L’heure est grave pour la culture. Comme nous le rappelions dans notre récent édito, le secteur culturel ainsi que les acteurs qui le font vivre ont subi de plein fouet les décisions politiques relatives au coronavirus. Sans concert, festival, exposition, spectacle, répétition, ou encore projection, le monde culturel se voit privé de la majeure partie de son activité. Fort heureusement, grâce à la magie d’internet, la culture se réinvente vite et souvent de manière assez étonnante. Pour célébrer notre culture 3.0, EPIC a décidé de lancer une série d’articles consacrés à différentes initiatives culturelles qui fleurissent ici et là afin de faire rayonner le patrimoine artistique de notre chère Suisse romande… le tout depuis chez soi.
Les photographes capturent, ancrent et gardent à travers leurs travaux une vision qu’ils ont voulu nous proposer à un moment donné. Pour ce huitième article sur la culture en temps de confinement, EPIC propose de partir à la rencontre de neuf photographes romand·e·s qui nous partagent leurs débuts, leurs inspirations et projets.
1. Drapeaunoir, de la photo de rue aux portraits
Étudiant en bachelor en géographie, Drapeaunoir commence la photographie en 2017 à travers des appareils photos jetables, ce qui le pousse à s’intéresser à la photographie argentique. Ce qui lui plait autant avec l’analogique, c’est cet effet de surprise qui gravite autour du développement de la pellicule. Cette étape est à la fois intriguante et stressante, on ne sait jamais si les shoots ont été réussi.
À ses débuts, le photographe s’est tout d’abord plongé dans la photo de rue avec la volonté de capturer des instants, d’immortaliser ce qui nous entoure ; « raconter des histoires et transmettre les émotions qui vont avec ». Depuis peu, il s’essaie à d’autres styles de photographie qui demandent notamment de penser la démarche initiale différemment. Il apprécie composer la photo et développe son œil artistique en prêtant attention aux décors, modèles et mouvements.
2. Gamb alias Titouan Garnier, des scènes aux pochettes d’albums
Gamb noue un premier contact avec la photographie autour de la photo urbex, style de photo qui vise à capturer des lieux abandonnés. Rapidement, il fait en sorte d’obtenir certaines accréditations pour photographier en concert et dans des boîtes de nuits. Pendant trois ans, il se développe autour de la photographie de scène, enchaîne les concerts avant de placer ses efforts autour du portait et des pochettes d’album. Il a d’ailleurs travaillé sur celle de Slimka: no bad vol. 2 puis sur les covers Pogolan de Gio dallas, Multiver de Rounhaa et aussi sur la cover Vision de Empty7.
Accompagné de son Nikon D860, Titouan cherche au travers de ses clichés à exprimer la personnalité de l’artiste, ce qu’il donne à son public lors des concerts. Avec les couleurs choisies, le grain et les mouvements, il tente de se rapprocher de l’histoire de celui qu’il suit pour quelques instants.
Actuellement, il travaille sur le lancement de son label https://www.tomars.ch qui comporte déjà une vingtaine d’artistes. Il sera officiellement lancé le 18 mai prochain, et Titouan place ses efforts autour du management et de la production artistique qui vise à encadrer et à aider le développement de divers artistes ; interprètes, vidéastes, beatmaker, et ce, toujours autour de la scène qui l’intéresse : le hip-hop.
3. Ivdov, entre fiction et réalité
Actuellement, Ivdov termine son diplôme au CEPV à Vevey. Dirigée vers la photographie par passion, ce qui lui plait c’est cette dimension qui la compose: entre fiction et réalité.
Elle travaille sur les images d’états modifiés de consciences liées au sommeil et plus précisément les images hypnagogiques (état de conscience particulier qui a lieu durant la première phase du sommeil: l’endormissement). Elle termine donc son mémoire à ce sujet et met en place une installation intitulée ZZZ qui résulte de sa réflexion au sujet de la représentation de ces images. Elle sera présentée lors de l’exposition de diplôme du CEPVC en juillet prochain.
