Interview de Foofwa : le danseur fou ? fouf ?

En deux mots, qui est Foofwa ?
Il est né de parents danseurs : Beatriz Consuelo et Claude Gafner.
Il commence à étudier la danse à Genève à l’Ecole de Danse de Genève et avec le Ballet Junior.
Pendant trois ans, il danse au Ballet de Stuttgart.
Il entre à la Merce Cunningham Dance Company en 1991. Il y restera jusqu’en 1998.
Puis, de retour à Genève pour démarrer une carrière solo, il crée la compagnie Neopost Ahrrrt.

Foofwa aime surprendre et redoubler d’originalité pour ses créations. Par exemple, sa pièce Kilometrix est fondée sur une course dansée à travers une ville. L’humour est très souvent présent dans son travail, bien que son répertoire comporte des pièces plus sérieuses.


Le nom d’artiste : Pourquoi avoir décidé de te renommer ?

L’idée c’est de jouer avec mon identité. De toute façon on change. Le moi est constamment en évolution, redéfini par les autres. Du coup, ça m’intéresse l’idée de changer d’étiquette en changeant de nom.

Foofwa d’Imobilité c’est tellement con. Et en même temps c’est sérieux de se renommer. C’est assumer que ce nouveau nom me définit peut-être mieux que le prénom que mes parents m’ont donné.

Je crois qu’on peut jouer avec les choses et qu’au fond ce n’est pas si grave.

Utérus, pièce d’intérieur – création 2014

J’ai eu avec cette pièce une expérience unique. Mon rapport au trac était différent. J’étais plus calme. Je pouvais être là, devant d’autres avec mes défauts, mes bizarreries. J’avais une confiance qui n’était pas une prétention. Je n’avais encore jamais vécu ça, alors que je suis sur scène depuis longtemps. Je pense que c’est la pièce dont je suis le plus fier.

Utérus est le résultat de pouvoir être soi-même devant d’autres. Et c’est ce que je voulais faire avant de mourir.

Le public : Tu fais beaucoup de références à l’histoire de la danse. Quelle place accordes-tu au spectateur qui n’aurait encore jamais vu de danse contemporaine ?

Je me permets de parler de ce que je connais, donc la danse ou une partie de la danse. C’est pour ça que beaucoup de mes spectacles en parlent. C’est vrai que ça peut parfois frôler l’élitisme et ne parler qu’aux « connaisseurs ». Mais, en même temps, pour faire avancer aussi dans ce champ-là, il faut être pointu.

Par exemple, Musings a une partie du spectacle qui fait référence à une culture particulière de la danse, avec une certaine histoire etc. Néanmoins, j’essaie toujours d’être conscient de ça. Et j’espère que quelqu’un qui n’est jamais venu à un spectacle de danse peut quand même ressentir quelque chose, être touché, avoir des idées etc. J’essaie toujours de voir cet aspect-là aussi.

Mais parfois, comme on est des êtres culturels, notre culture (peu importe laquelle) fait écran et on essaie absolument de tout comprendre. Alors que, finalement, tu peux venir à un spectacle de danse et dire « moi je ne connais rien à la danse, mais ce n’est pas grave… Ouais ça m’a fait rêvasser. Ah, tiens ! C’est rouge… J’aime bien le rouge. » Souvent, le théâtre, étant une sorte de culture sociale assez particulière, il y a une pression. Mais quelque part ce n’est pas important que les gens ne connaissent rien à la danse. Au contraire, ce qu’ils ont senti, même si c’est complètement différent de ce que j’ai voulu dire, ce n’est pas grave, au contraire, tant mieux !

Donc, j’essaie d’être le plus pointu possible par rapport à ce que je fais. Mais il faut que le public se sente libre de le prendre comme il veut.

LaréduQ, rot pet cul, il n’y a pas plus général. Donc je trouvais que c’était intéressant de faire quelque chose d’hyper connoté (art dada, classique etc.) et le mélanger avec le pet et le rot. Ça poussait le public à prendre ce qu’il y avait. « Ah oui ça pète et ça danse. Haha, ah oui. Bon voilà »

Avec Utérus, j’ai eu des retours de gens qui ne connaissaient pas la danse et qui m’ont dit des choses géniales :

« Vous avez fait tout ce que je n’ose pas faire durant ma journée »

« Vous m’avez donné envie d’enlever toutes mes chaînes »

Je me suis aussi posé la question de savoir si on doit donner forcément, caricaturer les choses ? Ou est-ce qu’on peut simplement être et néanmoins que le spectateur soit témoin de quelque chose de fort ?

Finalement, on était un peu comme des enfants dans Utérus ; on passait d’une chose à une autre sans forcément avoir besoin de répéter vingt fois le même mouvement pour qu’il soit compris. Finalement, c’est une manière de faire qui est plus proche de la vie…

Les critiques, le mouvement, la danse : que penses-tu des critiques culturelles à Genève ?

Ce qui manque dans la critique de la danse à Genève c’est une attention portée sur la qualité de mouvement. On regarde la production, le tout, mais on n’analyse pas le corps et la manière dont il se meut. Ce phénomène-là ne touche pas seulement la presse mais le public aussi. Pourtant, dans la danse c’est important le corps aussi.

Le corps du danseur : Quel est ton rapport à la technique justement ?

