de manière plus générale, nos comportements. Par conséquent, l’idée d’accueillir l’exposition québécoise “The Dead Web – La Fin” entrait en parfaite résonance avec ces questionnements. Comment pourrions-nous imaginer un monde après-web? A quoi celui-ci pourrait-il ressembler?
Les nouvelles technologies dominent dans nos sociétés, qu’en est-il dans l’art ? Constatez-vous une certaine forme de domination de l’art numérique désormais ? Quelle place occupe la Suisse dans ce domaine précis ?
L’art numérique commence enfin à avoir sa petite place dans le milieu artistique et à être reconnu comme forme d’expression à part entière. Les nouvelles technologies se sont effectivement démocratisées, ce qui explique une utilisation plus fréquente dans les processus de création par exemple. Cependant, on est loin d’une domination quelconque et il y a plusieurs raisons à cela, notamment les questions de conservation et d’obsolescence de ces technologies, qui freinent les dynamiques (achat, vente, collection) instaurées par le milieu de l’art contemporain. Ceci est un simple exemple parmi beaucoup d’autres. Par comparaison avec d’autres pays où les arts numériques foisonnent, la Suisse a hélas cumulé un certain retard. Le soutien à la création mis en place à l’échelle fédérale s’adresse uniquement – ou presque – aux créateurs de jeux vidéos ou de contenus pour de la réalité virtuelle. Or, les arts numériques offrent un spectre beaucoup plus large que ça.
Comment s’est faite la collaboration entre le Mapping et les artistes québécois ? Pourquoi leur avez-vous donné la parole ? Les enjeux outre-Atlantique sont-ils les mêmes que chez nous ?
Le Mapping festival a toujours eu des liens très forts avec le Québec. Il s’avère que leur territoire regorge de talents et que leur institutions (tant culturelles que gouvernementales) ont su soutenir adéquatement la création numérique dès la fin des années 90. Aussi, le Mapping festival a été invité en tant que co-comissaire de la Biennale Internationale d’Art Numérique à Montréal en 2016, et cette carte blanche a permis la mise en valeur de bon nombre d’artistes suisses. Ainsi, les échanges artistiques entre la Suisse et le Québec sont fréquents, et les collaborations avec leurs structures culturelles ont lieu régulièrement, sous diverses formes. Nous avons toujours eu énormément de plaisir à travailler avec le Québec et le sentiment est réciproque. De manière plus générale aussi, de nombreuses affinités entre le Québec et la Suisse Romande ont toujours existé.
Dans quelle mesure les workshops vous permettent-ils de toucher un public plus large ?
Les ateliers résonnent fortement avec l’actualité ( un atelier sur l’utilisation des données aura lieu, ndlr) souhaitez-vous apportez une dimension éducative afin que chaque participant.e soit en mesure de comprendre certains enjeux de notre société ?
Le volet éducatif du Mapping festival a pris une place de plus en plus importante dans notre programme depuis quelques années. Tant les conférences que les ateliers attirent un public légèrement différent de celui que l’on croise au sein de l’exposition ou aux performances, car les thématiques qu’on y développe ont pour but de s’adresser à quiconque s’intéresse aux enjeux actuels liés au développement des technologies. Je fais par exemple allusion au panel E-Wasteland (ven. 24 mai, 18h30) qui traitera des réflexes de production de nos gadgets électroniques. Même si l’on observe une certaine prise de conscience générale face à certains sujets, ceux-ci demeurent toutefois peu abordés publiquement. Or, tout le monde est directement touché et concerné par ces avancements. De ce fait, tout un chacun devrait être en mesure de saisir ces enjeux, de mieux les comprendre pour pouvoir ensuite adapter ses actes en conséquence.
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