Pourquoi choisir quand on peut toucher à tout ? Tel pourrait être le crédo d’Audrey et Maxine, cocréatrices de Pintozor Prod, un collectif féministe pluridisciplinaire qui explore l’art dans ce qu’il a de vaste, de magique, de politique et de déroutant. Embarquez à bord du vaisseau d’EPIC, direction la planète Blob pour rencontrer ces deux artistes.
Audrey et Maxine sur terre, Lynxar et Maxtor sur Blob, les frontières de l’identité sont floues, mouvantes, et leur espace de création est sans limite. Depuis leur rencontre en 2014 à Lausanne, ces deux extraterrestres de la scène artistique collaborent sur de multiples projets allant du théâtre, au podcast en passant par les ateliers pour enfants et l’installation immersive. « Sur Facebook, expliquent-elles, on s’est inscrites en tant qu’aire de jeu ou arts mutantes. Nos créations, ce sont des extensions de nous-même. » Des créations souvent chapeautées par leurs avatars Lynxar et Maxtor. « Ils sont nés de notre premier projet : Brouillons de monde. On voulait travailler sur l’imaginaire du futur avec des enfants. Nous étions des étrangères pour ces jeunes, alors on s’est dit qu’on pourrait se présenter comme des extraterrestres. Ça a bien fonctionné, et on a trouvé intéressant d’intégrer ces personnages comme de véritables identités de Pintozor Prod. Ce sont des avatars qui nous permettent de nous libérer, ils sont moins formatés que nous. » Des productions hybrides, donc, parfois métaphysiques, et qu’elles cherchent à rendre immersives pour le public.
Des créations sonores qui invitent au voyage
Lauréates de l’appel à projet organisé par Radio Bascule et le théâtre Forum Meyrin en 2021, elles publient le podcast « Machines », une fiction documentaire qui met en lumière le travail des femmes sur les chantiers, et réussissent le tour de force de nous faire apprécier le son des marteaux-piqueurs et des pelleteuses. Elles obtiennent par la suite un créneau mensuel dans l’émission Quartier libre de Radio Vostok, où elles partagent des créations sonores aux thématiques larges : les conditions de travail, la grève féministe, la science, le vivant et le non-vivant… « On essaie d’utiliser le pouvoir du son pour générer des images puissantes. » Un podcast avec une forte identité sonore, mais aussi discursive, une parole libérée qui s’échappe, dans la mesure du possible, des normes : « On est dans la production de discours, mais aussi dans l’expérimentation. C’est un espace créatif et politiquement engagé en même temps. »
Kit de survie en Territoire Masculiniste
Autre grand projet du collectif : Kit de survie en Territoire Masculiniste. Né en 2021 à Genève sous l’impulsion de leur amie Marion Thomas, Kit de survie en Territoire Masculiniste est une performance qui convie le public dans une balade sonore en plein air. Dans celle-ci, elles questionnent le mouvement des « incels » (mot-valise formé des mots « involuntary » et « celibates », qu’on pourrait traduire en français « célibataires involontaires »), ces hommes qui, par frustration, développent une détestation pathologique et absolue des femmes. « Ce sont des hommes qui veulent recevoir de l’amour, même une forme d’adoration, et qui considèrent que leur célibat est imputé à la libération sexuelle et sociale des femmes. Ils ont souvent une vision très traditionnelle de la famille et des rôles de genre. » Un spectacle qui tourne régulièrement dans les festivals et qui, pour le plaisir des spectateur·trice·x·s internationaux·ales, se joue également en allemand et en anglais.
« Il y a trois kits possibles : le cool, le pas cool et l’unique ». Curieux·se·s d’en apprendre davantage ? Venez retrouver Maxine, Audrey et Marion du 8 au 23 juillet prochain au festival d’Avignon dans le cadre de la Sélection Suisse.
Si Pintozor Prod regroupe déjà un nombre conséquent de projets, Audrey et Maxine ne comptent pas s’arrêter là ; des idées, elles en ont à la pelle. Préparez-vous ainsi à découvrir bientôt « Amazing Journey » (co-crée avec Alexandre Montin), un voyage dans l’au-delà, une expérience qui questionne la marchandisation et l’angoisse transhumaniste de la mort dans nos sociétés occidentales, et « radio patate », un projet radiophonique dans une ferme pédagogique.
« On imagine Pintozor Prod comme un vaisseau où Audrey et moi, nous serions dans le cockpit avec des gens qui gravitent autour. On trace un sillon mais on a beaucoup de gens qui nous aident. » Un travail collectif qui n’a pas fini de nous surprendre… Il ne nous reste plus qu’à leur souhaiter bon voyage ici, mais surtout ailleurs, dans des contrées inexplorées, loin de cette société malade et un peu triste qu’est la nôtre.