Le Genevois Mumbling Thom a sorti la semaine passée son troisième album, un EP de 5 titres : Sheltering Skies. À cette occasion, nous l’avons rencontré pour lui poser quelques questions.
Mumbling Thom est engagé, critique et doté d’un humour acéré. Saxophoniste pendant son adolescence, il découvre la guitare grâce à son frère, qui lui offre une imitation de Les Paul pour ses 18 ans. De fil en aiguille, il se retrouve à jouer dans différents groupes de genres divers et commence à composer, jusqu’au jour où on le pousse derrière le micro. Il se met alors à écrire ses propres textes. Depuis, bien des choses se sont passées. Autodidacte jusqu’au bout des ongles, il s’est aussi lancé dans la réalisation de ses propres clips, et a donné naissance le jour de son anniversaire à un projet qu’il mène pratiquement en autarcie.
Quand apparaît le projet Mumbling Thom ?
L’idée m’est venue il y a 3-4 ans. À la base, je voulais enregistrer un seul et unique morceau le jour de mes trente ans dans le home-studio d’un pote. Au final, nous nous sommes vus sur plusieurs week-ends. J’ai amené d’autres titres et, finalement, nous avons finalisé, ensemble, treize chansons. Les sessions se sont ainsi étalées sur trois ans, très ponctuellement. Mon envie de mener un projet solo est surtout née d’une lassitude des rapports de groupe. À force de me confronter pendant une quinzaine d’années à l’ego des musiciens, j’en ai eu marre. Je me suis dit : « Avec le peu de renommée que nous connaissons, c’est déjà compliqué. Je crois que je préfère faire les choses de mon côté, sans forcément me prendre la tête avec des musiciens fixes. » Du coup, ça se passe d’autant mieux.
Qui est-ce qui joue alors, dans ce projet ? Tu ne fais quand même pas tout ?
Presque tout ! En tout cas, sur les trois albums qui sont sortis, j’ai enregistré pratiquement tout seul. Concernant Sheltering Skies, j’ai été en charge de toutes les parties guitare acoustique, basse, voix et percus. Le producteur s’est occupé de tout ce qui était habillage sonore, donc un peu de claviers, un peu de guitare électrique aussi. Et nous avons invité quelques musiciens pour « habiller » les arrangements plus spécifiques : un violoniste, une pianiste, un batteur et Diane, qui chante en duo avec moi sur « Mantra ».
Ça te permet donc de toujours recomposer un groupe pour dire ce que toi, tu veux dire. C’est le groupe idéal en fait ?
Oui, c’est ça ! En studio, les parties que je souhaite enregistrer, si ça ne fonctionne pas, je sais qui blâmer. C’est facile. Et ça me permet aussi de m’associer ponctuellement à des gens que j’aime bien, avec lesquels les rapports seraient peut-être conflictuels sur la durée. Depuis que ce projet existe, rien ne s’est jamais mal passé, que ce soit en studio, pour des tournages, pour la scène…
Quelles sont tes inspirations pour Sheltering Skies ?
Essentiellement cette philosophie nord-amérindienne qui « colore » presque tout ce que je produis. On la devine dans certains rythmes, dans certaines lignes de voix, dans certains textes. Cet EP sert également de point de liaison entre le premier album, qui était très rock, et le deuxième, qui développe des ambiances très folk. Là, avec Serge Morattel, le producteur, nous avons amené un peu plus d’électro au niveau des textures, dans l’esprit de ce qu’avait testé Bowie dans les années 70, avec sa trilogie berlinoise… ces ambiances à la Brian Eno. Il y a également un morceau qui est presque — je sais que le terme est contre nature — « arabo-klezmer ». Donc voilà, nous avons conservé l’idée de toujours garder cette ligne directrice électro-chamanique en testant des textures ou des sonorités différentes sur chaque titre. Mais ce sont les mêmes voix, les mêmes compos ; cette même dynamique traverse tout le disque.
Par rapport aux paroles, qu’est-ce qui te fait écrire et chanter en anglais plutôt qu’en français ?
L’anglais n’est pas plus simple à chanter, parce que, n’étant pas anglophone de base, je dois pas mal bosser les textes. Quand j’entends les premières maquettes que j’ai faites, dans les années nonante, ça m’agresse moi-même au niveau de l’accent ! Mais bon, je viens d’un milieu familial où l’on écoutait beaucoup de folk anglo-saxon ou américain, du coup… ça devient plus facile aussi. Si mon enfance avait baigné dans la chanson italienne, j’aurais certainement essayé de chanter en italien. Du moins, j’aurais appris les rudiments pour tenter d’écrire en italien. Je crois que je chante en anglais surtout par pudeur. En tout cas, en Suisse, quand je chante en anglais, la barrière de la langue me permet pas mal de choses : je peux aborder certains sujets un peu plus ambigus, ou parler de ce qui me tient à cœur.
Et quelles sont donc ces fameuses thématiques ?
L’un des thèmes dominants, c’est l’incommunicabilité entre homme et femme, qui revient souvent. Beaucoup de paroles abordent aussi, pour le coup, la place de la femme dans la société. Il ne s’agit pas des textes féministes, parce que je ne me revendique pas comme tel ; c’est très factuel. On va comparer plus ou moins ce qui est fait pour les hommes, et ce qui existe pour les femmes. Ce sont de simples constats, des portraits de personnes que je connais ou qui m’ont confié des choses dont je peux me servir comme matériau de base, avec leur accord évidemment. L’un des morceaux sur Sheltering Skies parle notamment d’une amie qui a été victime d’agressions homophobes, un autre aborde la question de la maltraitance infantile, donc pas forcément les thèmes qu’on entend dans les chansons rock mainstream. C’est ce qui m’intéresse, c’est ce que j’ai envie d’entendre en général. Et comme je ne l’entends pas souvent, du coup, j’écris là-dessus.
Et pour la suite ? Tu as déjà de nouveaux projets en route ?
Trois vidéos vont être tournées en mars-avril : Mantra, This Flood Serene et October. Le temps de monter les clips, ça va sortir au compte-goutte en mai-juin. Un EP trois titres en français, prévu pour juin, est déjà enregistré. La pochette est encore en cours de réalisation… Pour la première fois, certains textes ont été pensés en français de manière sérieuse, réfléchie. On est loin de morceaux potaches à la « Oui, oui, j’aime quand tu me dis oui ! » Au niveau des textures, je crois qu’un retrouve la dynamique générale du projet.
Si cet article vous a donné envie d’aller découvrir l’univers musical de Mumbling Thom, sachez que l’EP Sheltering Skies est uniquement disponible au format digital, ici https://mumblingthom.bandcamp.com/album/sheltering-skies. Notez aussi qu’un show-case, avec Diane A., est prévu le 3 mars à 21h15 au Café communautaire de la maison onésienne. Bonne écoute !