4. Justine Stella Knuchel, la photographie comme engagement social
Les premiers liens de Justine avec la photographie se tissent à l’âge de 12 ans, lorsqu’elle reçoit son compact. À ses 15 ans, on lui offre un réflex avec lequel elle va se lancer dans plusieurs tests d’exploration pour comprendre les diverses techniques et se familiariser avec l’outil. La photo a d’abord été un moyen de tisser un lien avec ceux qui l’entourent.
La photographie pour elle n’a pas qu’un but esthétique, elle s’inscrit dans une démarche sociale et une volonté de transmettre des messages. Inspirée par ses parents, elle retient de sa mère syndicaliste son engagement et son activisme et de son père réalisateur ; la manière d’approcher la réalité. Selon elle, la force de la photographie réside dans le lien qui se crée entre les sujets et le.a photographe, à travers leurs échanges et la relation intime qui en découle.
Actuellement la photographe se questionne sur l’image de manière générale. Elle souhaite raconter davantage d’histoires, réfléchir au contexte de production et comprendre pourquoi elle fait de la photo. Elle s’intéresse aux questionnements qui précèdent la production, persuadée qu’un.e artiste possède une responsabilité lorsqu’il.elle publie, d’autant plus dans un contexte où nous baignons dans un flux important d’images.
5. Naomi Setiawan, un art sensible aux états d’âmes qui l’entourent
Étudiante en criminologie, Naomi s’est lancée depuis deux ans dans la photographie. Avec son seul et premier appareil argentique, elle a commencé par capturer initialement des images qui se rapprochent du documentaire. Sur un mal-entendu en janvier 2019, elle se retrouve accréditée au Beat Festival de Genève. C’est ce soir-là où elle capture ses premières scènes d’inconnus et que s’en suivra les autres scènes qu’elle photographiera.
Même si le rap a une grande importance dans sa photo, elle ne se résume de loin, pas qu’à cela. Beaucoup de sujets l’inspirent ; « je n’arrive pas forcément à vivre mon affect de manière “diluée”, alors c’est sans doute pour ça que les extrêmes m’attirent dans la photo ».
Elle travaille l’image uniquement à l’argentique pour de multiples raisons : « Pour être honnête, je n’ai aucune maîtrise des outils de post-prods donc j’aurais galéré à travailler mes photos si j’avais choisi le numérique, et je pense que ce n’est pas un médium qui s’apparente bien à ce que je cherche à faire avec la photo. L’argentique m’apprend la patience et le “one-shot”, et sans en faire une analogie nulle et banale, je trouve que c’est un peu ça la vie. Au final, on ne revivra jamais exactement les moments que l’on a vécu, du moins pas de la même manière ». Naomi apprécie d’ailleurs le rendu particulier propre à chaque pellicule.
Récemment, elle a développé une série plus personnelle que ses travaux habituels. En parallèle, elle essaye actuellement « d’esquisser des ponts entre le milieu de la photo et son domaine d’étude/ de profession ». Enfin d’autres collaborations avec des artistes du rap français se dessinent à l’aube de ce déconfinement.
6. Nikita Thévoz, son amour pour la scène et la folie qui en émane
Nikita poursuit tout d’abord une formation au CEPV à Vevey et décide ensuite de partir voyager en Angleterre. C’est lors de ce voyage qu’elle découvre son attrait pour la photo de concert et particulièrement la scène rock. C’est à ce moment là qu’elle tombe en admiration devant le travail de Mehdi Benkler, qui deviendra par la suite, un ami.
