Rétrospective

JARDIN D’HIVER

Au numéro 13 de la ruelle biscornue de l’Industrie, se tient le Jardin d’Hiver. On accède au rez de La Galerie, bistrot aux airs bohèmes et chaleureux, par un jardinet. En bas, on y boit des bières, en haut, un microcosme poétique abrite, le temps d’une exposition, les oeuvres d’Aliénor, Lisa, Ksenia, Mathias et Paul, jeunes artistes en devenir. Il convient alors, lorsque la curiosité se fait trop pressante, d’emprunter un escalier de bois, grinçant sous chaque pas. On ne peut s’y croiser qu’au prix d’improbables contorsions. Dans l’escalier on discute, on rit, on dépose son fessier sur les hautes marches échardées – il n’y a pas de chaises à l’étage. Cela confère un charme à l’espace.

Le Jardin d’Hiver s’évapore sensuellement, bercé par une création sonore qui rejoue un espace clos, espace à la fois délimité et éthéré – la voix d’Henri Salvador résonne au loin – on s’y sent bien. Le motif épi de blé ornant les murs de cet environnement singulier donne le ton : on y trouve des végétaux bien sûr, comestibles, mais aussi figés dans un temps mort – en photographie. Aliénor s’inspire du travail de Karl Blossfledt, artiste du début du 20ème siècle, connu pour son inventaire des formes et des structures végétales notamment, dont la visée était de révéler leur caractère décoratif. Les formes évoquent tantôt Klimt, tantôt celles de sculptures modernes.

Les bassins de carton – véritables piscines – rafraîchissent les lieux ; la première d’entre-elle, au motif exotique d’un certain peintre californien David Hockney, a d’ailleurs légué son nom à l’exposition. Plus loin, on admire les sculptures éphémères qui termineront dans nos estomacs : on hésite à les manger… Finalement, on croque carottes et boulettes de risotto avant de poursuivre, bienheureux. Les dessins de Paul, d’un réalisme fascinant, rappellent à nous les montagnes tibétaines du bédéiste genevois Cosey. Alors que l’oeil se trouve sans cesse attiré par une multitude de détails, une unité se dégage pourtant dans un jeu d’abstraction où la neige aliène les formes de la sculpture. Les masques dorés de Lisa semblent veiller sur le Jardin d’Hiver. De quoi se rient-ils ? Des regards hagards arpentant les oeuvres en-contrebas sans doute – ils déambulent admirablement, les visiteurs séduits.

On est jeudi : c’est soir de vernissage. La foule se presse, il est l’heure de laisser le Jardin d’Hiver s’endormir dans nos pensées. Oh et bien sûr, on n’oserait partir sans songer à ce cher Candide : il est bon de cultiver son jardin paraît-il… !

Crédits photos : Laurent SCHMIDT

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