Je trouve que la maîtrise du corps est quelque chose d’intéressant, tout comme pouvoir la partager avec un public. C’est une façon d’appréhender une certaine liberté. Un saut, par exemple, est un défi à la gravité. Car, à la base, le corps est plutôt lourd. En sautant, on se libère de sa pesanteur.

En plus, le corps est d’habitude toujours lié à son aspect utilitaire et tout à coup, avec la danse, les mouvements sont effectués « pour rien ».

La candeur : Qu’en est-il de la naïveté dans tes pièces ?

Dans LaréduQ on était dans l’idée juste d’être candide, de s’émerveiller des choses plus que de vouloir faire une provocation ou une intellectualisation de la chose. Le cul c’est le cul et puis voilà.

Etre con c’est vachement important aussi. Tu peux être très sérieux, intelligent, essayer de comprendre les choses, lire des livres de philosophie et en même temps dire mais on est tous cons et c’est bien.

Histoire condensée c’est vraiment l’histoire de la danse pour tous. Il y a « histoire », il y a « dansée » et ce qui reste c’est « con », et le con c’est moi. Je ne suis pas la connaissance. Je suis un con comme tout le monde. Je suis là parce que j’ai des choses à partager mais je n’ai pas d’autorité particulière. On est tous des humains !

L’improvisation : Pourquoi accordes-tu autant d’importance aux imprévus du public et à l’improvisation dans tes pièces ?

Le spectacle vivant c’est ça, c’est qu’il est vivant. Tout peut arriver. L’utilisation d’imprévus c’est une manière de célébrer ce moment que l’on vit ensemble. Un peu comme les enfants qui sont attentifs aux choses qui se passent : il y a un bruit, ils se retournent.

Notre jeunesse, on la passe beaucoup dans le futur ; quand on est adulte dans le passé et le spectacle vivant c’est une manière d’être dans le présent.

La chorégraphie c’est quelque chose d’écrit ; les choses sont bien organisées, c’est une prédestination. Donc c’est pour ça que j’aime jouer avec l’imprévu et que j’accorde de l’importance aux choses non-écrites. Dans Utérus c’était ça, à l’extrême.

Marche à suivre idéale du spectateur : Comment doser la documentation avant et après le spectacle ?

Dans l’idéal rien avant – le minimum. Et après, tout si on est intéressé.

C’est bien d’aller dans l’immédiateté de la rencontre. On serait plus proche de la rencontre amoureuse que du site de rencontre. Ce serait bien que le moment d’art soit plus de l’ordre de la rencontre, de l’immédiat.

La pudeur et le tabou : Le public suisse comment est-il ?

Il y a des tabous. Mais en même temps, ne pas vouloir en parler, ne pas vouloir le voir, c’est donner de l’importance à quelque chose qui n’en a pas vraiment.

Par exemple le sexe fait rire tout le monde. Quand c’est dans un contexte de spectacle humoristique, il y a toujours des blagues liées au sexe.

Le vrai tabou finalement c’est la scatologie. Alors que ça concerne tout le monde. Même le président des Etats-Unis fait caca. La scatologie remet tout le monde au même niveau.

Dans LaréduQ avec Ruth qui pète du vagin et mon solo d’Apollon qui rote, le but c’est de désacraliser. C’est l’union du Bacchus et d’Apollon. Ça montre que les deux peuvent coexister. L’idée c’est de mettre en avant notre complexité. On est des péteurs et on peut être des surhommes.

Pièce à venir (janvier 2015 à Vidy –  lien vers l’événement) : Au contraire 

C’est une pièce sur la manière dont l’autre nous contamine, quel est notre rapport à l’autre, comme il nous dépasse, comme on a envie et besoin de l’autre.

La première partie est un peu solipsiste : on est seul avec l’imaginaire d’artiste.

Le premier duo est une sorte de complétion ; on commence à se compléter, c’est un partenariat.

Puis il y a la question de l’Etat, la politique, comment on est avec d’autres quand on est plus que deux ?

Et puis, il y a une scène finale, d’amour, où on fait presque tout, mais de manière figurée. L’idée c’est aussi la simplicité d’être corps à corps, avec l’autre, ensemble, avec sa beauté, son mystère et son intensité.

Enfin, Godard est un filtre qui nous permet d’imaginer un spectacle dit « cinématique » : cinématographique et cinétique. C’est un faux tournage. Cela suggère l’univers du cinéma (le point de vue, la coupe, les séquences, le montage)…

Il y a aussi une grande question sur l’être et le paraître, qui n’est pas résolue mais développée ensuite dans Utérus.

C’est très parlé et dansé car il avait été fait pour Avignon qui est un festival de théâtre et de danse.

Il y a Manon Anderson, qui a tourné avec Godard quand elle était jeune.

L’aspect politique vient de Godard, avec la question sur l’art, humaine-philosophique, et la question politique.

Ça peut intéresser autant les gens de théâtre, de danse et de cinéma…

Site internet: www.foofwa.com

Prochaine date: Ontologie,  au Grand Studio du Centre national de la danse de Pantin en France – le 4 octobre 2014 lien vers l’événement

Prochaines dates en Suisse: Utérus, à l’Arsenic à Lausanne – du 7 octobre au 10 octobre 2014 lien vers l’événement

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.