« J’aime la photographie de scène, j’aime la folie qui en émane, la vie, la sincérité, la singularité des images. Je trouve du plaisir à comprendre mes photos : les visages, les traits. »
En revenant de son voyage, elle décide de poursuivre la formation supérieure du CEPV pour approfondir son travail artistique. Elle se remémore les retours que lui ont fait des photographes de renoms : Donigan Cumming, Asger Carlsen, ou encore Guillaume Hervault qui lui disait d’être plus radicale. Elle se rappelle également des longues discussions intéressantes avec Anne Golaz.
Avec la crise actuelle, Nikita en a profité pour terminer un fanzine d’une tournée qu’elle a faite l’année passé avec un groupe français: Pauwels. Elle continue également à faire des portraits pour le média de la RTS: « Tataki ». L’artiste a aussi quelques shootings programmés avec des groupes pour des press kit ou des pochettes d’albums.
7. Oumar Alyba, à la recherche de l’imprévisible
Oumar n’a jamais vraiment cherché à définir ou qualifier réellement son style. Sa volonté s’inscrit dans une démarche qui vise à saisir des situations qui lui apparaissent uniques. Ce qui l’inspire ce sont ces situations, souvent imprévisibles. Pour lui, entamer un voyage est un bon moyen de se porter vers l’imprévisible.
Ces derniers temps, ses recherches portent vers des styles différents et semblent se rapprocher de mouvements plus abstraits.
« Mes projets personnels sont dictés par la singularité de certaines situations qui se présentent, au-delà de ma volonté, et cela lorsque j’en suis réceptif. Ces situations, lorsqu’elles sont capturées constituent la matière pour la suite de mon travail. Je travaille ensuite sur ces photographies dès que j’en ressens le besoin. Il se peut d’ailleurs que je sois réellement inspiré par une photographie plusieurs mois plus tard. »
Il développe en ce moment des projets avec des peintres en tentant d’allier peinture et photographie sur un même support.
8. Ulysse Lozano, une inspiration du dessin
Depuis très jeune, Ulysse est un passionné des diverses formes d’expressions artistiques, et notamment de dessin. À 13 ans, il reçoit un reflex et débute alors la photographie. À travers les différents artistes qu’il suit sur Instagram, il se forge rapidement un esprit critique pour déceler ce qui lui plait.
Ce qui qualifie ses photos, c’est la manière de penser l’image ; « Ayant toute ma vie dessiné, j’ai toujours construit une photo de la même manière qu’un dessin : cherchant le rapport parfait entre les formes et les couleurs ».
Le photographe est notamment très intéressé par la scénographie, la manière de composer une image et de la rendre harmonieuse.
Ses sources d’inspirations se composent de plusieurs arts qui s’entrecroisent ; le cinéma, la mode, le design d’intérieur et le graphisme.
9. Yan Miranda Meyer, un travail qui se rapproche de travaux anthropologiques sociaux culturels
Yan débute la photographie un an après son apprentissage d’employé de commerce en 2016. Après cette formation, il ressent le besoin de suivre un chemin plus artistique mais ignore encore, à travers quel medium. Au départ, il a passé du temps à lire les magazines de mode qui l’ont toujours fasciné. Il se lance alors dans la création d’un portfolio pour s’inscrire dans différentes écoles du canton.
« Les photographes qui m’ont fortement influencé au début et toujours aujourd’hui ont été Helmut Newton, Richard Avedon, William Klein et Walter Pfeiffer pour leur travaux de portraits, de mode et de nus. Au fur et à mesure du temps j’ai compris que le monde de la photographie était vaste et que je pouvais partir dans différents horizons puis Bruce Davidson, Claudia Andujar, Robert Mapplethorpe, Matt Lambert sont venus s’ajouter à la liste. »
Son style est varié mais se rapproche particulièrement de travaux anthropologiques sociaux culturels. Au travers de notre échange, il revient d’ailleurs sur son voyage à Rio de Janeiro ;
« j’ai eu l’opportunité d’entreprendre un projet photographique sur les minorités tiraillées entre l’omniprésence policière et l’influence des trafiquants dans la favela « Santa Marta ».